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Sexe, violence, corps des femmes et colonialisme israélien
jeudi 25 décembre 2014 - Nadera Shalhoub-Kevorkian, Sarah Ihmoud & Suhad Dahir-Nashif
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Des femmes palestiniennes manifestent au Canada - Photo : prlog.org

Non seulement ils ont envahi notre maison, ont accaparé notre espace, nous ont expulsées – ils m’ont même arrêtée et emmenée à la Prison Maskubya, au poste de police. Ils m’ont mise dans la pièce numéro 4, toute seule, pendant longtemps. Ensuite, un homme grand et fort, un policier, est entré dans la salle d’interrogatoire. J’étais seule et je me suis mise à trembler de peur quand il a fermé la porte et m’a examinée de la tête aux pieds. J’étais terrorisée et mon cœur battait la chamade. Ses yeux fouillaient mon corps pendant qu’il ouvrait les tiroirs en cherchant quelque chose. Ensuite il est sorti pour revenir après 5 minutes, en tenant une boîte. Il en a sorti une paire de gants de plastique bleu qu’il a enfilés l’un après l’autre, tout en me fixant en disant : « Viens ici ... » Je dois vous dire que j’étais terrorisée quad ils ont envahi la maison et qu’ils nous ont expulsées. J’étais terriblement angoissée quand ils ont arrêté mon fils. Mais mes peurs de ... « vous savez bien »… vous savez … d’être violentée, d’être violée par ses grandes mains bleues et plus … ce sont les instants les plus terrifiants de ma vie » (1).

Ce sont les paroles de Sama, une Palestinienne de 36 ans qui venait de perdre l’espace intime, familial et physique de sa maison, pour vivre une autre terreur, celle de la menace de violences sexuelles. Le récit de Sama n’a rien d’exceptionnel, car les femmes colonisées, vivant de graves privations et dépossessions, sont l’objet d’attaques quotidiennes contre leur sexe et contre leurs droits à l’intégrité physique. La violence sexuelle fait partie intégrante de la puissance coloniale, de sa machinerie racialisée de domination et de sa logique d’élimination. Cela saute aux yeux dans l’histoire du contexte des implantations coloniales, où la machinerie de la violence vise explicitement la sexualité et la sécurité physique des femmes autochtones en tant « qu’ennemis internes » biologiques, puisqu’elles produisent la génération suivante.

Le colonialisme de peuplement, en tant que « structure, pas en tant qu’événement » opère via une « logique d’élimination » cherchant à effacer la présence indigène sur un territoire spécifique (« l’élément irréductible » du colonialisme de peuplement). Il « détruit afin de remplacer ». L’invasion de terres autochtones cherche en permanence à éradiquer la présence des autochtones du pays, afin de les remplacer par la nouvelle société de colons avec leur politique. Des universitaires ont argué que la logique d’élimination du colonialisme de peuplement peut culminer en un génocide indigène. Dans leur formes européennes, colonialisme et génocide ont « utilisé la rhétorique raciale organisatrice ».

Depuis sa conception, l’état juif est ancré dans une logique coloniale racialisée. Cette logique élabore la figure du Palestinien comme l’autre dangereux, par opposition au sujet juif et blanc de la cité. Comme l’ont noté de nombreux auteurs, cette constellation raciste a été articulée par l’idéologie orientaliste des premiers penseurs sionistes, qui a recadré le peuple juif comme porteur de la civilisation européenne face à une région et à un peuple culturellement attardés.

Un projet aussi « moderniste », une mission aussi « civilisatrice » reposaient sur l’imaginaire sioniste d’une main d’œuvre exclusivement juive cultivant un pays vide et inculte pour « faire fleurir le désert ». Les premiers dirigeants sionistes ont tenté d’actualiser le mythe sioniste fondateur d’un « pays sans peuple pour un peuple sans terre » à travers les nettoyage ethnique systématique des autochtones palestiniens en 1948. L’entité sioniste continue aujourd’hui encore à expulser des natifs de Palestine. Les massacres de Gaza en juillet-août 2014 et la « poigne de fer » répressive visant les Hiérosolymitains palestiniens au moment où nous écrivons cet article sont les manières contemporaines du colonialisme de peuplement pour expulser les natifs palestiniens.

