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Le Hamas est-il capable d’assurer la sécurité à Gaza ?
jeudi 16 juillet 2015 - Rasha Abou Jalal
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La police du Hamas en poste devant un tribunal militaire à Gaza, le 17 septembre 2012. Le tribunal avait prononcé des sentences contre quatre Palestiniens impliqués dans l’enlèvement et l’exécution du militant Italien pro-Palestine, Vittorio Arrigoni en 2011. (Photo REUTERS/Mohammed Salem)

VILLE DE GAZA, Bande de Gaza – La disparition du prisonnier Mahmoud Salfiti, membre d’un groupe Salafiste opérant dans la Bande de Gaza, et qui a été reconnu coupable de l’assassinant en avril 2011 du militant italien Vittorio Arrigoni, a suscité de sérieuses interrogations au sein de la société Palestinienne. En effet, on se demande comment a-t-il bien pu s’enfuir et où étaient les forces de sécurité du Hamas pour l’en empêcher. La fuite de Salfiti a également relancé le débat sur l’expansion de l’influence Salafiste et sa capacité à changer les choses à Gaza.

Agé de 27 ans, Salfiti apparaissait dans une vidéo le 15 avril 2011, en compagnie de ses deux acolytes, Mohammed Albraizat, 24 ans, et Talal Omari, 21 ans, où il menaçait d’exécuter Vittorio Arrigoni, militant Italien vivant à Gaza dans le cadre d’une mission avec l’ISM (Mouvement International de Solidarité), si le Hamas ne libère pas des détenus Salafistes. Toutefois, l’échéance de 30 heures n’a pas été respectée et le corps d’Arrigoni avait été retrouvé sans vie dans un appartement, pendu et menotté.

Quatre jours après, les forces de sécurité du Hamas ont fait irruption dans une maison dans le camp de réfugiés de Nuseirat, au centre de Gaza. Cet assaut s’est soldé par la mort d’Albraizat et Omari, alors que Salfiti a contracté quelques blessures légères. En février 2013, Salfiti a été condamné à 15 ans de prison.

Après moins de quatre ans passés dans la prison Ansar de la ville de Gaza, Salfiti s’est vu accorder par l’administration pénitentiaire une journée de liberté de la prison afin qu’il puisse retrouver, le 18 juin, sa famille à Gaza à l’occasion du début du mois sacré de Ramadan. Iyad al-Bezem, porte-parole du Ministère de l’Intérieur de Gaza a confirmé la fuite de Salfiti et a précisé que son département avait lancé une enquête à ce sujet.

« Les administrations pénitentiaires peuvent, en vertu de la loi, accorder un congé à domicile pour les détenus comme récompense de leur bonne conduite lorsqu’ils complètent le quart de leur peine ; et ce fut le cas de Salfiti, sauf qu’il n’est plus retourné, » a déclaré Bezem à Al-Monitor.

Toutefois, plusieurs sources bien informées et qui ont requis l’anonymat ont dit à Al-Monitor que Salfiti a bénéficié du congé à domicile à l’occasion du mois de Ramadan, pour ensuite se rendre en Syrie et rejoindre les rangs de l’Etat Islamique (EI).

Les mêmes sources ont rapporté que des hauts responsables dans les Brigades Izz al-Din al-Qassam, la branche militaire du Hamas, étaient impliqués dans les efforts de médiation avec les services de sécurité de Gaza qui ont eu lieu à la mi-juin. Les sources ont ajouté que les services de sécurité ont fini par accepter d’accorder le congé à domicile à Salfiti, notamment après que ses proches se soient engagés à le remettre au terme des 24 heures. Seulement voilà, après six heures de sa sortie de la prison Ansar, le détenu a disparu. Les sources ont souligné qu’elles ignorent s’il a bien pu s’enfuir de Gaza en passant par le passage de Rafah par un faux passeport ou bien via les quelques tunnels restants qui relient la Bande et l’Egypte.

Aussitôt sa fuite annoncée, la nouvelle devint virale sur les réseaux sociaux et Twitter. Les gens spéculaient sur le chemin qu’il a bien pu emprunter. Certains ont accusé les autorités qui ont permis à un salafiste dangereux de s’évader et qui ont été incapables de mettre en place des mesures de surveillance durant sa visite familiale.

