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Günter Grass est mort
mercredi 15 avril 2015 - Info-Palestine

Le poème qui porte sur le conflit entre Israël et l’Iran, a d’abord été publié par le journal allemand Süddeutsche Zeitung. Il a été immédiatement condamné par les habituels porteurs de valises* des pouvoirs en place.

Ce qui doit être dit
Pourquoi me taire, pourquoi taire trop longtemps
Ce qui est manifeste, ce à quoi l’on s’est exercé 
dans des jeux de stratégie au terme desquels 
nous autres survivants sommes tout au plus 
des notes de bas de pages
C’est le droit affirmé à la première frappe 
susceptible d’effacer un peuple iranien 
soumis au joug d’une grande gueule 
qui le guide vers la liesse organisée, 
sous prétexte qu’on le soupçonne, dans sa zone de pouvoir, 
de construire une bombe atomique.
De désigner par son nom cet autre pays 
Dans lequel depuis des années, même si c’est en secret, 
On dispose d’un potentiel nucléaire en expansion 
Mais sans contrôle, parce qu’inaccessible 
À toute vérification ?
Le silence général sur cet état de fait
silence auquel s’est soumis mon propre silence,
pèse sur moi comme un mensonge
une contrainte qui s’exerce sous peine de sanction
en cas de transgression ;
le verdict d’"antisémitisme" est courant.
Mais à présent, parce que de mon pays,
régulièrement rattrapé par des crimes 
qui lui sont propres, sans pareils, 
et pour lesquels on lui demande des comptes, 
de ce pays-là, une fois de plus, selon la pure règle des affaires, 
quoiqu’en le présentant habilement comme une réparation, 
de ce pays, disais-je, Israël 
attend la livraison d’un autre sous-marin 
dont la spécialité est de pouvoir orienter des têtes explosives 
capables de tout réduire à néant 
en direction d’un lieu où l’on n’a pu prouver l’existence 
ne fût-ce que d’une seule bombe atomique, 
mais où la seule crainte veut avoir force de preuve, 
je dis ce qui doit être dit.
Mais pourquoi me suis-je tu jusqu’ici ? 
parce que je pensais que mon origine, 
entachée d’une tare à tout jamais ineffaçable, 
m’interdit de suspecter de ce fait, comme d’une vérité avérée, 
le pays d’Israël, auquel je suis lié 
et veux rester lié.
Pourquoi ai-je attendu ce jour pour le dire, 
vieilli, et de ma dernière encre : 
La puissance atomique d’Israël menace 
une paix du monde déjà fragile ? 
parce qu’il faut dire, 
ce qui, dit demain, pourrait déjà l’être trop tard : 
et aussi parce que nous – Allemands, 
qui en avons bien assez comme cela sur la conscience – 
pourrions fournir l’arme d’un crime prévisible, 
raison pour laquelle aucun 
des subterfuges habituels n’effacerait notre complicité.
Et admettons-le : je ne me tais plus, 
parce que je suis las de l’hypocrisie de l’Occident ; il faut en outre espérer 
que beaucoup puissent se libérer du silence, 
et inviter aussi celui qui fait peser cette menace flagrante 
à renoncer à la violence 
qu’ils réclament pareillement 
un contrôle permanent et sans entraves 
du potentiel nucléaire israélien 
et des installations nucléaires iraniennes 
exercé par une instance internationale 
et accepté par les gouvernements des deux pays.
C’est la seule manière dont nous puissions les aider 
tous, Israéliens, Palestiniens, 
plus encore, tous ceux qui, dans cette 
région occupée par le délire 
vivent côte à côte en ennemis 
Et puis aussi, au bout du compte, nous aider nous-mêmes.

Le poème de Günter Grass est traduit de l’allemand par Olivier Mannoni (http://www.lemonde.fr/europe/articl...)

Note :

* http://www.spiegel.de/international...

15 avril 2015