Nous affirmons que le ciblage des corps et de la sexualité des femmes palestiniennes est partie intégrante de la logique d’élimination racialisée du projet colonial israélien. Le viol et d’autres formes de violence sexuelle contre les Palestiniennes ont toujours été un élément des tentatives de l’état colonial pour détruire et éliminer les Palestiniens autochtones de leur terre. Ils nourrissent tout l’imaginaire et tout le projet de conquête et de mise en culture des terres de Palestine, la transformant en cité juive. Notre discussion sur la violence sexuelle s’ancre donc non seulement dans les pratiques et les politiques sexualisées de l’état sioniste, mais aussi dans la nature de la violence coloniale israélienne même.

En tant que féministes palestiniennes nous prétendons que l’imaginaire sioniste conquérant et colonisateur du corps palestinien est inséparable du projet conquérant et colonisateur de terres palestiniennes, éradicateur de présence indigène. Nous embrayons sur l’assertion de l’érudite autochtone [cherokee] Andrea Smith selon laquelle la logique de la violence sexuelle coloniale « instaure l’idéologie que les corps autochtones sont intrinsèquement violables – et par extension, que les terres autochtones elles aussi sont intrinsèquement violables. »

Il en va de la logique de la violence sexuelle coloniale de centrer notre analyse sur la Nakba perpétuelle qui vise notre peuple. Nous suivons la logique de la violence sexuelle dans son contexte historique et actuel, en tant que machinerie cachée et visible du patriarcat colonial contre les communautés indigènes en Palestine. La logique de la violence sexuelle vise à fragmenter la famille et la vie communautaire des Palestiniens, en coupant les connexions avec la terre d’origine qu’est la Palestine.

Violence sexuelle et génocide palestinien depuis la Nakba

Comprendre l’intensification des attaques contre les corps des Palestiniennes en ces temps d’attaques intensifiées par le régime colonial nécessite une analyse féministe. Une telle analyse prend la Nakba comme point de départ. Israël s’est construit sur les ruines de la patrie palestinienne, sur sa terre, sa souffrance et sur la déportation. Il s’est construit sur la destruction de nos liens sociaux et communautaires, sur la violation et l’invasion de nos maisons et de nos corps.

Le viol et le meurtre de femmes palestiniennes a été un aspect central des massacres systématiques et des expulsions pendant la destruction de villages palestiniens par les troupes israéliennes en 1948. Tous les habitants étaient réquisitionnées sur la place du village. Ils étaient alignés contre un mur et abattus. Une témoin dit que sa sœur, enceinte de neuf mois, fut abattue d’une balle dans la nuque. Puis ses meurtriers lui ont ouvert le ventre avec un couteau de boucher et ont extrait le bébé à naître. Une femme arabe qui tentait de saisir e bébé fut abattue elle aussi ...Des femmes furent violées sous les yeux de leurs enfants avant d’être massacrées et leurs corps jetés dans le puits.

David Ben Gourion, comme d’autres dirigeants sionistes, a parlé ouvertement du viol et des tortures de Palestiniennes dans son Journal daté de 1948. Alors qu’il défendait le meurtre de femmes et d’enfants palestiniens en les présentant comme des menaces pour la politique coloniale juive, il offrait une récompense à toutes les mères juives à leur dixième enfant. Il s’assura que c’était l’Agence juive et non l’État qui gérait ces incitations natalistes, afin de garantir l’exclusion des arabes (2). La fétichisation de la fertilité a fait des Palestiniens et surtout des Palestiniennes les cibles de la rhétorique nationaliste qui politise à fond leur démographie. Pour les sionistes, les Palestiniennes ont toujours été et continuent d’être – comme nous l’avons vu lors des dernières attaques contre Gaza – les cibles de la machine à tuer sioniste.

Des universitaires féministes ont également suggéré que l’État sioniste fait violence aux Palestiniennes pour renforcer les structures patriarcales autochtones et contribuer à l’éviction des Palestiniens de leur terre. Les abus sexuels par des militaires sont légion depuis l’occupation israélienne. L’État et les forces militaires d’Israël ont exploité la menace de violences sexuelles contre les Palestiniennes ainsi que la perception patriarcale de la sexualité et de « l’honneur » pour recruter des collaborateurs palestiniens pendant les périodes de soulèvement et pour dissuader la résistance organisée. Cette pratique est tellement habituelle, historiquement, qu’elle a acquis son propre terme en arabe, à savoir « isqat siyassy », abuser sexuellement des Palestiniens pour des motifs politiques.

L’appareil sécuritaire israélien continue de se servir de l’identité sexuelle palestinienne et des conceptions orientalistes de la « culture arabe » pour recruter des collaborateurs et fragmenter la société palestinienne. Des révélation récentes de l’Unité 8200 (unité de renseignement de l’armée israélienne) l’ont confirmé. Le « viol » littéral et figuré de corps de Palestiniennes recadrés comme structurellement violables par l’entité sioniste, ressortit à la même logique de violence sexuelle qui nourrit le projet colonial et la confiscation des terres autochtones qui se poursuit.

