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Gaza : des familles entières massacrées...
jeudi 5 février 2015 - Anne Paq

A gauche : La tour al-Salam le lendemain du jour où elle a été frappée, tuant Ibrahim Kilani, sa femme et leurs cinq enfants. Quatre membres de la famille Derbas, et les beaux-parents d’Ibrahim, ont également été tués.

A droite : Les passeports allemands de Ibrahim Kilani et ses enfants

Ibrahim était architecte. Il avait vécu plus de vingt ans en Allemagne. A part son épouse Taghrid, toute la famille avait des passeports Allemands, mais cela ne les a pas protégés des frappes aériennes israéliennes et l’Allemagne n’a fait aucun effort visible pour demander justice pour ses citoyens assassinés.

Ibrahim et sa famille n’ont pas été tués dans leur maison au nord de Beit Lahiya mais dans un appartement qu’ils avaient loué dans la ville de Gaza. Ils pensaient y être en sécurité. Après tout, ils avaient seulement suivi les instructions de l’armée israélienne qui avait largué des tracts dans leur zone enjoignant aux habitants de quitter leurs maisons pour la ville de Gaza.

Quand j’ai visité l’appartement de la famille à Beit Lahiya en septembre 2014, il était encore rempli de leurs effets personnels, comme s’ils venaient juste de le quitter. Les derniers plans d’Ibrahim se trouvaient encore sur son bureau.

Des familles entières décimées

La famille Kilani n’est pas la seule à avoir été anéantie à Gaza cet été. Selon OCHOA, le bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies, 142 familles ont perdu trois de leurs membres au moins dans le dernier assaut militaire israélien.

Durant les bombardements de nuit terrifiants, les familles se réfugiaient naturellement dans une seule pièce. Il y avait une très forte probabilité qu’un nombre important de personnes de la même famille soient tuées dans des attaques ciblées.

Attaquer des civiles est un crime de guerre, dit Amnesty International, et même dans le cas où il y avait une action militante dans la zone des maisons ciblées, la perte de vies de civiles à Gaza cet été était « disproportionnée » et « aveugle ».

Il est impossible de comprendre l’ampleur de l’annihilation des familles, comme la famille Kilani, et le chagrin de ceux qui ont survécu.

Tragédie

Le rythme d’assassinats par Israël était si implacable, engloutissant Gaza dans le chaos, qu’il était impossible d’avoir le nom de beaucoup de corps que j’ai photographiés au fur et à mesure qu’ils arrivaient aux hôpitaux pour connaître leurs histoires, mais j’étais déterminée à raconter les histoires individuelles des Palestiniens de Gaza pour qu’ils ne soient pas réduits à d’abstraites statistiques.

La différence entre la vie et la mort était arbitraire pour les 1,8 millions de palestiniens piégés à Gaza avec nulle part où se réfugier.

La tragédie de chaque famille fait écho à d’autres tragédies à Gaza.

Que la justice soit tellement hors de portée, permettant à Israël de déchainer sa violence encore et encore, rend le processus de guérison d’autant plus difficile.

Cette série de photos est une tentative de transmettre le profond sentiment de perte infligé aux Gazaouis, pour que ces familles ne soient pas oubliées et que leur existence ne soit pas complètement effacée.

* Anne Paq est photographe indépendante français et membre du collectif ActiveStills. Le groupe de défense des droits de l’homme basé à Gaza, Al Mezan a fourni tout le soutien nécessaire à reportage photo.

Huit membres de la famille Al-Louh ont été tués quand les maisons de Moustapha et de Rif’at Al-Louh à Deir Al-Balah ont été attaquées le 20 août.

A gauche : Oifa et Momem sont les seuls survivants parmi les enfants de Mustafa. Momem a un salon de coiffure. Oifa est un étudiant.

A droite : Mustafa al-Louh devant les ruines de sa maison. Mostapha Al-Louh a survécu car il s’était réveillé pour aller faire sa prière et il s’était arrêté à la cuisine où sa femme préparait le thé.

