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Les leaders israéliens se réjouissent de la cruauté européenne envers les réfugiés
samedi 26 septembre 2015 - Rania Khalek
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Une scène de Budapest au début du mois. La Hongrie a répondu d’une manière brutale aux réfugiés fuyant la guerre - Photo : Flickr/Michael Gubi

Dore Gold, directeur général du ministère des affaires étrangères israélien a exprimé son optimisme que l’influx des réfugiés va orienter l’Europe vers la droite, la rendant plus compréhensive quant à la justification « sécuritaire » de la poursuite de la colonisation israélienne en Palestine.

“Israël a toujours dû faire face au problème pérenne que son point de vue concernant la sécurité nationale était complètement déphasé quant à la façon dont les Européens voyaient l’émergence de la communauté européenne et le monde sans frontières qui apparaissait », a déclaré au Jerusalem Post l’intransigeant né en Amérique.

« Dans les modèles européens qui existaient il y a 25 ou 30 ans, il est assez difficile d’entendre un argument israélien. Mais maintenant, il se pourrait que les choses changent un peu » a avancé Gold.

« La perspective européenne commence à ressembler un peu à celle d’Israël quant aux problèmes de sécurité, comparé à ce qu’elle était dans le passé . »

Echos de la Shoah

Les images de réfugiés entassés dans des trains, suivis avec des numéros sur leurs avant-bras, enfermés et nourris comme des animaux de zoo dans des camps surpeuplés et empêchés de pénétrer en Hongrie par des barrières de barbelés coupants, ont rappelé des souvenirs du plus sombre chapitre de l’histoire de l’Europe...

Pendant ce temps, les réfugiés continuent de périr en masse au cours de périlleux voyages vers l’Europe, coulant parfois dans des embarcations de fortune, ou suffocant dans des camions au bord des routes.

On oublie souvent que ces décès sont une conséquence directe des politiques frontalières européennes, conçues pour que les migrations soient aussi dangereuses que possible.

Les seuls éléments moins reconnus sont les causes fondamentales du problème. Les politiques cupides pratiquées par les nations riches dans un Nord global de plus en plus fermé ont déstabilisé et attisé l’agitation qui a causé le pire afflux de réfugiés depuis la Seconde Guerre mondiale.

Ce n’est pas un hasard si tant de réfugiés aux portes de l’Europe veulent échapper aux troubles en Syrie, Libye, Iraq et Afghanistan – pays que les Etats-Unis et ses alliés ont ouvertement ou indirectement pillés et déstabilisés.

Préserver une Europe chrétienne

Comme il y a beaucoup de blâmes à partager dans la crise actuelle, les actes de la Hongrie –joints à la rhétorique chauvine de Viktor Orban, son premier ministre d’extrême-droite - ont provoqué la plus grande révulsion.

Les réfugiés musulmans doivent être tenus à l’écart de l’Europe « pour que l’Europe reste chrétienne » a déclaré Orban dans un article, exhortant les Allemands à ne pas admettre les réfugiés musulmans.

“Nous ne devons pas oublier que ces gens qui viennent ici ont grandi avec une religion différente et représentent une culture complètement différente », insiste-il. « La plupart ne sont pas chrétiens, mais musulmans…C’est une question importante, parce que l’Europe et la culture européenne ont des racines chrétiennes. »

Une déclaration de Zeid Ra’ad Al Hussein, haut-commissaire de l’ONU pour les droits de l’homme, attribue le traitement « insensible et illégal » des réfugiés aux « opinions xénophobes et anti-musulmanes qui semblent être au cœur de la politique actuelle du gouvernement hongrois. »

En fait, Fidesz, le parti d’Orban au pouvoir est épris d’Israël, surtout du parti Likoud du premier ministre Benyamin Nétanyahou. Au cours d’une visite en Israël en 2005, Orban aurait déclaré que « le Likoud est notre partenaire idéologique naturel. »

Il a adopté depuis plusieurs méthodes israéliennes.

Inspiré par Birthright , un programme qui envoie en voyages gratuits en Israël de jeunes Juifs américains, espérant qu’ils vont immigrer, Orban a lancé un programme Birthright hongrois pour les Américains de descendance hongroise.

Orban a aussi fait appel à Arthur Finkelstein, l’ancien conseiller politique de Nétanyahou, pour qu’il l’aide à consolider son pouvoir.

Finkelstein est un stratège républicain fouille-merde aux Etats-Unis qui a conseillé un nombre incalculable de candidats d’extrême-droite chez lui et à l’étranger. Ils comprennent le candidat présidentiel échoué Mitt Romney et plus récemment Avigdor Lieberman, leader du parti quasi-fasciste Yisrael Beiteinu (Israël notre Patrie).

Au cours des dernières années, Fidesz a intensifié ses rapports avec le parti Jobbik d’extrême-droite, ouvertement antisémite.