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Une Palestinienne recycle les grenades de gaz lacrymogène "envoyées" par les Israéliens - Photo : arastiralim.net

Démasquer la logique des violences sexuelles

Le silence sur la machinerie de violences sexuelles envers les Palestiniennes (3) et leurs communautés apparaît encore davantage depuis les dernières opérations militaires de l’état israélien. La logique de la violence sexuée qui structure le projet colonial sioniste est encore plus évident depuis la dernière invasion militaire. Des slogans comme « Mort aux Arabes » et « Arabes dehors » sont devenus plus exploitables et tolérables dans la sphère publique israélienne, révélant la pulsion nécropolitique contre les natifs palestiniens qui est au cœur de la prétendue démocratie juive.

Le 1er juillet, juste après la découverte des corps de trois jeunes colons juifs qui avaient disparu en Cisjordanie occupée, le professeur israélien Mordechai Kedar du Centre Begin-Sadat d’Etudes Stratégiques déclarait sur une radio publique : « La seule façon de dissuader … ceux qui ont kidnappé les enfants [israéliens] et les ont tués, la seule façon de les dissuader c’est qu’ils sachent que leur sœur ou leur mère seront violées si on les attrape … c’est cela la culture du Moyen-Orient ». Ses commentaires suggèrent que le viol de femmes Palestiniennes est le seul moyen de dissuader la résistance et le « terrorisme » palestiniens.

En tant que féministes palestiniennes nous n’avons pas été surprises d’entendre Kedar prôner le viol comme antidote à la résistance anti-coloniale. De tels commentaires sur une chaîne du service public, ouvertement, audibles par un large public juif israélien, des femmes aussi bien que des hommes, y compris des féministes juives israéliennes, reflètent bien la mentalité du colon et le type de socialisation qu’il entretient avec les Palestiniens. Qu’un érudit d’une des principales universités d’Israël présente le viol de femmes palestiniennes comme une stratégie militaire dévoile l’idée que les colonisateurs se font des femmes colonisées. Le discours orientaliste sexué positionne les Palestiniens comme des Autres culturellement « attardés », non-humains.

Afin que le discours sexué de Kedar n’apparaisse pas comme une aberration, il est important de noter qu’il n’est pas le seul acteur de ce théâtre de la cruauté sexuée. Les soldats israéliens en route pour aller tuer des Palestiniens à Gaza ont lu des slogans de soutien préparés par leurs amis civils juifs israéliens, disant : « Allez pilonner leurs mères, et revenez chez votre mère ». Les juifs israéliens se rassemblaient sur les collines pour se repaître de la vue des bombes tombant sur Gaza. Un jeune juive énumérait sur Facebook le plaisir sexuel que leur procurait le spectacle de notre lynchage collectif : « Quel orgasme de voir les Forces de Défense Israéliennes bombarder les immeubles à Gaza avec les enfants et les familles en même temps. Boum boum ».

Même leur Premier ministre Netanyahou a reçu un post circulant largement dans le public israélien via les médias sociaux, et qui montrait une femme voilée nommée « Gaza », dénudée du torse aux pieds, avec le message : « Bibi, conclus par une pénétration cette fois ! Signé : des citoyens en faveur d’un assaut au sol ». Ceci s’ajoutant à la déclaration publique du député Ayelet Shaked selon laquelle les mères palestiniennes devraient être tuées.

Le viol de la terre tout comme le viol des corps de femmes est donc arrivé à l’avant-plan dans les dernières attaques contre le peuple palestinien. Avec la poursuite des massacres à Gaza, la nature sexuelle de l’invasion israélienne et le terrorisme raciste contre les autochtones palestiniens a été révélée au premier plan de la politique et du débat nationalistes dans la sphère publique tout comme dans la Palestine de 1948. Des Palestiniennes sont descendues dans la rue avec leurs communautés dans tout la Palestine historique pour manifester contre les perpétuels massacres à Gaza.
Les manifestations publiques ont pris un tour sexué, car les foules qui criaient « mort aux arabes » ont rapidement scandé « Hanin Zoabi est une pute ! », insultant une femme palestinienne membre du parlement israélien qui se dressait pour le droit à la vie de son peuple. La police israélienne a attaqué des corps de Palestiniennes, de même que leurs équivalents masculins, les chassant des manifestations à Haifa et à Nazareth pour qu’ils soient arrêtés ou battus par des foules racistes.

