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Israël et les Républicains US poussent les Palestiniens dans leurs derniers retranchements
samedi 6 juin 2015 - Akiva Eldar
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Lindsey Graham, ici lors d’une visite aux troupes américaines en Irak, espère bien être le prochain président américain, et pour cela il agit en véritable agent israélien - Photo : Mark Fayloga

Le sort des Palestiniens ressemble à celui d’un chat acculé dans une impasse. Il cherche un moyen de sortir, miaule plaintivement, tente de faire ami-ami, mais quand il voit que la résistance non violente ne sert à rien, il ne se rend pas. Dans cette situation désespérée, le chat sort ses griffes, se jette sur la cible et plonge ses dents dans l’ennemi mille fois plus gros que lui. Au début de l’occupation en 1967, les Palestiniens ont essayé d’être gentils avec les Israéliens qui avaient pris le contrôle de leur terre. Ils ont essayé de se lier d’amitié avec le nouveau propriétaire, ils ont aidé à construire les colonies et ont entretenu les jardins de leurs voisins juifs privilégiés.

Après avoir montré leurs griffes pendant la première Intifada qui a éclaté à la fin de 1987, les Palestiniens ont reconnu l’État d’Israël dans les frontières de 1967 et se sont engagés à mettre fin à leur lutte armée. En Septembre 1993, ils ont signé un accord à la Maison Blanche qui devait à leur sens entériner leur libération. Au lieu de cela, l’accord les a poussé dans les cages des zones A et B, et a augmenté l’emprise d’Israël sur 60% de la Cisjordanie.

Pendant la deuxième Intifada, qui a éclaté après l’échec des négociations de Camp David à l’été 2000, les Palestiniens ont commencé à mordre, mais les Israéliens leur ont cassé les dents. Depuis que le président Mahmoud Abbas a remplacé le défunt leader de l’Organisation de libération de la Palestine, Yasser Arafat, il y a plus de 10 ans, l’Autorité palestinienne a cherché à échanger la violence contre la diplomatie. Et donc, nous avons eu la Feuille de route de 2003, les pourparlers d’Annapolis de 2007, les négociations d’Amman et finalement l’initiative de Kerry en 2014. Avec comme résultat commun, zéro avancée vers la fin de l’occupation et la construction de centaines de nouveaux logements de colons en Cisjordanie et à Jérusalem.

L’échec de la diplomatie classique – je parle des négociations interminables sous l’égide des États-Unis - a obligé les Palestiniens à internationaliser leur lutte. Ils ont trouvé des moyens de contourner Washington comme le Conseil des droits de l’homme de l’ONU, la FIFA qui régit le football international, la Cour pénale internationale de La Haye et bientôt le Comité olympique. Ce sont des arènes légitimes pour une nation qui lutte pour sa liberté contre un État qui installe ses citoyens dans des zones considérées par le monde entier comme des territoires occupés par la force des armes. C’est une lutte non-violente, ce qui est préférable à une lutte violente. En partant, bien sûr, du principe qu’il n’est pas question de se soumettre.

Mais il y a des officiels américains qui ne laissent pas d’autre choix aux Palestiniens. Jusqu’à présent, ceux que se font appeler à tort les « amis d’Israël » alors qu’ils devraient s’appeler les « amis de ceux qui s’opposent à un État palestinien » se sont contentés de réduire l’aide versée à l’Autorité palestinienne. Les déclarations de milliardaires comme Sheldon Adelson contre l’établissement d’un État palestinien les ont poussés à s’aligner sur tous les conservateurs de Capitol Hill. Ces officiels ont rivalisé de déclarations anti-palestiniennes et ont prôné la punition économique collective de la population des territoires. Aujourd’hui ils se mettent aussi à poursuivre les Palestiniens et leurs partisans dans des tribunaux étrangers.

