Fermer la page
www.info-palestine.net
Pour en finir avec l’Apartheid !
jeudi 2 avril 2015 - Ramzy Baroud
JPEG - 46.2 ko
Novembre 2012, Ramallah - manifestation de soutien à Gaza, sous les bombardements israéliens - Photo : Dylan Collins

Attendre que la société israélienne ait changé est une perte de temps colossale, durant laquelle la douleur de toute une nation - déchirée entre une patrie sous occupation et une vie difficile dans la diaspora - ne cessera pas. Mais que devraient faire les Palestiniens et les défenseurs d’une paix dans la justice ? Une foule de choses...

Ceux qui attendaient une sorte d’un miracle dans les résultats des dernières élections israéliennes ne doivent s’en prendre qu’à eux-mêmes. Ni la logique ni les chiffres n’étaient de leur côté, ni la longue histoire des expériences décevantes d’Israéliens « de gauche » propageant la guerre et cimentant l’occupation. En dépit de quelques différences entre la droite israélienne et la soi-disant gauche sur les questions internes, leurs positions sont quasi identiques sur toutes les questions importantes liées à la Palestine, depuis le droit au retour pour les réfugiés palestiniens jusqu’aux colonies, en passant par le statut de Jérusalem sous occupation.

Également important, la plupart des secteurs des classes politiques en Israël qui sont dominées par les juifs sionistes sont d’accord concernant le statut de la population arabe palestinienne en Israël (Palestiniens de 1948). Ne laissez pas les appels racistes du Premier Ministre israélien Benjamin Netanyahu - terrifiant les juifs israéliens à propos des arabes allant voter dans des « bus » - vous aveugler quant au fait que le bloc sioniste et travailliste est tout aussi raciste, bien que sur un mode moins vulgaire.

Mais les Palestiniens ne sont pas sans options. Certainement, le sort s’acharne sur eux mais tel est le destin de l’opprimé à qui n’est laissé que deux options : soit mener un combat perpétuel pour la justice, soit subir éternellement l’humiliation et la servitude.

1. Abbas et Oslo doivent dégager !

Tout d’abord, l’obstacle le plus difficile à surmonter est la lourde main-mise de Mahmoud Abbas et de son cercle corrompu sur le discours politique palestinien. Cela n’a rien à voir avec un quelconque génie d’Abbas ou de son équipe. Le cercle des post-Oslo n’a qu’un seul but qui est de maintenir le statu quo : les intérêts des États-Unis et l’intervention de ces dernier en tant que médiateur dans le conflit, la sécurité d’Israël (ce qui va de pair avec une constante répression de l’opposition et de la résistance palestiniennes) et faire en sorte que l’Autorité palestinienne ait une raison d’exister, assurant ainsi les nombreux privilèges associés à la fonction.

Cet appareil dans son ensemble doit être démantelé et entièrement retiré du corps politique palestinien, si les Palestiniens souhaitent formuler n’importe quelle stratégie alternative.

2. En finir avec l’esprit de faction

Mais pour que ceci puisse se produire, les maux mêmes qui ont affligé la société palestinienne pendant des années et menés à la création de l’AP, doivent être confrontés en priorité. Un de ces maux est le sectarisme, qui doit être maîtrisé par un collectif qui se définit en premier lieu comme palestinien.

Le sectarisme, sous sa forme actuelle, a détruit une grande partie du tissu social de la Palestine. Il a divisé la société en fragments, faciles à commander, manoeuvrer, supprimer - et si nécessaire - assiégés. Soixante-sept années représentent une période bien trop longue pour qu’une nation qui vit en grande partie en exil, emprisonnée ou confinée derrière des murs, puisse maintenir son identité politique et son unité autour des mêmes « constantes » sans une direction politique appropriée.

Pourtant d’une certaine manière, beaucoup de Palestiniens ont persisté, insistant pour affirmer qu’il y a une seule Palestine, un seul peuple, une seule identité, un seul but. Pour que ces énergies soient réunies en une résistance significative contre les politiques coloniales israéliennes, le sectarisme devrait être mis de côté. En corollaire, le drapeau palestinien devrait prendre la place dans chaque lieu public du drapeau de couleur rouge, jaune, ou verte de n’importe quelle faction.