La frappe, qui a détruit la maison de Moustapha ainsi que celle de son fils Rif’at, a tué huit membres de sa famille, incluant trois de ses quatre enfants. Rif’at a été tué avec sa femme et ses trois enfants : Moustapha âgé de 10 ans, Maysara âgée de 7 ans et Farah âgée de 6 ans. La nièce de Moustapha, Imane âgée de 18 ans a aussi été tuée dans sa maison située approximativement à une centaine de mètres de la frappe alors qu’elle était en train de prier près de son lit. Elle a été frappée à la tête par un grand bloc de béton.

Les corps des victimes ont été propulsés par l’explosion dans différentes directions. Farah a été trouvée dans le jardin des voisins et Maysara a été trouvée sur un toit.

Moustapha dit : « Ce crime n’a aucune raison d’être. Je ne sais pas pourquoi ils ont frappé ma maison. Il n’y a pas de résistants ici. Nous n’avons pas fait de mal à Israël. Je ne me tairai pas parce que cela n’est pas juste. Quelqu’un doit arrêter ce massacre. Je suis prêt à affronter tous les tribunaux et confondre les mensonges d’Israël. »

La maison de la famille Al-Najjar à Bani Souheila au nord du district de khan Younis a été attaquée le 26 juillet. 21 membres de la famille ont été tués.

A gauche : dans une attaque de sa maison de trois étages, Hussein Al-Najjar a perdu 21 membres de sa famille dont sa femme, Riham et deux de ses enfants : Samir âgé d’un an et Mo’tazz âgé de 6 ans. Ses deux autres enfants : Hussam âgé de 7 ans et Olfat âgée de 4 ans, ont survécu parce qu’ils étaient chez leur tante.

Hussein est l’un des trois seuls survivants de l’attaque. Il a été trouvé inconscient près des oliviers à l’extérieur des ruines de sa maison. Hussein dit que la situation est très dure pour ses deux enfants rescapés : « Ma fille olfat a maudit le paradis parce que nous lui avons dit que sa mère s’y trouvait. Mes deux enfants pleurent et font des cauchemars. Ils dorment avec leur tante juste à quelques mètres du cratère énorme causé par l’attaque. »

A droite : photographies d’une partie des tués de la famille al-Najjar.

L’immeuble Al-Dali où habitait la famille Al-Najjar a été frappé le 30 juillet. Trente-cinq membres de 5 familles ont été tués.

A gauche : au moment de l’attaque, quatre familles habitaient l’immeuble constitué de quatre étages, trois de façon permanente et une –la famille Abou Amer- qui s’était réfugiée dans la maternelle située au rez-de-chaussée. 18 enfants et 7 femmes font partie des 35 membres tués dans l’attaque. C’était l’attaque israélienne la plus meurtrière sur un immeuble résidentiel.

A droite : parmi les survivants de l’attaque il y a Nour Al-Najjar âgée de 7 ans, sa mère Hana et sa grande sœur Ala’ âgée de 21 ans, qui a besoin d’une opération mais à qui les israéliens refusent d’accorder la permission d’entrer en Israël pour recevoir les soins nécessaires. Nour a perdu dans l’attaque son père et 5 frères et sœurs.

La maison de la famille Balata au Camp de réfugiés de Jabaliya a été attaquée le 29 juillet. 11 membres de la famille ont été tués.

A gauche : Na’im Balata et sa femme ont été tués dans la maison du frère de Na’im, Abdelkarim Balata, avec cinq de leurs enfants.

A droite : ‘Alaa, âgé de 18 ans est le seul survivant de l’attaque. Il a survécu car il allé sur sur le toit vérifier le réservoir d’eau.

Il a décidé d’honorer la mémoire de son défunt père qui, toute sa vie avait encouragé ses enfants à poursuivre leurs études, en retournant à l’école et en repassant son bac pour obtenir de meilleurs notes pour pouvoir s’inscrire à l’université. L’Oncle de ‘Alaa, Abdelkarim, qui a perdu sa fille de dix-sept ans, a emménagé avec le reste de sa famille chez ‘Alaa.

La maison de la famille Al-Batch dans la ville de Gaza a été attaquée le 12 juillet. Dix-huit membres de la famille ont été tués.

A gauche : Ossama Al-Batch a l’unité de soins intensifs de l’hôpital al-Shifa, le 14 juillet. Il était le seul survivant de l’attaque qui a frappé la maison de son oncle Majid Soubhi Al-Batch et qui a fait dix-huit victimes dont Majid, son épouse Amal et leurs sept enfants.

