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Les Palestiniens doivent éviter de tomber une fois encore dans ce piège !
dimanche 18 octobre 2015 - Sam Bahour
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De jeunes vies si précieuses ne sont pas seules à mériter d’être enterrées

Le couvercle de ce baril de poudre qu’est le territoire palestinien de Cisjordanie sous occupation israélienne, y compris Jérusalem-Est et la bande de Gaza, est en passe de sauter depuis bien des années.

Trop peu ont écouté

Le Premier ministre Benjamin Netanyahou a construit toute sa carrière politique sur une seule et unique tribune : la violence contre les Palestiniens. Dès avant sa première élection en tant que Premier ministre en 1996, il s’était publiquement et agressivement moqué de son propre Premier ministre Yitzhak Rabin pour avoir conclu un accord de paix intérimaire avec l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP).

L’environnement toxique dans lequel opérait Netanyahou a nourri en partie la motivation d’un juif extrémiste à assassiner Rabin. Netanyahou se glorifie d’être le dirigeant qui a stoppé le processus de paix et son suivi. Pour s’assurer que la paix n’aurait jamais la moindre chance, il a accéléré la construction de modules coloniaux en Cisjordanie, il a attaqué Gaza à de nombreuses reprises, il a fait démolir plus encore de maisons palestiniennes, arrêté davantage de Palestiniens, y compris des mineurs d’âge, souvent sans la moindre charge, et il a omis de faire juger les colons juifs qui ont récemment brûlé vive une famille palestinienne pendant son sommeil.

Mais pourquoi Israël semble-t-il apparemment chercher la violence ? La réponse est élémentaire pour quiconque suit ce conflit : Israël n’a qu’un seul mode d’emploi contre le légitime combat des Palestiniens pour leur liberté et leur indépendance, se servir de sa machine de guerre si bien huilée pour écraser tout Palestinien qui tente de résister à l’occupation. Depuis 1948 et 1967, Israël a systématiquement utilisé la guerre et la violence pour accaparer plus de terres, tout en poussant les Palestiniens soit à devenir violents soit à émigrer.

Ces dernières années, Israël s’est retrouvé pris dans un piège stratégique. Les Palestiniens ont changé de vitesses et se sont mis à opérer dans des actions non violentes. C’est ce qu’il appellent la “smart resistance.” De nouveaux outils de résistance, comme appeler au boycott de produits israéliens, au désinvestissement de financements israéliens et travailler à convaincre des Etats d’appliquer des sanctions à Israël, tout cela a contribué à ce changement de stratégie.

En outre sous la présidence de Mahmoud Abbas, la direction palestinienne n’a cessé d’appeler à l’adoption de méthodes de résistance non violentes. Ce positionnement laissait peu de place à de nouvelles attaques israéliennes à grande échelle en Cisjordanie ; mais à présent Israël semble prêt à utiliser la violence des derniers jours comme prétexte pour une répression de grande ampleur ainsi que pour une extension de son contrôle. Aujourd’hui Israël dicte les lignes de la réponse à la violence palestinienne, et on a bien oublié les longs mois de violences de l’Etat et des colons qui ont abouti au moment présent.

Sur le front diplomatique, en 2012 la Palestine a accédé au rang d’état membre observateur aux Nations Unies et le drapeau palestinien a récemment été déployé près de ceux des autres états. La tendance était claire pour tout le monde : les Palestiniens avaient compris qu’ils ne battraient pas Israël à son propre jeu de violence et ils passaient à d’autres moyens de résistance, qui menaçaient sérieusement Israël.

Le Directeur des Affaires politiques militaires au Ministère israélien de la Défense, le général de réserve Amos Gilad, a reconnu l’efficacité de cette résistance palestinienne alternative quand il a déclaré : « Nous ne sommes pas très bons pour faire du Gandhi ».

Mieux que quiconque, Israël sait que si on permet aux Palestiniens de s’engager dans la non violence, ils risquent fort d’acculer Israël et d’exposer l’occupation pour ce qu’elle est vraiment : un système d’apartheid moderne, voire pire.