3. Mais la transition doit être sans violence

Un tel changement sismique ne peut pas se produire facilement. Ce doit être progressif, faire partie d’une initiative nationale. Cela doit être un débat qui amène des amis et des rivaux non pas à se répartir des avantages matériels, des « ministères » et des fonctions de « gouvernement » sans valeur et inutiles, mais plutôt à raccommoder l’unanimité brisée qui par le passé a existé. Il a été une époque où les Palestiniens n’étaient pas unis ou divisés sur un « processus de paix frivole, » mais à l’opposé autour « des constantes nationales, » où le Droit au Retour tenait la place centrale.

Le passage de la division et du chaos vers une vision commune et non confinée aux intérêts politiques à court terme, doit se faire sans violence, de façon calculée et sous l’impulsion de Palestiniens que tout le monde respecte, et non pas avec ceux dont les mains sont salies par le sang et la corruption.

4. Le Droit au Retour doit être remis au centre du discours

Une question qui doit dominer le nouveau discours politique est le Droit au Retour pour les réfugiés palestiniens, garanti par le droit international. La question est non seulement essentielle dans ce qu’elle implique pour les millions de Palestiniens souffrant en Syrie, au Liban et ailleurs, mais elle est également essentielle à la bonne compréhension du conflit et à sa résolution.

La lutte en Palestine ne remonte pas à la guerre de 1967, mais à la prise de contrôle de la Palestine par le sionisme entre 1947 et 48, qui a eu comme conséquence de produire près d’un million de réfugiés, avec l’expropriation de leurs terres et de leurs maisons, l’abolition de tous leurs droits et la tentative d’effacer toute trace de leur existence.

En marginalisant le Droit au Retour, on ignore les racines mêmes du conflit et on empêche toute tentative sérieuse de mettre en relation un passé douloureux avec un présent également atroce.

5. La Palestine de 48 doit être entièrement intégrée dans l’ordre du jour national

Tous les Palestiniens ne sont pas devenus des réfugiés. Certains sont restés en Palestine alors que celle-ci était transformée en une autre entité sous leurs propres yeux.

Les Palestiniens de 1948 ont toujours été et resteront une composant majeure de la question de la Palestine et de la lutte palestinienne pour la liberté et les droits de l’homme. La fragmentation entre les communautés était en grande partie politique. Par exemple, après la guerre 1967, La Palestine de 48 s’est retrouvée à l’écart du discours politique, et après les accords d’Oslo de 1993, les réfugiés dans la Diaspora ont été plus ou moins évacués de l’équation politique.

Ceci dit, les questions n’ont jamais été vraiment séparées : la situation difficile des Palestiniens en Israël, de ceux qui vivent sous l’occupation militaire dans les territoires occupés, et des réfugiés dans la Diaspora ... Toutes ces questions renvoient au même point de référence historique, la Nakba de 48, et sont le fait d’Israël, de ses lois racistes, de son occupation militaire et de son refus de respecter le droit international.

Sans les Palestiniens de 48, l’identité nationale palestinienne demeurera politiquement réduite et fragmentée. La persistance et la force collective de cette population est un capital des plus importants, et ses luttes sont partie intégrante de la lutte et de la résistance des Palestiniens dans les territoires occupés et de ceux dans la Diaspora.

6. La résistance doit être respectée

Cependant, cette nouvelle conscience collective demande a être propulsée, et rien ne peut probablement y parvenir si ce n’est l’insistance sur la résistance, sous tous ses aspects.

Le terme « résistance » a par le passé dominé le discours des dirigeants palestiniens, mais il a été volontairement marginalisé après la signature des dits Accords d’Oslo en 1993. Il y avait deux prétendues justifications à cela : que la résistance était inefficace, et que [cet abandon] attirerait la bienveillance des bienfaiteurs américains.