A la Hongrie se sont joints la Slovaquie, la Pologne et la République Tchèque pour refuser d’accepter des réfugiés non-chrétiens.

On dit que des leaders polonais feraient appel à un sentiment généralisé anti-musulman dans la population alors qu’approche la saison électorale.

Plus de la moitié de ceux qui ont été sondés plus tôt ce mois-ci ont convenu qu’accepter les Arabes et les Turcs en Pologne serait néfaste pour le pays. Certains ont même suggéré de rouvrir Auschwitz et d’y envoyer les réfugiés, suscitant une enquête par le procureur général de Pologne.

A Varsovie, le weekend dernier, des milliers de manifestants sont descendus dans la rue en scandant, « Réfugiés aujourd’hui, terroristes demain ! » et « Pologne libre d’Islam ! »

Pour illustrer leur propos, les manifestants d’extrême-droite ont utilisé une caricature créée à l’origine par des propagandistes israéliens décrivant les soldats israéliens comme étant moralement supérieurs aux Palestiniens, qui sont accusés d’utiliser des civils comme boucliers humains. En fait, c’est Israël qui utilise les Palestiniens, y compris les enfants, comme boucliers humains.

De retour en Israël, les supporters de l’équipe de football Maccabi Tel Aviv ont déployé une bannière géante sur laquelle on lisait : « Réfugiés non bienvenus ! »

Préserver un Israël juif

Pendant que la Hongrie faisait la une des média avec son engagement raciste à construire une barrière anti-réfugiés, Nétanyahou annonçait la construction d’un mur le long de la frontière jordanienne pour bloquer une potentielle arrivée en masse de réfugiés syriens. Quand la barrière sera terminée à la fin de 2015, Israël sera totalement emmuré.

Les officiels israéliens prétendent aider les Syriens en leur accordant des traitements médicaux au lieu d’asile. Mais ceci n’a concerné qu’environ 1500 personnes, la plupart étant des combattants liés à la filiale d’al-Qaïda en Syrie. De toute façon, panser les blessés, combattants ou non et les renvoyer ensuite dans une zone de combats, comme l’a fait Israël, ne peut être considéré comme un asile.

Parmi les cinq états voisins de la Syrie, Israël est le seul qui n’a pas accepté de réfugiés syriens pour les mêmes raisons que la Hongrie.

« Israël est un très petit pays. Il n’a pas de profondeur démographique et aucune étendue géographique », a déclaré Nétanyahou à son cabinet. « Nous devons protéger nos frontières contre les immigrants illégaux et les responsables du terrorisme. Nous ne pouvons pas permettre qu’Israël soit inondé d’infiltrés. »

« Profondeur démographique » fait référence à l’impératif idéologique d’Israël de maintenir sa majorité juive, manigancé par l’expulsion massive et préméditée de plus de 750 000 Palestiniens de souche par des milices sionistes en 1948. Ensuite, Israël a bloqué le retour des réfugiés palestiniens et a qualifié ceux qui essayaient de revenir d’ « infiltrés ».

C’est pourquoi des millions de Palestiniens continuent à languir dans des misérables camps de réfugiés éparpillés à travers le Moyen-Orient près de 70 ans plus tard, créant ainsi la plus longue crise de réfugiés dans l’histoire moderne.

En tant que « fier Sioniste », Noah Arbit a soutenu dans le Jerusalem Post que « l’absorption de n’importe quel nombre de réfugiés syriens ne fera qu’augmenter cette menace démographique. »

Le refus d’Israël d’accorder l’asile à des réfugiés non-juifs de pays africains est basé sur la même logique d’exclusion.

Ouvertement décrits comme des « infiltrés » par les officiels du gouvernement israélien, les réfugiés africains ont, comme les Palestiniens, été étiquetés comme une menace parce qu’ils ne sont pas juifs.

Israël non seulement leur refuse l’asile, mais les emprisonnent et les renvoient aux horreurs auxquelles ils ont échappé, et où certains ont depuis été torturés et même tués.

En 2013, Israël a terminé la construction d’un mur le long de sa frontière avec l’Egypte pour empêcher les réfugiés africains d’entrer dans le pays. La Hongrie et la Bulgarie ont, paraît-il, exprimé leur intérêt pour acheter du matériel pour leurs propres frontières.

Attaquant l’embarrassante et ouverte indifférence de Nétanyahou, Isaac Herzog, leader de l’Union Sioniste dans l’opposition, a écrit sur sa page Facebook, « Vous avez oublié ce que signifie être juifs. Réfugiés. Persécutés. Le premier ministre du peuple juif ne ferme ni son coeur ni sa porte quand des gens s’enfuient pour échapper à la persécution, leurs bébés dans les bras. »

Il est difficile de prendre Herzog au sérieux, vu l’indifférence de son parti envers le traitement cruel des réfugiés africains par Israël, sans oublier son refus de permettre le retour des réfugiés palestiniens, une politique que le Labor Party (qui fait partie de l’Union s ioniste) de Herzog a mis en place.

