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Les dirigeants sionistes font leur beurre de l’instabilité, de la violence et du racisme
mardi 6 janvier 2015 - Ali Abunimah
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Des manifestants défiant une interdiction de manifester en soutien à la Palestine à Paris, portent une banderole disant ’Stop au chantage : l’anti-sionisme n’est pas de l’antisémitisme’ - Photo : Flickr/Alain Bachellier

Selon le communiqué envoyé par courriel, plus de 26 500 Juifs ont émigré en Israël en 2014, soit environ un tiers de plus que l’année précédente.

Cette poussée représente une forte augmentation « du nombre de Juifs qui arrivent à la conclusion qu’ils n’ont aucun autre pays », selon Sofa Landver, ministre de la « l’Aliya et de l’absorption des immigrants. »

« Aliyah » est le terme utilisé par Israël pour désigner l’immigration de Juifs en Palestine historique (Israël, les territoires occupés de Cisjordanie et de la bande de Gaza) sous le régime de la loi raciste « du retour » qui bénéficie seulement aux Juifs et exclut les Palestiniens autochtones, chassés de chez eux en 1948 ou après.

« Je suis impatient de voir les fruits de nos nombreux efforts pour encourager l’Aliyah, mais nous ne avons pas encore atteint notre objectif », ajoute Sofa Landver, qui est d’origine russe. « Notre ministère continue à travailler ... pour promouvoir le rassemblement des exilés, une vision qui a accompagné le peuple d’Israël depuis la création de l’État. »

En d’autres termes, le gouvernement israélien ne sera pas satisfait tant que les communautés juives du monde entier, notamment en Europe, n’auront pas été totalement éliminées.

Le communiqué ne mentionne pas le nombre de Juifs qui ont quitté Israël durant la même année pour l’Europe, l’Amérique du Nord et d’autres endroits où ils jugent préférable de vivre. On estime à un million les Israéliens qui vivent à l’étranger.

Pourquoi émigrent-ils ?

« Pour la première fois, la France est en tête de la liste des pays d’origine des immigrants en Israël, avec près de 7000 nouveaux immigrants en 2014, le double des 3400 qui sont venus l’an dernier », proclame le communiqué.

« Cette évolution a incité l’Agence Juive et le Ministère de l’Aliyah et de l’intégration des immigrants à encourager l’Aliyah de France, » ajoute-t-il.

L’Agence juive est l’organisation soutenue par le gouvernement qui encourage cette colonisation.

« En outre, 5840 nouveaux immigrants sont venus d’Ukraine au cours de l’année, par rapport aux 2020 en 2013, » dit encore le communiqué, attribuant l’augmentation spectaculaire à « l’instabilité permanente dans la partie orientale du pays. »

« Cette année a également vu un changement historique : pour la première fois dans l’histoire d’Israël, le nombre d’immigrants qui sont venus en Israël en provenance du monde libre est supérieur à celui des immigrants des pays où ils sont en situation de détresse, » a dit le président de l’Agence juive Natan Sharansky.

Cette tendance, prétend Sharansky, est « la preuve de l’attractivité d’Israël en tant que lieu. » Mais ce point présenté comme positif contredit catégoriquement la propre propagande d’Israël et de l’Agence Juive, qui insistent habituellement pour dire que les Juifs français sont maintenant plus en danger que jamais depuis l’occupation nazie et qu’ils doivent fuir en Israël pour sauver leur vie.

Le communiqué admet aussi que les Juifs ukrainiens s’en vont non pas à de l’attraction d’Israël, mais en raison de « l’instabilité. »

Cela signifie que plus il y a d’incidents ou d’informations concernant « l’instabilité » qui affecterait les Juifs, plus « enthousiaste » sera alors le ministre israélien de l’absorption.

Cibler la France

Le terme antisémitisme a toujours servi à désigner la haine chrétienne européenne à l’encontre des Juifs d’Europe, comme l’explique Joseph Massad, mais il a depuis été étendu à la haine des Juifs en tant que Juifs en général. Il n’a jamais signifié historiquement - et ne peut être utilisé aujourd’hui pour désigner - une haine généralisée de la part des peuples du Moyen-Orient - mal étiquetés comme « sémites » - dont les Palestiniens.

Il y a dix ans, le Premier ministre israélien Ariel Sharon avait soulevé une vague d’indignation quand il avait exhorté les Juifs français à déménager en Israël dès que possible pour échapper à une poussée d’antisémitisme mettant leur vie en danger. À l’époque, la France avait qualifié les commentaires de Sharon « d’inacceptables ».

