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Le mouvement Hamas : entre résistance et gouvernance - 2e partie
vendredi 2 janvier 2015 - Asa Winstanley
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Mohammed Dahlan (à g.) et Mahmoud Abbas, à couteaux tirés aujourd’hui pour se disputer les faveurs de l’occupant israélien

Né dans le camp de réfugiés de Khan Yunis dans la bande de Gaza, Dahlan a été un moment à la tête des forces militarisées de « sécurité préventive » de l’Autorité palestinienne (AP). Dans la période qui a suivi Oslo, quand le Hamas a engagé une campagne de représailles avec des tirs de fusées contre Israël, les forces de Dahlan se sont rendues responsables d’arrestations brutales et de tortures à l’encontre de militants et de sympathisants du Hamas. Certains font remonter à 1994 les liens de Dahlan avec les organismes militaires et d’espionnage israéliens, au moment où l’AP a été formée.

Comme je l’ai développé dans la première partie, Dahlan était à l’avant-garde de la conspiration Fatah-Israël-États-Unis-Union-européenne visant à renverser le gouvernement palestinien élu en 2006, après que le Hamas soit arrivé au pouvoir lors d’élections libres et équitables.

Dahlan a longtemps été interlocuteur privilégié des puissances impériales occidentales sur la scène palestinienne. Il est considéré par l’Occident comme un dictateur potentiel fiable, comme l’ont été un moment l’irakien Saddam Hussein et l’ancien dictateur égyptien Hosni Moubarak. Et certes, dans les couloirs des pouvoirs impériaux occidentaux, il dispose de la même aura que l’actuel dictateur militaire égyptien, Abdel Fattah al-Sisi.

En effet, Dahlan est véritablement un Sisi au petit pied, ayant construit des liens très chaleureux avec le dictateur depuis son coup d’État contre le président élu de l’Égypte (que le régime militaire a kidnappé et « fait disparaître »). Il a également développé des liens étroits avec le régime des Émirats Arabes Unis (qui, comme tous les autres régimes du Golfe, est une tyrannie dirigée par des monarques absolus). L’argent du pétrole et du gaz qui submerge Dahlan le maintient dans les affaires.

Comme je l’ai raconté dans un article au mois de mars, bien qu’autrefois des alliés importants et malgré leur accord sur la nécessité de capituler face à la puissance américaine en servant les intérêts de l’occupation israélienne en Cisjordanie et à Gaza, Dahlan et Abbas sont maintenant des ennemis jurés.

Dahlan, chassé de Gaza par le Hamas en 2007, a ensuite été chassé de la Cisjordanie en 2010 sur des accusations de fraude. Il vivrait maintenant entre les Émirats Arabes Unis et l’Égypte, mais il voyage aussi apparemment beaucoup.

Bien que les accusations de fraude contre Dahlan étaient susceptibles d’être prouvées, elles sont de nature politique : une façon pour Abbas de se débarrasser d’un rival qui dispose de puissants alliés en Occident et dans le Golfe (pour ne rien dire des Israéliens). Après tout, qui peut être plus corrompu que Abbas : l’homme dont le fils a été raillé dans les médias sociaux arabe récemment pour exhiber un passeport portant la mention « fils de président » dans le champ prévu pour « profession » ?

La semaine dernière a marqué une nouvelle étape dans la guerre froide entre Dahlan et Abbas. Des affiches de Dahlan ont été ouvertement exhibées à Gaza pour la première fois depuis des années. Alors que les participants à cette « démonstration » jeudi dernier étaient presque certainement en grande partie des loyalistes rémunérés, le fait même que le Hamas ait permis cela est significatif.

Alors qu’il est bien connu que le comportement dictatorial d’Abbas lui fasse perdre ses alliés les uns après les autres, il semble que le Hamas sente aujourd’hui la possibilité d’un dégel dans ses relations avec Dahlan. Dans un long article du journal libanais pro-résistance et de gauche Al-Akhbar plus tôt ce mois, plusieurs dirigeants du Hamas sont cités comme faisant des déclarations ambiguës, mais incontestablement une conciliation est en cours.

Le Hamas est-il sérieusement en train de prendre une initiative aussi alarmante ? Veulent-ils vraiment se « réconcilier » avec Dahlan le bourreau ? Dahlan l’agent américain et israélien ? Ou est-ce une sorte de jeu politique, dont le but est de semer la confusion et de faire enrager leurs rivaux politiques à Ramallah ? Seul le temps nous le dira.

Mais une chose est sûre. Une alliance entre un projet de la résistance à l’occupation israélienne et un projet de servir de relais pour cette même occupation, est forcément vouée à l’échec.

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* Asa Winstanley est un journaliste indépendant basé à Londres qui séjourne régulièrement dans les TPO. Son premier livre “Corporate Complicity in Israel’s Occupation” est publié chez Pluto Press.
Voir son site web.

Du même auteur :

- Le mouvement Hamas : entre résistance et gouvernance - 1e partie - 30 décembre 2014
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22 décembre 2014 - Middle East Monitor - Vous pouvez consulter cet article à :
https://www.middleeastmonitor.com/a...
Traduction : Info-Palestine.eu - Al-Mukhtar