A droite : Ossama en novembre 2014. Il dit : « les docteurs ne pouvaient pas croire que j’étais encore vivant. C’est un miracle. » Ossama avait perdu trente kilogrammes et a été amputé d’une jambe. Le jour de l’attaque, il était allé rendre visite à son oncle Majid mais sa femme et ses enfants sont restés chez eux et donc ont survécu.

La maison de la famille Maadi à Rafah a été attaquée le 1er août 2014. Six membres de la famille ont été tués.

A gauche : Muhammad Maadi serre dans ses bras le corps de sa nièce, Jana (2 ans), après que la famille a récupéré les corps dans une morgue de fortune dans un réfrigérateur pour produits.

Les corps ont été conservés à Rafah dans des morgues de fortune dans des réfrigérateurs en raison du nombre écrasant de victimes et le manque de place dans les morgues des hôpitaux.

Au centre : une photo de Jana et Alaa (3 ans) s’affiche sur un téléphone mobile. Les enfants ont été tués dans l’attaque israélienne avec leurs parents, Bassem et Iman. L’ensemble de la famille proche a été tué.

A droite : la mère de Bassem, Zaikaa, âgée de 58 ans, se trouvant dans la chambre où elle était assise le jour de l’attaque, dit : « Nous sommes fatigués et sans domicile. Nous sommes psychiquement épuisés. Nous sommes tellement affectés. » L’attaque a fait deux autres victimes parmi la famille Maadi : Le beau-frère de Zaikaa, Souleiman âgé de 54 ans et Youcef, un autre petit-fils de Zaikaa.

La maison de la famille Douheir a été attaquée le 29 Juillet 2014. Dix-neuf membres de la famille ont été tués.

A gauche : ce qu’il reste de la maison où vivaient trente personnes, après avoir été frappée par deux missiles. Avant l’attaque la maison était vide car les frères Douheir et leurs familles séjournaient chez leurs belles familles. Puis ils ont décidé de se réunir chez eux pour fêter la fin du Ramadan. Neuf enfants sont morts dans l’attaque, seuls trois ont survécu.

A droite : parmi les survivants, il y a Ahmed âgé de 11 ans, ici photographié avec sa grand-mère. Il avait refusé de rester avec sa famille quand ils sont retournés chez eux pour fêter l’Eid. Son père avait beaucoup insisté pour qu’il reste avec eux mais Ahmed avait refusé. Le père avait fini par accepter et l’avait ramené chez sa grand-mère. Cette même nuit, la maison des Douheir a été frappée et les parents d’Ahmed, Mahmoud et Jamalat ainsi que ses cinq frères et sœurs ont été tués. Aujourd’hui, Ahmed habite chez sa grand-mère et est retourné à l’école.

La maison de la famille Al-Khalili à Al-Tuffah, à l’Est de la ville de Gaza a été attaquée le 30 Juillet 2014. Huit membres de la famille ont été tués.

A gauche : Ismail al-Khalili pleure devant la morgue de l’hôpital al-Shifa après la perte de ses deux frères, Ashraf et Ahmad, et de leurs familles.

A droite : Ismail se tient là où sa famille a été tuée. Les familles entières des frères de Ismail, Achraf et Ahmad, ont été tués : Achraf Al-Khalili, son épouse Nida et leurs trois enfants, Dima âgée de 4 ans, Ziyad âgé de 3 ans, Mahmoud âgé de 7 ans, le frère de Achraf, Ahmed Al-Khalili, son épouse Aya et leur fille Lama âgée de 4 ans.

Le jour de l’attaque, les deux familles ont décidé d’évacuer l’immeuble où habitaient approximativement trente personnes, mais il n’y avait pas assez de voitures pour transporter tout le monde. Les deux familles Al-Khalili étaient les seules restées et elles attendaient dans le jardin en face de leur maison quand une attaque ciblée les a frappés tuant sept d’entre eux.

Mahmoud Al-Khalili a survécu à l’attaque mais est mort quelques jours plus tard à l’hôpital des suites de ses blessures. Le reste de la grande famille Al-Khalili avaient quitté la maison cinq minutes seulement avant l’attaque. L’usine de la famille adjacente à leur maison avait pris feu, détruisant tout leur équipement et leur moyen de subsistance.

