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L’Iran, Israël et la soumission des Etats-Unis
mardi 22 septembre 2015 - Robert Fantina
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Obama à une réunion de l’AIPAC, principal groupe de pression pro-israélien aux Etats-Unis

Chaque jour, les experts qui font l’information spéculent d’abord sur la façon dont tel sénateur ou telle sénatrice va voter, puis lorsque l’un d’entre eux fait connaître sa position, cette dernière est évaluée comme vote positif ou négatif, et comme victoire ou défaite pour le Président Barak Obama.

Pendant ce temps, des déclarations curieuses mais révélatrices sont faites. Examinons-en deux pour commencer : les deux émanent de Démocrates, un sénateur votant en faveur de l’accord, et un autre qui y est opposé. Voyons ce qu’elles nous disent.

Le sénateur du Colorado Michael Bennett, tout en cautionnant l’accord, a fait cette déclaration étonnante : « Nos principaux objectifs sont d’empêcher l’Iran d’acquérir l’arme nucléaire, de garantir la sécurité d’Israël, et si possible d’éviter une nouvelle guerre au Moyen-Orient. »

Comme l’auteur de cet article a coutume de le faire, examinons séparément chaque élément constitutif de cette déclaration. Voyons « les principaux objectifs » de M. Bennett.

« Empêcher l’Iran d’acquérir l’arme nucléaire ». Eh bien, moins il y aura d’armes nucléaires dans le monde, mieux ce sera. Mais pourquoi certains pays sont autorisés à en avoir et pas d’autres ? La seule nation au monde qui ait jamais utilisé des armes nucléaires, les Etats-Unis, en possède un énorme arsenal, et n’a rien fait pour le réduire.

Notons, par ailleurs, que les Etats-Unis ont été en guerre avec un pays ou un autre pendant la majeure partie de leur longue et sanglante histoire, donc le fait qu’ils possèdent des armes nucléaires constitue certainement un grand risque pour le monde. L’ancien Président Richard Nixon aurait envisagé d’utiliser des armes nucléaires au Vietnam, dit-on. Pourquoi interdire à l’Iran en particulier d’avoir de telles armes alors que l’on permet aux Etats-Unis d’en avoir ?

« Garantir la sécurité d’Israël ». Voyez comme nous arrivons vite à la question centrale ? La sécurité d’Israël est, pour M. Bennett, d’une importance primordiale. Et s’il arrivait que l’Iran mette au point des armes nucléaires, alors Israël ne serait plus le seul pays au Moyen-Orient à en posséder.

La sécurité d’Israël suscite toujours tellement d’inquiétude ! Les Etats-Unis ne se soucient-ils guère de la sûreté et de la sécurité d’autres nations du Moyen-Orient ? Nous savons que la sécurité de l’Irak ne préoccupe pas le moins du monde les Etats-Unis, sinon ils n’auraient pas déstabilisé l’Irak en l’envahissant en 2003. Et puisque Israël assassine les scientifiques nucléaires iraniens, il n’y a pas trop de soucis à se faire pour la sécurité interne de cette nation.

Et qu’en est-il de la Palestine ? De plus en plus, Israël vole des terres palestiniennes, mais aucun(e) homme/femme politique américain(e) ne mentionne jamais la sécurité nationale de la Palestine.

Les porte-paroles états-uniens proclament toujours qu’Israël est le seul allié des Etats-Unis au Moyen-Orient. Peut-être que si les Etats-Unis arrêtaient de bombarder les hommes, les femmes et les enfants d’autres pays du Moyen-Orient, et étaient un peu plus équitables dans la distribution de l’aide étrangère (Israël reçoit actuellement plus d’aide étrangère des Etats-Unis que tous les autre pays réunis), il se pourrait qu’ils s’aperçoivent soudain avoir plus d’amis au Moyen-Orient. On dit que, avant la création sanglante, meurtrière et génocidaire d’Israël en 1948, les Etats-Unis n’avaient pas d’ennemis au Moyen-Orient.

Alors, qu’est-ce qui pourrait bien motiver une telle inquiétude pour Israël de la part de M. Bennett ? Seraient-ce les 108766 dollars de dons que des groupes de pression israéliens lui ont versés entre 2009 et 2015 ? On va peut-être écarter cette idée et dire que M. Bennett est un homme d’état au-dessus de préoccupations aussi mesquines que des contributions financières aux campagnes électorales, et ne fait que ce qu’il pense être, en son for intérieur, dans l’intérêt supérieur des citoyens états-uniens, et advienne que pourra. Quand les poules auront des dents.

« Si possible, d’éviter une nouvelle guerre au Moyen-Orient. » Ainsi, il lui est venu après coup, après avoir d’abord considéré la sécurité d’Israël, l’idée que peut-être éviter une guerre ne serait pas une si mauvaise idée. Ce n’est pas la façon habituelle de procéder des Etats-Unis ; la diplomatie n’est pas un trait dominant de la plupart des membres du Congrès. On ne bande pas beaucoup ses muscles, ni ne bombe point le torse en diplomatie, et puis quelle importance si on verse un peu de sang de citoyens américains et beaucoup de celui de citoyens étrangers, quand une telle démonstration machiste de puissance est à l’ordre du jour.