On en a eu un exemple frappant avec le sénateur Lindsey Graham*, lors de sa visite en Israël la semaine dernière. Avant d’annoncer officiellement sa candidature à l’investiture présidentielle républicaine, le sénateur a menacé de mener une « violente contre-offensive » contre l’ONU si cet organisme initiait un processus pour trouver un arrangement entre Israël et les Palestiniens. Lors d’une conférence de presse à Jérusalem le 27 mai, Graham a annoncé qu’il ne se contenterait pas de supprimer la contribution étasunienne au budget de l’ONU (environ un quart du budget de l’organisation).

« Nous allons prendre des mesures contre les pays qui poursuivront des soldats israéliens devant la Cour pénale internationale à La Haye », a menacé Graham. « Je ne vais pas demander au contribuable américain de financer une organisation qui va être utilisée pour marginaliser notre meilleur ami. »

Graham n’est pas le premier à se servir du mot « amitié » pour justifier le soutien automatique et inconditionnel à une politique qui met en danger l’avenir d’Israël en tant qu’État juif et démocratique, et qui sape également les intérêts stratégiques des États-Unis. Trois jours après que Graham ait menacé de réagir violemment à la résistance non-violente des Palestiniens, un autre quasi-candidat aux primaires républicaines a déclaré son « amitié » à Israël. Parlant aux journalistes à Nashville le 30 mai, l’ancien gouverneur de Floride Jeb Bush a dit qu’il soutenait le transfert de l’ambassade américaine de Tel Aviv à Jérusalem.

« De toute évidence, notre allié numéro un au Moyen-Orient est Israël », a ajouté le fils du président George HW Bush et le frère du président George W. Bush. « Et nous devons le soutenir sans faillir. »

La plupart des présidents républicains, de Gerald Ford à George W. Bush, se sont engagés à transférer l’ambassade à Jérusalem – une mesure qui reviendrait à reconnaître l’ensemble de la ville comme la capitale d’Israël. Les républicains ont même réussi à faire voter, il y a 20 ans, l’obligation de transférer de l’ambassade de Tel Aviv à Jérusalem. En avril 2004, Jeb Bush a déclaré que Jérusalem était la capitale éternelle d’Israël. Son frère, lorsqu’il était président a signé des dérogations (tous les six mois au cours de ses deux mandats) contre la promulgation de la loi à cause des dommages que son application pourrait causer aux intérêts stratégiques américains.

La droite israélienne n’a donné aucun signe qu’une inauguration de l’ambassade américaine à Jérusalem se préparait. Les politiciens savent qu’il y a rarement un lien entre les promesses flatteuses des candidats à la présidentielle et leurs actes, une fois à la Maison Blanche. Mais ces déclarations d’amitié sortant des bouches de Graham et de Bush, ajoutées aux sanctions économiques contre ceux qui ne suivent pas la ligne du Premier ministre Benjamin Netanyahu, sont reprises en boucle par ceux qui sont opposés à un compromis avec les Palestiniens.

La droite israélienne les brandit comme la preuve indiscutable que la gauche a tort de dire que l’occupation de la Palestine nuit aux relations avec les États-Unis et isole Israël. Selon le Hamas, ces mêmes déclarations prouvent qu’il est inutile de perdre son temps en pourparlers de paix stériles, en particulier lorsque le médiateur a clairement choisi son camp. L’idée qui a conduit le Hamas à sa victoire électorale de 2006, peu après le retrait unilatéral d’Israël de la bande de Gaza – à savoir que cinq ans de résistance ont réussi là où 10 ans de diplomatie avait échoué – fait son retour dans nos esprits.

Ceux qui poussent une nation entière dans ses derniers retranchements doivent savoir qu’ils portent la responsabilité de l’effusion de sang qui se produira le jour où ce peuple désespéré sortira ses griffes et ses crocs.

Note :
* Sénateur républicain de Caroline du sud

* Akiva Eldar Akiva Eldar est journaliste à Al-Monitor’s Israel Pulse. Il a longtemps travaillé pour le journal israélien Haaretz.

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3 juin 2015 - Al-Monitor - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.al-monitor.com/pulse/ori...
Traduction : Info-Palestine.eu - Dominique Muselet