Naplouse, 14 août 2015 - Rassemblement de soutien à Muhammad Allan - Photo : APA/Ahmad Talat

« S’il meurt, il fera partie de l’histoire, » a dit jeudi le père du jeune palestinien gréviste de la faim. « S’il vit, il fera partie de l’histoire. »

Muhammad Allan, un avocat de 30 ans, du village de Einabus dans le sud de Naplouse, est tombé dans le coma ce vendredi matin alors qu’il entrait dans son 60e jour de grève de la faim.

Il n’a pris que de l’eau depuis deux mois pour protester contre la détention administrative - un internement sans procès ni accusation - qu’Israël lui a imposée depuis novembre 2014.

« Il a décidé que ce serait pour lui la liberté ou la mort », a déclaré son père. « La grève de la faim était la seule arme qu’il avait. »

La détérioration de la santé Allan a soulevé des craintes que les autorités israéliennes d’occupation ne fassent bientôt usage d’une nouvelle loi extrêmement critiquée, pour le nourrir de force.

Allan est détenu au Barzilai Medical Center à Ashkelon dans le sud d’Israël, où il a été déporté après que les médecins à Beersheba aient refusé d’aller jusqu’au bout de la procédure [de gavage].

Les autorités israéliennes d’occupation ont affirmé qu’Allan est affilié au Jihad islamique, un mouvement de la résistance palestinienne qu’Israël considère comme illégal, et qu’il serait « dangereux ».

Mais pour les habitants de Einabus rassemblés devant la maison de Allan jeudi, c’est un homme consciencieux, doux, et un avocat très respecté.

« Un honnête homme »

Nasser al-Din a déclaré que dès son plus jeune âge, son fils, le plus jeune de dix enfants, a toujours été très raisonné et très aimé.

Il raconte que c’est quand il était étudiant en droit à l’Université arabo-américaine de Jénine - au moment de la deuxième Intifada - qu’il a fait siens les idéaux de la résistance du Jihad Islamique.

A cause de sa position politique, il a été emprisonné par Israël de 2006 à 2009, a déclaré son père.

Mais après avoir été libéré, poursuit son père, Muhammad a pour l’essentiel coupé ses liens politiques avec le Jihad islamique et il s’est plutôt concentré sur sa carrière.

Un de ses cousins, Saif Allah Allan, dit que Muhammad est un avocat extrêmement brillant.

« Beaucoup de gens viennent à lui parce qu’il est un honnête homme », a déclaré Saif.

Mohammad Radshan, le seul autre avocat d’Einabus, a déclaré qu’Allan, dont les cas pris en charge incluent des poursuites civiles, pénales et commerciales, est considéré par les autres avocats comme « exemplaire ».

Il a reconnu qu’Allan est profondément religieux, mais tout en disant que cela n’a en rien affecté sa réputation parmi ses pairs.

« Il a une excellente relation avec les juges, les avocats et les procureurs de l’État », a déclaré Rashdan.

« L’esprit palestinien est en révolte »

Au cours de sa carrière, Allan a également défendu des membres du Hamas et du Jihad islamique qui ont été détenus par les forces de l’Autorité palestinienne, a déclaré Rashdan.

Beaucoup de ces détenus politiques sont des adversaires à la fois de l’Autorité palestinienne et d’Israël, et les critiques de l’AP ont de nombreuses fois accusé celle-ci d’emprisonner les gens pour le compte d’Israël.

La famille d’Allan dit que l’avocat lui-même avait déjà été arrêté par l’Autorité palestinienne, une caractéristique qu’il partage avec Khader Adnan, un autre membre du Jihad islamique qui a été libéré des prisons israéliennes le mois dernier suite à une grève de la faim de 56 jours.

La famille de Adnan a déclaré lors de sa grève de la faim, que l’Autorité palestinienne n’avait pas fait tout ce qu’elle pouvait pour obtenir sa libération.

De même Saif, le cousin de Allan, a déclaré jeudi qu’il croyait que l’AP pourrait faire davantage.

Il a noté que le soutien populaire à son cousin était peut-être en contradiction avec les efforts de l’AP « pour imposer le calme » dans les territoires palestiniens occupés.

« L’esprit palestinien est en révolte » a-t-il dit, ajoutant que si son cousin meurt, « les gens vont se révolter - ce pourrait être une Intifada. »

Seuls quelques habitants de Einabus sont partisans du Jihad islamique, et bien que son drapeau noir a été accroché devant la maison d’Allan dans le village, les drapeaux du Fatah et du Hamas flottent aussi haut un peu plus loin dans la rue.

Son père dit que la popularité de son fils va au-delà des divisions partisanes. « Il n’est pas question du Jihad islamique - il est question du peuple palestinien. »

Une « loi primitive »

Alors que le soleil se couche sur les collines en terrasses du sud de Naplouse, les responsables palestiniens se sont rassemblés face à la maison de l’avocat pour assister à une réunion de soutien.

Issa Qaraqe, le responsable du Comité des Prisonniers de l’Autorité palestinienne, a déclaré à la foule des villageois qu’Allan représentait tous les Palestiniens, « non pas comme un individu, mais comme un symbole. »

Qadura Fares, qui dirige la Société du Prisonnier Palestinien, a déclaré qu’Allan était déjà victorieux en rassemblant ainsi les Palestiniens derrière lui.

Cependant, il y avait beaucoup d’incertitude quant à la façon dont sa grève de la faim se terminera.

Le mois dernier, la Knesset israélienne a voté une loi permettant le gavage de force des prisonniers en grève de la faim si leur état devient potentiellement mortel, une procédure que de nombreux groupes de défense des droits de l’homme considèrent comme de la torture, en vertu du droit international.

De nombreux habitants, y compris l’avocat Rashdan, ont dit qu’ils ne croyaient pas qu’Israël irait jusqu’au bout de la procédure.

Mais Fares, dont la Société des détenus a cherché à négocier la libération d’Allan, était moins confiant.

Il a déclaré qu’Israël était largement réticent à négocier, puisqu’ils prétendaient que Allan était « trop ​​dangereux. »

« Cette nouvelle loi primitive pour le nourrir de force, donne [aux Israéliens] du temps pour ne pas prendre une vraie décision », a-t-il dit.

Khader Adnan, qui a également assisté à la manifestation de jeudi, a dit aux habitants de Einabus que Allan pourrait encore être victorieux, mais il a appelé l’Autorité palestinienne à faire plus - « avant qu’il ne soit trop tard. »

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