De hautes personnalités religieuses et militaires stipendiées par l’État ont publié des édits affirmant qu’en temps de guerre il est permis de bombarder les civils palestiniens afin « d’exterminer l’ennemi ». Le conseil municipal de Or Yehuda, dans la région côtière d’Israël, a exhibé une banderole de soutien aux soldats israéliens qui suggérait le viol de Palestiniennes : « Soldats israéliens, les habitants de Yehuda sont avec vous ! Pilonnez leurs mères et rentrez à la maison sains et saufs auprès de votre mère ». (4)

Selon nous la logique de violences sexuelles exercée au cours des attaques contre des autochtones palestiniens dans toute la Palestine historique, aussi bien dans le passé que lors des attaques les plus récentes, irrigue tout l’état colonial et la société israélienne. En effet, état et société sont des entités inséparables connectées par un imaginaire viscéral psychologique et politique qui déborde la division usuelle entre état et société civile. Comme le remarque Lorenzo Veracini, les colons « transportent leur souveraineté avec eux ». Aussi bien l’état (autorités publiques élues, institutions académiques et militaires) que la société coloniale ( y compris le public israélien – dans la continuité de l’idéologie sioniste) incarnent la machinerie de la violence coloniale. Il n’est donc guère étonnant que l’appareil d’état officiel et les sphères officieuses des colons ont mené de graves attaques contre la sexualité, les corps et les vies des Palestiniennes lors des dernières invasions de notre peuple à Gaza, lors des attaques quotidiennes à Jérusalem ces derniers jours et dans toute la Palestine historique.
Les politiques répressives des autorités israéliennes et les incitations [à la haine] du peuple palestinien se conjuguent pour permettre à la société coloniale israélienne d’incarner le pouvoir régalien et d’attaquer méchamment les Palestiniens.

C’est ce qu’ont montré ces dernières semaines les attaques contre les corps de Palestiniennes à l’intérieur de la mosquée al-Aqsa à Jérusalem, aussi bien par des colons que par la défense militaire de l’état ainsi que par des membres des forces de sécurité de l’état. Un exemple récent de la violence sexuelle ordinaire est fourni par le tabassage et l’arrestation violente par la police des frontières d’Aida, une Palestinienne de la Vieille Ville à Jérusalem. Quand elle a tenté d’entrer dans la mosquée al-Aqsa, la police des frontières a brutalement battu Aida. Ils ont arraché son hijab et l’ont tirée par les cheveux tout en continuant de la frapper à travers les rues de la Vieille Ville, pour l’emmener jusqu’au véhicule de police. Elle a été emmenée au poste de police où elle a été interrogée avec violence, encore battue et accusée d’avoir agressé un policier. Les brutalités et la violation du corps d’Aida par les forces de sécurité, les tentatives de la marquer comme étant l’Autre criminelle par nature, sont une forme de violence contre le genre et le sexe. La légalisation de telles formes de violences marquent le système juridique israélien lui-même comme profondément ancré dans la machine à éliminer du projet colonial.

La brutalisation et la violation des femmes palestiniennes par l’état colonial prennent aussi des formes plus mondaines. Quand Samera a été arrêtée pour avoir participé à une manifestation à Jérusalem-Est occupée, sa libération par les autorités a été conditionnée par ce qu’ils appellent un « service communautaire ». Son « service » à la communauté consistait à récurer les toilettes d’une installation pour policiers et soldats israéliens. Comme elle nous l’a expliqué : « Je n’étais pas en mesure de payer la forte amende et j’avais besoin d’être libérée pour retourner auprès de mes gosses. Je n’ai pas eu d’autre choix que de récurer leurs toilettes … Le seul fait d’être là, dans les toilettes des hommes, dans des toilettes israéliennes pour hommes, je l’ai ressenti comme un viol. Je l’ai fait pour éviter de payer, mais je ne peux m’empêcher de ressentir que je leur ai permis de me garder là-dedans, dans leurs salles, dans un état de terreur constant, craignant d’être abusée sexuellement puis jetée comme nous jetons le papier de toilette dans les cuvettes ».