Pourtant, Israël a continué à cibler la population juive de France parce qu’elle est la plus large d’Europe - estimée à un demi-million de personnes - et est donc un réservoir très attractif pour Israël qui dit combattre la « menace démographique » représentée par les Palestiniens, qui seront bientôt, s’ils ne le sont déjà, plus nombreux que les non-Juifs dans toute la Palestine historique.

Le racisme et l’antisémitisme

Les manifestations de fanatisme raciste contre les Juifs existent en France. Il y a eu des cas extrêmes, heureusement très rares, comme les meurtres de trois enfants et d’un adulte dans une école juive à Toulouse en mars 2012 par un homme à l’histoire mouvementée. L’assassin, Mohammed Merah, avait également abattu trois parachutistes français pris pour cibles parce que musulmans.

En plus de préjugés anti-juifs, la France et l’Europe ont plus généralement un problème avec le racisme et le sectarisme contre les personnes qui ne sont pas considérées comme issues d’une souche chrétienne européenne traditionnelle, principalement les ressortissants d’ascendance africaine et nord-africaine, et les musulmans en général.

Nous en voulons pour preuve les horribles rassemblements de masse contre les musulmans en Allemagne - pour lesquels la chancelière allemande Angela Merkel a ressenti le besoin de faire connaître sa condamnation, malgré ses encouragements antérieures de sentiments nationalistes et racistes.

Distorsions délibérées

Pourtant, les attaques contre des Juifs ont à plusieurs reprises été déformées et exagérées par Israël et les organisations sionistes, dans le but de créer l’impression que les Juifs font face à un si grand danger en France qu’ils doivent en partir.

Ce fut le cas l’été dernier quand les médias français, israéliens et internationaux ont répandu de fausses informations sur une prétendue attaque contre une synagogue de Paris par des groupes de jeunes musulmans qui protestaient contre le bombardement de Gaza par Israël.

La journaliste française Nabila Ramdani, qui a été témoin des événements, a traité ces rapports de « pure fabrication. »

« J’étais dans la rue de la Roquette,« où se trouve la synagogue, écrit Ramdani en août dernier à propos de l’incident du 13 juillet : « Ce qui se est passé, c’est qu’un groupe d’autodéfense appelé LDJ (Ligue de Défense Juive, ou Ligue de défense juive) a pris d’assaut depuis les abords de la synagogue une manifestation largement pacifique sur la Place de la Bastille. Armés de matraques en métal, de bouteilles de gaz et de chaises et tables de café, ils ont déclenché des combats de rue avec leurs adversaires tout en chantant ’F *** Palestine’. »

Pourtant, le propagandiste en ligne de l’Agence Juive Avi Mayer, n’a pas attendu que les faits aient été confirmés pour commencer la diffusion de rapports incendiaires et alarmistes.

Le contact pour les médias figurant sur le communiqué de presse du gouvernement israélien à propos de l’augmentation du nombre de « aliyah » n’est autre que de dénommé Mayer.

Le président de la synagogue, Serge Benhaim, peut être vu sur la vidéo quelques jours après les événements, niant catégoriquement toute attaque contre la synagogue. Mais cela n’a pas empêché les médias de propager encore plusieurs jours les mêmes allégations mensongères.

Cet incident a été exploité de façon totalement abusive par Liam Hoare comme un exemple des « facteurs qui poussent les Juifs hors de France » dans un article pour The Jewish Daily Forward.

Sous le prétexte de manifestations d’antisémitisme dans les rassemblements de solidarité avec la Palestine, les autorités françaises ont immédiatement interdit les manifestations à Paris pour protester contre l’attaque d’Israël sur Gaza, qui à ce moment-là tuait des dizaines de Palestiniens tous les jours.

En plus de ces faux rapports, Israël et ses groupes de pression ont travaillé sans relâche pour redéfinir la notion « d’antisémitisme » en y incluant non seulement la haine des Juifs en tant que Juifs, mais toute critique des pratiques racistes et colonialistes d’Israël envers les Palestiniens.