Pour sa part, Yahia Moussa, haut responsable du Hamas, a qualifié de « grave » l’évasion de Salfiti. Il a affirmé à al-Monitor : « Nous avons envoyé une demande aux services de sécurité les enjoignant à nous briefer des circonstances de la fuite. C’est une question d’une extrême importance pour nous et les parties impliquées doivent assumer leurs responsabilités et rendre compte des faits. Salfiti s’est peut-être évader en utilisant un faux passeport pour traverser le passage de Rafah, » a précisé Moussa qui a tenu à signaler que ces choses arrivent dans le monde entier et pas seulement dans la Bande de Gaza.

Quant à Kayed al-Ghoul, membre du bureau politique du Front Populaire de Libération de la Palestine (la gauche), et qui a dénoncé et condamné la disparition de Salfiti, il a considéré qu’il y aurait eu des « arrangements préalables » pour permettre à Salfiti de sortir de Gaza. Il a exclu l’hypothèse d’un effort personnel, car en raison des mesures de sécurité strictes dans Gaza, jamais il n’aurait réussi à tout exécuter seul.

« Cet incident doit faire l’objet d’un examen sérieux et minutieux afin de dévoiler les circonstances ayant conduit à la fuite du prisonnier, puisqu’on parle désormais d’arrangements préalables. A la lumière des questions et événements complexes et compliqués qui s’abattent sur Gaza, notamment la fermeture des passages et tunnels officiels et reconnus, il est désormais très difficile de s’enfuir illégalement, » précise al-Ghoul à al-Monitor.

Il a par ailleurs indiqué que la fuite de Salfiti « renforce l’idée que des groupes Salafistes dans Gaza sont capables d’étendre leur influence, » et a exhorté les autorités sécuritaires et le Hamas à prendre les mesures appropriées visant à endiguer la propagation du mouvement Salafiste dans la Bande de Gaza.

Et justement, le 30 juin dernier, des membres de l’EI dans la ville Syrienne d’Alep avaient menacé le Hamas dans une vidéo diffusée dans les réseaux sociaux. La personne qui parlait sur la vidéo s’est présentée sous le nom d’ « Abu Qoutada al-Felastini. »

Al-Felastini, ancien habitant de Gaza ayant récemment rejoint l’EI en Syrie, s’est adressé au Hamas et a menacé : « Nous jurons par Dieu que nous nous vengerons de vous et vous ferons tous pleurer. Nous jurons d’inonder Gaza de sang et de cadavres. »

Il a accusé le Hamas « d’aller droit vers l’incroyance, compte tenu de la démolition de la Mosquée Ibn Taymiyyah en août 2009 » et a promis de se venger pour l’assassinat de Younis al-Hanr, un salafiste, le 2 juin dernier dans le quartier Sheikh Radwan au nord de la ville de Gaza.

Moussa a contesté l’élargissement de l’influence des groupes Salafistes dans Gaza et a minimisé leur capacité à apporter un changement dans la société Palestinienne et les circonstances actuelles dans lesquelles elle est plongée. « Non, ni l’EI ni les groupes Salafistes n’ont de l’influence ni ils sont en train de gagner du terrain dans la Bande de Gaza, » a-t-il précisé.

Il a expliqué que la présence d’éléments de l’EI et des groupes Salafistes dans la Bande est « très limitée, » et qu’il « y a divers mouvements de résistance nationaux et islamiques à Gaza qui prennent les armes uniquement dans le but de mettre un terme à l’occupation israélienne. La scène Palestinienne est imprégnée des idées et croyances de ces mouvements, et c’est pourquoi, l’extrémisme de l’EI ne trouvera pas de place pour se répandre et se propager dans notre société. »

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* Rasha Abou Jalal est écrivain et journaliste à Gaza, spécialisée dans les nouvelles politiques, les questions humanitaires et sociales liées à l’actualité.

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3 juillet 2015 – Al Monitor – Vous pouvez consulter cet article en anglais à :
http://www.al-monitor.com/pulse/ori...
Traduction : Info-Palestine.eu - Niha