Pourtant sans résistance, il n’y a que soumission et défaite, ce qui justement s’est produit. Mais la résistance populaire en Cisjordanie et à Jérusalem, l’immuabilité des Palestiniens de 48, couronnée par la résistance légendaire des Palestiniens à Gaza sous un siège implacable et des guerres répétées, continuent à frustrer Israël. Mais plus Israël tentera de détruire la résistance palestinienne, plus les Palestiniens prendront courage, parce que leur résistance est une culture et pas un choix politique.

Sans résistance, les Palestiniens peuvent aussi bien lever des drapeaux blancs et signer tout ce qui est dicté par Israël, et ainsi parapher leur accord avec un assujettissement perpétuel.

7. La campagne BDS doit continuer à se développer, à créer des liens

La résistance fait partie intégrante de la campagne mondiale actuelle pour boycotter, priver d’investissements et sanctionner Israël (BDS). Les résultats des élections israéliennes et la plus forte affirmation collective des Palestiniens de 48 signifient que la campagne BDS doit élargir sa mission, pas simplement de façon rhétorique mais aussi dans la pratique.

Le mouvement BDS avait déjà mis en avant dans ses principaux objectifs l’égalité pour les Palestiniens de 48, aussi essentielle que les autres buts. La Liste Commune regroupant les partis arabes a gagné 14 sièges à la Knesset et a solidifié les relations entre les communautés arabes palestiniennes en Israël, tandis que la campagne BDS a renforcé de son côté le rapport entre les communautés palestiniennes, par-delà les clivages politiques et géographiques.

Mais il faut faire plus. La communauté palestinienne de 48, qui s’affirme politiquement aujourd’hui de façon renforcée, mérite un plus grand engagement. Ce faisant, la campagne BDS contesterait les constants efforts israéliens pour étouffer l’aspiration collective du peuple de Palestine.

8. Un seul État doit devenir le cri de rassemblement pour l’égalité et la liberté

Ce n’est pas le moment de désespérer. En fait, c’est l’opposé qui est vrai. Plus Israël devient raciste, plus il enracine l’Apartheid, construit colonies et murs, plus évidente est la réplique : un état pour deux peuples avec l’égalité des droits. Palestiniens et juifs existent de fait dans le même espace, mais régis par deux ensembles de lois qui rendent la coexistence pacifique impossible. Afin d’accélérer l’arrivée de ce moment et diminuer leur souffrance, les Palestiniens ont un travail urgent à réaliser.

Il est temps que les Palestiniens surmontent leurs clivages idéologiques, organisationnels et politiques, car quelle que soit la profondeur de leurs divisions, la Palestine est et sera toujours une.

JPEG - 5.3 ko

* Ramzy Baroud est doctorant à l’université d’Exeter, journaliste international directeur du site PalestineChronicle.com et responsable du site d’informations Middle East Eye. Son dernier livre, Résistant en Palestine - Une histoire vraie de Gaza (version française), peut être commandé à Demi-Lune. Son livre, La deuxième Intifada (version française) est disponible sur Scribest.fr. Son site personnel : http://www.ramzybaroud.net

Consultez également :

- Les Palestiniens de 48 sont une composante majeure de la cause palestinienne - 27 décembre 2014
- Avec Netanyahu, plus de faux-semblants... Que du racisme à l’état pur ! - 25 mars 2015
- L’État islamique comme sous-produit de l’Occident - 23 mars 2015
- Qu’est-il advenu de l’intellectuel arabe ?- 8 mars 2015
- « L’État islamique » : un phénomène a-historique ? - 20 février 2015
- Chère Syrie ... D’un réfugié à un autre - 12 février 2015
- La « Grande Guerre » du Sinaï : comment on perd une « Guerre contre le Terrorisme » - 5 février 2015
- Égypte : la dictature a décidé de raser la ville de Rafah - 14 janvier 2015
- Survivre dans le Sinaï - 2 novembre 2014
- Il est temps de mettre sur la touche Abbas et son Autorité - 16 janvier 2015
- La guerre engendre la guerre - 10 janvier 2015
- Ce que j’ai appris en écrivant sur le Moyen-Orient -6 janvier 2015

27 mars 2015 - Middle East Eye - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.middleeasteye.net/column...
Traduction : Info-Palestine.eu - Naguib