Zeev Elkin, ministre israélien de l’immigration, a attaqué l’appel de Herzog comme un « essai de faire rentrer » le « droit au retour » (palestinien) par la petite porte.

Dans le cas des réfugiés palestiniens, on peut dire que la réaction israélienne est plus absurde. Israël ne refuse pas l’asile aux réfugiés palestiniens mais plutôt leur droit au retour au pays d’où ils ont été violemment chassés.

Il est difficile d’imaginer que quelqu’un va disputer le droit des Syriens de revenir en Syrie s’ils le décident quand le pays ne sera plus en guerre. Cependant, l’idée que les Palestiniens devraient avoir le droit de revenir dans leur patrie est considéré par beaucoup comme absurde, et même antisémite.

Entre temps, sous la Loi discriminatoire du Retour, dont le but est d’encourager la majorité juive, un Juif venant de n’importe quel endroit du monde et sans connexion avec le pays, peut immigrer en Israël.

En juin, Elkin a imploré les juifs français de « revenir à la maison » insistant que l’antisémitisme progresse, que le terrorisme est endémique et que, selon les rapports, l’EI commet des meurtres en plein jour. »

« Nous sommes prêts à ouvrir les bras aux Juifs de France » a-t-il dit, ajoutant qu’ « il s’agit d’une mission nationale de la plus haute importance ».

Un mois plus tard, Elkin a accueilli 221 nouveaux immigrants juifs qui ont abandonné des vies confortables aux Etats-Unis et au Canada pour s’installer dans la Palestine historique. Un total de 4000 Juifs d’Amérique du Nord sont attendus en Israël d’ici fin 2015.

Les similarités entre l’extrême-droite européenne et les politiques du gouvernement israélien ont été bien distillées par Arnon Soffer, un démographe israélien surnommé le compteur arabe, dû à sa fixation obsessionnelle sur la « menace démographique » que posent les bébés palestiniens.

Etrange paradoxe

Rejetant les demandes pour accepter les réfugiés syriens, Soffer a commenté « Nous sommes un tout petit pays…laissez-moi s’il vous plaît un peu d’espace pour que d’autres Juifs puissent venir. »

Il a poursuivi en rapprochant les obligations anti-réfugiés israéliennes avec celles de l’Europe.

« Potentiellement, l’Europe peut ouvrir ses portes et accepter de plus en plus de réfugiés, mais si l’Europe dit non, je peux le comprendre, car ils ont peur des Musulmans » a déclaré Soffer. « C’est un choc des civilisations et il n’aura pas lieu en Afrique ou en Asie. Il aura lieu en France, en Hongrie et atteindra éventuellement l’Angleterre et l’Allemagne. »

Orban et Nétanyahou partagent une claire affinité pour jouer les gros bras contre les Musulmans, mais on ne peut dire la même chose pour les réactions suscitées par leur comportement.

Pendant qu’Orban était comparé à un Nazi, on a accordé aux leaders israéliens une immunité spéciale d’avoir à satisfaire les normes les plus basiques de l’égalité, non pas en dépit de la Shoah, mais à cause d’elle. Le Département d’Etat US est allé jusqu’à définir en tant que forme d’antisémitisme les comparaisons de la politique israélienne actuelle à celle des Nazis.

Cela a causé un étrange paradoxe où l’on invoque la Shoah pour demander non-exclusion et sympathie pour les réfugiés en Europe, tout en étant simultanément prêt à excuser les méthodes racistes des Israéliens. En fait, l’existence d’Israël en tant qu’état de colonisation exclusionniste est justifié en tant que réaction obligée à l’indifférence du monde envers le génocide Nazi des Juifs européens.

Par conséquent, les mots qui sont prohibés quand ils sont utilisés par des leaders européens sont généralement excusés quand il sont prononcés en référence à Israël et à la Palestine. Quand il s’agit des réfugiés palestiniens, la rhétorique conservatrice des deux côtés de l’Atlantique devient indiscernable des sentiments typiquement attribués à l’extrême-droite.

Avertir de la menace posée par « une plus grande expansion de la population palestinienne et des taux de fertilité » comme l’a fait l’éditorialiste du Washington Post Dana Milbank en février, est un discours traditionnel parfaitement acceptable
C’est la même chose lorsque l’on décrit les réfugiés palestiniens comme une condamnation à mort démographique, comme l’a fait l’été dernier Jodi Rudoren, chef du bureau du New York Times à Jérusalem.

En Hongrie, Orban approuverait certainement.

* Rania Khalek est journaliste indépendante et reporter.

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18 septembre 2015 - The Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article à :
https://electronicintifada.net/blog...
Traduction : Info-Palestine.eu - Jean Cartier