Voyons maintenant ce que dit l’opposant. Le sénateur démocrate Ben Cardin du Maryland, qui se méfie beaucoup de l’Iran, a dit ceci : « Il ne peut y avoir de respect pour un pays activement impliqué dans la déstabilisation de la région, qui prône la destruction d’Israël, tue des innocents et crie ’Mort à l’Amérique.’ » De nouveau intéressons-nous aux éléments constitutifs.

M. Cardin est critique des nations qui :

- 1 « (sont) activement impliquées dans la déstabilisation de la région ». Les Etats-Unis avec ses attaques de drones et son soutien aux régimes répressifs ou groupes de rebelles partout dans la région sont la cause de souffrances indicibles et de « l’instabilité de la région ». On aimerait entendre M. Cardin s’insurger contre une telle activité déstabilisatrice de la région.
- 2. « Prônent la destruction d’Israël ». Une fois de plus, Israël est la préoccupation principale d’un autre sénateur, lorsqu’il examine l’accord avec l’Iran. Israël, bien sûr, est occupé à détruire la Palestine avec le soutien plein et entier des Etats-Unis, mais ceci, comme mentionné plus haut, n’est pas un souci.

Entre 2009 et 2015, M. Cardin a reçu de groupes de pression israéliens 241293 dollars. On peut se demander de nouveau si, peut-être, cela n’a pas fortement pesé dans la balance lors des délibérations de M. Cardin.

Comme il était prévisible, les innombrables prétendants à la nomination du parti républicain pour la présidentielle se sont tous déclarés opposés à l’accord. Etrangement (non pas !) Israël constituait l’argument majeur dans leurs critiques. Les commentaires qui suivent n’en sont que quelques extraits.

Scott Walker, gouverneur du Wisconsin : « L’accord récompense l’état qui est le principal sponsor du terrorisme dans le monde d’une énorme manne financière, que l’Iran utilisera pour menacer encore plus nos intérêts et ceux d’alliés clefs, en particulier Israël. » Non, M. Walker, objectivement parlant, ce sont les Etats-Unis, pas l’Iran, qui sont les principaux sponsors au monde du terrorisme.

L’ancien gouverneur de l’Arkansas Mike Huckabee : « Moi président, je serai aux côtés d’Israël et je garderai toute les options sur la table, y compris l’option militaire, pour renverser le régime terroriste iranien. » On dirait que M. Huckabee est favorable à un « changement de régime » : quand avons-nous déjà entendu cela ? Ah oui, c’était le leitmotiv de George W. Bush lorsqu’il a envoyé des soldats en Irak pour « régler » les problèmes. Nous savons tous à quel point ce fut une réussite. M. Huckabee a, par ailleurs, ajouté : « Une menace pour Israël est une menace pour l’Amérique. » Non, c’est tout simplement faux. En outre, empêcher l’Iran de mettre au point des armes nucléaires ne semble pas constituer une menace pour une quelconque nation, si ce n’est peut-être l’Iran.

Le sénateur Lindsay Graham apporta sa contribution avec ces perles de sagesse : « Vous avez mis Israël dans le pire pétrin qui soit. C’est à terme une condamnation à mort d’Israël s’il ne réplique pas. » Il est intéressant de noter qu’entre 2009 et 2015, M. Graham a reçu de groupes de pression israéliens un total de 286350 dollars.

Ce n’est un secret pour personne d’où vient cette grande inquiétude pour Israël ; c’est l’argent qui parle aux Etats-Unis, et les groupes de pression israéliens parlent haut et fort. Ce qui est perturbant c’est à quel point elle domine toutes les autres préoccupations, à tel point que des élus sont prêts à faire la guerre pour protéger une nation qui pratique l’apartheid, et qui a été plus souvent condamnée par l’ONU que tout autre pays sur cette planète.

C’est la nation, pour laquelle les Etats-Unis mettent leurs propres intérêts au second plan, derrière ceux d’Israël. C’est la nation qui reçoit annuellement des milliards de dollars d’aide états-unienne, tandis que les villes états-uniennes se délabrent. C’est la nation pour laquelle les Etats-Unis sont prêts à mettre en danger la vie de leurs jeunes citoyens, en dédaignant la diplomatie et en utilisant la guerre comme moyen principal de « dominer » le monde.

Que des dirigeants politiques déclarent ouvertement leur adoration pour Israël devrait être une source d’inquiétude pour tout citoyen américain. Il est grand temps que la justice et les droits humains deviennent les caractéristiques principales de la politique étrangère états-unienne. Comme cela n’a jamais été le cas, il sera difficile de les y introduire maintenant. Mais c’est un impératif ; le monde a assez souffert depuis trop longtemps à cause des Etats-Unis.

* Robert Fantina est écrivain et journaliste, militant pour la paix et la justice sociale. is a writer and journalist, activist for peace and social justice. Il vit au Canada et a écrit : Empire, Racism and Genocide : A History of U.S.
Son site web : http://robertfantina.com

11 septembre 2015 - CounterPunch - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.counterpunch.org/2015/09...
Traduction : Info-Palestine.eu - MJB