Les paroles de Samera et son analyse illustrent les aspects liés au genre et au sexe de la complexe machinerie de violence coloniale. Et comme Samera conclut : « Parfois je ressens que j’étais leur esclave, mais à d’autres moments je me dis que non ceci est de la résistance c’est du sumud, c’est du pouvoir … J’ai fait ce qu’il fallait pour revenir près de mes enfants, sans avoir été touchée ni violée sexuellement … oui, notre situation est dure complexe. « Même face à une inscription aussi violente de la violence coloniale, les actes de résistance et de survie quotidiens des femmes palestiniennes prouvent leur pouvoir et leur sumud, leur ténacité.

Bref, la violence de genre et de sexe n’est pas simplement un instrument de contrôle patriarcal, sous-produit de la guerre ou du conflit intensifié. Les relations coloniales elles-mêmes sont colorées par le genre et le sexe. Nous soutenons que la violence sexuelle, une logique ancrée dans le projet colonial israélien, suit deux principes contradictoires qui opèrent simultanément : invasion/violation/occupation et suprématie/purification/démarcation. Invasion/violation/occupation des corps, des vies et des terres palestiniennes par le projet colonial sioniste sont intimement liées à sa démarcation des frontières raciales, géographiques et physiques entre citoyenneté juive et autochtones palestiniens, de même que les tentatives de « purifier » le corps national juif du corps palestinien, lequel est connoté comme biopolitiquement contagieux. C’est ainsi que la logique de la violence sexuelle, incarnée dans le régime sioniste, nourrit les attaques du passé et du présent contre les corps et les vies des Palestiniens.

Notre combat pour la souveraineté indigène dans le cadre d’un activisme anti-colonial en tant que féministes se situe nécessairement dans la protection de la sécurité corporelle, sexuelle et familiale et du droit collectif à la vie des femmes palestiniennes. C’est une lutte contre l’appareil militaire et colonial sioniste hypermasculin qui désigne les femmes palestiniennes comme menaçantes par nature en tant qu’Autres racialisées dont les corps doivent être violés et détruits comme ennemi interne « reproducteur de Palestiniens ». Cette logique est inséparable de la logique coloniale en tant que logique d’élimination.

En tant que féministes palestiniennes concernées par la sécurité des corps et des vies des femmes, par la continuité de notre peuple et de nos générations futures, nous appelons les féministes locales et internationales à rejoindre notre lutte, à défier la culture coloniale de l’impunité et à faire entendre leurs voix contre les crimes de l’état israélien.

[1] Extrait d’un groupe de discussion avec des femmes palestiniennes à Jérusalem en 2014.
[2] Dans les années ’50 Ben Gourion, premier Premier ministre d’Israël, a fait de la fertilité des femmes une priorité nationale, arguant que « le taux de natalité juif est un besoin vital pour l’existence d’Israël » et que « une femme juive qui ne met pas au monde quatre enfants au moins déroge à la mission juive » ( Sharoni, S. (1995). Gender and the Israeli-Palestinian Conflict : the Politics of Women’s Resistance. Syracuse University Press. Davis, U. & Lehn, W. (1983). “And the Fund Still Lives : The Role of the Jewish International Fund in the Determination of Israel’s Land Policies”, Journal of Palestine Studies, Vol. 7 (4), p.3, pp.4-6 (1978).
[3] Tout en centrant notre analyse sur les femmes palestiniennes, nous notons aussi que l’usage de la violence sexuelle par l’état sioniste comme tactique destinée à « réduire la menace démographique » s’exerce sur le corps de certaines femmes juives, notamment des femmes noires (de la communauté éthiopienne) et sur des femmes paupérisées. Tout en tentant de faire baisser les taux de natalité des juives noires et/ou pauvres, une pratique que nous analysons comme connectée au projet racial de réduire la natalité et la vie des Paestiniens, Israël a cherché en même temps à augmenter la natalité juive européenne par des pratiques plus modernes, comme l’achat d’ovocytes pour la reproduction par clonage de femmes pauvres d’Europe de l’Est. En outre, l’état israélien a suggéré que la loi interdisant le clonage reproductif humain (1999) avait expiré et que beaucoup de médecins, de politiciens et de chercheurs en sciences sociales y avaient recours comme à une autre stratégie permettant de maintenir un avantage démographique juif sur la terre de Palestine.
[4] En plus des posts et déclarations contre les mères palestiniennes, des filles et femmes juives ont encouragé les hommes servant dans les Forces d’occupation israéliennes en leur envoyant des photos dénudées ou pornogrlaphiques, comme l’expression de leur amour et de leur soutien (voir http://www.pitria.com/israeli-girls-support-zahal).

17 novembre 2014 - Jaddaliyya - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.jadaliyya.com/pages/inde...
Traduction : Info-Palestine.eu - AMM