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4,5 millions de Palestiniens sous occupation interdits de vote
jeudi 26 mars 2015 - Yara Hawari
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Scène de barrage militaire (checkpoint) en Palestine occupée

Un État qui ignore les droits du peuple autochtone non-juif qu’il domine n’est pas une démocratie.

Aujourd’hui, les citoyens israéliens élisent leur prochain gouvernement dans un pays souvent qualifié de « seule démocratie du Moyen-Orient ». Ironiquement, ils votent avec des bulletins de vote fabriqués dans une colonie israélienne illégale de Cisjordanie par des Palestiniens exclus de la vie politique.

De fait, environ 4,5 millions de Palestiniens en Cisjordanie et à Gaza n’ont pas le pouvoir de choisir le parti politique israélien qui contrôlera chaque aspect de leur vie.

Les Accords d’Oslo, au début des années 90, ont divisé la Cisjordanie en zones A, B et C. La zone A est contrôlée par l’Autorité palestinienne (AP), la zone B à la fois par l’Autorité palestinienne et les forces d’occupation israéliennes (FOI) et la zone C uniquement par les FOI.

En réalité, la vie quotidienne des Palestiniens dans chacune de ces zones est contrôlée par les FOI. Et avec brutalité. Les mouvements des Palestiniens sont strictement contrôlés, l’accès aux ressources leur est refusé et les incursions militaires israéliennes dans les villes et villages sont fréquentes. Les Palestiniens subissent quotidiennement les violentes attaques des colons qui brûlent leurs terres agricoles et agressent physiquement ceux qui les gênent.

A Gaza, la situation est encore pire. Même si les Palestiniens ont élu leur propre gouvernement, le Hamas, leurs vies sont littéralement à la merci d’Israël et de sa tactique politique. Pendant l’été 2014, plus de 2000 Palestiniens ont été massacrés et une grande partie de l’infrastructure a été détruite à Gaza.

Pour pouvoir recevoir les matériaux nécessaires à la reconstruction de leurs maisons, les Palestiniens sont obligés de donner les coordonnées de leurs maisons aux FOI. Ils deviennent par là-même les cibles privilégiées des missiles de précision de la prochaine agression militaire israélienne. Qui plus est, Israël a été accusé de mettre les Gazaouis au « régime », en contrôlant le nombre exact de calories entrant dans la bande entre 2007 et 2010.

Les 1,7 million de Palestiniens israéliens qui ont le droit de vote sont confrontés à un dilemme quand il s’agit de voter. Car ils sont refaits qu’ils votent ou non. Ils ont en principe la citoyenneté israélienne mais sur une base nominale (c.à.d. révocable - ndt) et tout un corpus de lois israéliennes vise à les discriminer. Leur situation est celle d’un peuple colonisé de l’intérieur et le type d’occupation qu’il subit, bien que subtil, est très réel.

Il y a un important mouvement historique, chez les citoyens palestiniens d’Israël, qui prône le boycott des élections. Pour beaucoup de ces personnes, voter c’est entériner l’apartheid et légitimer le régime actuel. Ils voient le boycott comme un acte de solidarité avec leurs frères et sœurs de Cisjordanie et de Gaza.

Mais un autre groupe de Palestiniens israéliens croit qu’il est possible de changer le régime et de mettre fin à l’occupation de l’intérieur et, cette année, quelque chose d’inédit s’est produit : une liste arabe commune a été formée. Cette liste regroupe les quatre principaux partis politiques arabes en Israël. On pense que cette liste commune pourrait constituer le troisième groupe du Parlement israélien. De fait, même Netanyahu semble inquiet que les Arabes utilisent leur droit de vote, et il s’en est servi pour effrayer les juifs israéliens et les inciter à voter pour son parti.

Pour les citoyens palestiniens d’Israël la question du vote ou de l’abstention est un problème crucial et, en dépit de leurs positions différentes, les deux camps s’accordent sur le fait qu’Israël n’est pas une démocratie. Un État qui exerce son contrôle sur un autre peuple par une occupation illégale qui dure depuis des décennies n’est pas une démocratie. Et un état qui se déclare « état juif » et ignore les droits des autochtones non-juifs ne l’est pas davantage.

Israël est bien loin d’appartenir à tous ses citoyens et à tous ceux qu’il contrôle. C’est un état colonial ethnocentré qui bafoue jour après jour le droit international en opprimant les Palestiniens à travers une occupation aux multiples facettes. Et il le fait avec la complicité européenne et américaine. Israël, le phare éclatant de la démocratie au Moyen-Orient ? Laissez-moi rire !

* Yara Hawari est candidate palestinienne au doctorat à l’Université britannique d’Exeter et chercheur à l’Institut Kenyon à Jérusalem-Est. Elle détient une maîtrise en études de Palestine, et un baccalauréat en études arabes et du Moyen-Orient. En plus de travailler sur des projets de recherche universitaires indépendants, Yara mène des enquêtes sur le terrain pour son doctorat, qui se concentre sur les citoyens palestiniens d’Israël et l’histoire orale.

17 mars 2015 - The Independent - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.independent.co.uk/voices...
Traduction : Info-Palestine.eu - Dominique Muselet