La communauté internationale s’est contentée d’être spectatrice, y compris les Etats-Unis, où le sentiment populaire au Parti Démocrate a rapidement évolué en soutien de la liberté et des droits égaux pour les Palestiniens. Néanmoins à part quelques mesures limitées comme la publication de directives UE pour éviter de financer des activités coloniales, l’impunité israélienne persiste tandis que les partenaires commerciaux d’Israël continuent à soutenir l’insoutenable réalité de l’occupation militaire.

Le stratagème d’Israël

Ce n’est pas la première fois qu’Israël entraîne les Palestiniens dans des affrontements violents. En fait la folie suit plutôt un rythme cyclique. C’est comme si Israël désirait que chaque nouvelle génération de Palestiniens reçoive sa dose de la politique « du poing d’acier ».

Nous, Palestiniens, nous ne devons pas retomber à nouveau dans ce piège. Depuis sa création, Israël a suivi une trajectoire politique univoque vis à vis du conflit : gagner autant de géographie palestinienne que possible, et dessus, le moins de démographie possible. C’est ce qu’ils ont appliqué à Haifa et à Jaffa en 1948, et la même chose vaut pour la Cisjordanie, Jérusalem-Est et la bande de Gaza aujourd’hui.

La résistance (non-violence) intelligente, ce n’est pas un slogan, c’est une voie de conscience vers la liberté et l’indépendance. Nous Palestiniens, devons rester pleinement conscients de l’essence politique de toute action israélienne.

Attirer une nouvelle génération de jeunes privés du droit de vote vers les checkpoints militaires qui encerclent leurs villes – même si cela implique que des soldats israéliens habillés en Palestiniens lancent des pierres vers leurs propre armée pour inciter de vrais manifestants à faire pareil – c’est un stratagème israélien. Pour couvrir ses crimes, Israël a besoin d’alimenter tous les stéréotypes occidentaux du sous-homme palestinien violent plutôt que désireux de liberté et de droits égaux. (*)

Mais c’est de plus en plus difficile pour Israël quand chaque Palestinien tenant un téléphone portable a les moyens d’attester de l’occupation en temps réel.

Les jeunes vies, si précieuses, ne sont pas seules à mériter d’être enterrées. Avec la détérioration récente, tout le paradigme politique de la solution à deux états se voit reléguée dans les livres d’histoire. Ce qui viendra, ce n’est pas une disparition des Palestiniens, ni un succès d’Israël les malmenant jusqu’à la soumission, mais bien plutôt une nouvelle génération de Palestiniens, armés d’Histoire et déterminés à arracher leur émancipation à ceux qui leur barreront la route.

(*) Les mistaravim, soldats israéliens déguisés en Palestiniens, sont connus pour infiltrer les manifestations afin d’aider à identifier et à capturer des individus "wanted", ce que les observateurs qualifient de pratique illégale. (ndlt)

Du même auteur :
- De l’urgence de restaurer le système politique palestinien - 12 mars 2015
- Israël a déclaré la guerre aux banques palestiniennes - 29 mai 2014

Lire également :
- Mazin Qumsiyeh : « Une histoire populaire de la Résistance palestinienne » - 8 avril 2013
- « Résistance non-violente » dans les TPO : changement de stratégie ou recherche d’une légitimité nouvelle ? -
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- La résistance ne capitulera pas. Nous vaincrons ou mourrons - 13 juillet 2015

* Sam Bahour est un consultant américano-palestinien en développement des affaires, à Al-Bireh (Ramallah), au nord de Jérusalem, ancien cadre de l’Université Birzeit. Il est co-éditeur de "Homeland : Oral History of Palestine and Palestinians" (Olive Branch Press, 1994) et il co-dirige notamment la fondation Dalia Association.

14 octobre 2015 - The Palestine Chronicle - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.palestinechronicle.com/palestinians-must-not-fall-into-this-trap-again/
Traduction : Info-Palestine.eu - Marie Meert