Cette tentative de faire taire les critiques d’Israël en affirmant qu’elles sont de nature antisémite est parfaitement intégrée dans une déclaration du président de l’Agence Juive Natan Sharansky en mai dernier. Dans la foulée de la fusillade mortelle au Musée juif à Bruxelles, Sharanksy a critiqué les dirigeants européens d’avoir omis de déclarer « une guerre contre la diabolisation de l’État juif. »

« Alors que les juifs en tant qu’individus ne sont plus diabolisés en Europe comme ils l’étaient dans les siècles précédents, » reconnait Sharansky, « la diabolisation d’Israël - le Juif collectif - continue d’aller vers de nouveaux sommets, créant une atmosphère empoisonnée où les Juifs vivent dans la peur et ceux qui les ciblent s’épanouissent. »

Dans la conception inquiétante de Sharansky, les Juifs d’Europe sont non seulement totalement identifiés avec Israël, mais celui-ci vient effectivement de les supplanter. Les Juifs et les communautés juives nationales dans toute leur diversité sont remplacés par Israël, qui prétend être le « Juif collectif. »

« Quand Israël est la cible de la condamnation et du mépris, alors que tant de crimes contre l’humanité et d’authentiques catastrophes humanitaires font rage à travers le Moyen-Orient et dans le monde, le message pour ceux qui cherchent un prétexte pour nuire aux Juifs est clair », a ajouté Sharansky. « Jusqu’à ce que l’Europe déclare la guerre à la diabolisation d’Israël, aucune mesure de sécurité ne pourra suffire. »

Quand les cartes sont brouillées de cette manière, il est beaucoup plus difficile d’identifier et de combattre les vrais cas de préjugés anti-juifs. Cela encourage également les personnes mal informées à confondre le judaïsme avec le sionisme et à blâmer les Juifs collectivement et de façon totalement erronée pour la politique d’Israël.

L’utilisation par l’armée israélienne de la Grande Synagogue de Paris pour en faire un centre de recrutement est peut-être la manière la plus insidieuse et dangereuse d’Israël pour confondre ses intérêts avec ceux des Juifs, au détriment des Juifs eux-mêmes.

« Prophétie auto-réalisatrice »

Les fausses informations à propos d’une attaque sur la synagogue de la rue de la Roquette n’est pas un cas isolé. En 2013, par exemple, Avi Mayer de l’Agence Juive a activement diffusé de fausses accusations selon lesquelles le cinéaste israélien Yariv Horowitz avait été victime d’une brutale attaque antisémite « par un gang d’adolescents arabes » alors qu’il était de passage en France.

L’information avait été diffusée par le journal israélien Haaretz puis ensuite propagée à d’autres médias, dont ceux des États-Unis.

Richard Prasquier, responsable du CRIF, principal organe communautaire juif en France, s’est ensuite excusé pour la diffusion de ces accusations par son organisation, en admettant qu’il s’agissait de « fausses nouvelles ».

Mais Prasquier - l’un des avocats pro-israéliens les plus importants en France - a soulevé une question importante liée à cette si large diffusion de faux rapports.

« Ce [faux] témoignage n’a-t-il pas reçu toute cette publicité, précisément parce qu’il renforce le sentiment commun en Israël que l’antisémitisme sévit partout en France et qu’un Juif est dans une situation à risque du moment qu’il met le pied dans la rue ? » demanda Prasquier.

« Si oui, alors c’est un cas typique de ce que les Américains appellent ’prophétie auto-réalisatrice’ parce que ces faux rapports ne peuvent que générer de l’antisémitisme en réponse, » a-t-il conclu.

Prasquier semble comprendre implicitement que des rapports fabriqués et exagérés de crimes haineux sont préjudiciables pour les Juifs, dommageables pour d’harmonieuses relations communautaires en France et mauvaises pour tous ceux qui sont engagés dans la lutte contre le racisme sous toutes ses formes.

Ces faux rapports qui blâment généralement les Arabes ou les musulmans, peut très bien également contribuer à une marée montante de l’islamophobie en Europe.

Mais cela est « bon » pour Israël et la stratégie cohérente du sionisme, passée et présente. Comme Joseph Massad l’a écrit, le sionisme a depuis sa création chercher des alliances avec les antisémites dans la poursuite de ses objectifs.

L’excitation de ministre israélien Sofa Landver montre que rien n’a changé.

Les anti-racistes de principe ne devraient pas être moins vigilants sur la lutte contre l’antisémitisme simplement parce qu’Israël et ses organisations sionistes affiliées ont l’habitude d’exagérer, d’exploiter et parfois de fabriquer de toutes pièces des rapports sur des manifestations de haine dirigées contre les Juifs.

Lutter contre le racisme implique de lutter contre le sionisme et l’antisémitisme.

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* Ali Abunimah est l’auteur de The Battle for Justice in Palestine. Il a contribué à The Goldstone Report : The Legacy of the Landmark Investigation of the Gaza Conflict. Il est le cofondateur de la publication en ligne The Electronic Intifada et consultant politique auprès de Al-Shabaka, The Palestinian Policy Network.

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2 janvier 2014 - The Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article à :
http://electronicintifada.net/blogs...
Traduction : Info-Palestine.eu