Ismail Al-Khalili, qui était étudiant dit qu’il n’arrive plus à s’intéresser à ses études : « Pour toute ma famille, l’impact psychologique est terrible. Nous étions toujours ensemble. Nous vivions et travaillions au même endroit. Le temps réduira notre peine mais ne nous fera pas oublier nos frères » dit-il.

Dix-huit membres de la grande famille Abou Jaber ont été tués dans une attaque du camp de réfugiés Al Boureij le 29 Juillet 2014.

Au total, trois maisons appartenant à la famille Abou Jaber ont été détruites. Les victimes comprenaient six enfants et une personne âgée.

A gauche : Jana, âgée de deux ans et Yamine, âgé de trois ans ont survécu à l’attaque. Ils ont été receuillis par leur oncle après que leur parents Soumaya et Ahmed aient été tués dans une attaque aérienne de leur maison par l’armée israelienne. Jana a été trouvée miraculeusement indemne sur un toit, elle souffrait seulement d’égratignures et de contusions.

Yamine a été trouvé trois jours plus tard dans un hôpital où il a été transporté sans que sa famille soit au courant. Il souffre encore beaucoup. Il a deux fractures au bras et une autre à la jambe et des éclats d’obus autour des épaules et du dos. Des fois, il dit qu’il veut aller au paradis pour voir sa famille.

A droite : les ruines des maisons de la famille Abu Jaber. Au total, trois maisons appartenant à la famille ont été détruites. Parmi les victimes figuraient six enfants et une personne âgée.

La maison de la famille Chouhaiber dans la ville de Gaza a été attaquée le 17 juillet 2014. Trois enfants ont été tués.

A gauche : les funérailles de Jihad âgée de 11 ans, son frère Wassim âgé de 8 ans et leur cousin Afnane âgé de 8 ans. Les trois enfants ont été tués dans une attaque de drone lancé par l’armée israélienne ciblant la maison où ils se trouvaient. Ils étaient sur le toit en train de nourrir les pigeons. Les trois enfants étaient en visite chez leur grand-père et profitaient d’un cessez-le-feu qui avait expiré quelques minutes seulement avant l’attaque.

Wissam, le père de Afnane dit : « Jusqu’à aujourd’hui, je n’arrive pas à croire que cela s’était produit. »

A droite : Bassel âgé de 10 ans est l’un des deux enfants qui ont survécu à l’attaque. Il souffre de blessures graves au bras, à la main et à la tête. Il a besoin de subir d’autres opérations et il a encore des éclats d’obus dans la tête. Selon son père Yasser, Bassel a des problèmes de concentration et il ne peut dormir sans somnifères à causes des douleurs et des cauchemars.

Treize membres de la famille Siam à Rafah ont été tués alors qu’ils fuyaient leur maison le 21 Juillet 2014.

A gauche : Nabil Siam, un agriculteur et son fils Bader âgé de 4 ans sont les seuls survivants de l’attaque. Nabil, amputé d’un bras a perdu sa femme Chirine et quatre de ses enfants : Moustapha âgé de 9 ans, Ghaida âgée de 7 ans, Abdoulrahman âgé de 6 ans et Dalal âgée de 9 mois.

Bader a perdu un rein à cause de ses blessures et il a peur de quitter sa maison. Les membres de la grande famille Siam ont été frappés de deux missiles alors qu’ils fuyaient dans la rue, à quelques mètres seulement de leur maison. Douze membres dont deux frères de Nabil, sont morts sur le coup, Un autre membre de la famille, Mohammed âgé de 16 ans est mort en novembre des suites de ses blessures alors qu’il recevait des soins en Turquie.

A droite : la robe achetée par Badil pour sa fille Ghaida, pour l’Eid. Elle est accrochée à côté d’une photo représentant sa famille adorée tuée dans l’attaque. Il dit : « C’est très difficile. C’est dévastateur de perdre les gens qui représentent tous vos souvenirs. Il est impossible d’oublier. »

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20 janvier 2015 - The Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article à :
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Traduction : Info-Palestine.eu - FJ