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Les parlements pro-Palestine : entre espoirs et dangers
dimanche 21 décembre 2014 - John V Whitbeck
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Le Parlement du Portugal a adopté, vendredi 12 décembre, une recommandation appelant le gouvernement à reconnaître l’État palestinien - Photo : AFP

Le Parlement européen, dans un compromis qui a mis fin à la recherche d’un consensus, a maintenant adopté, par un vote de 498 voix contre 88 avec 111 abstentions, une résolution stipulant qu’il « soutient en principe la reconnaissance d’un État palestinien et la solution de deux États et estime que ces derniers devraient aller de pair avec des pourparlers de paix qui devraient être avancés ».

Ce genre de formulation esquive la question fondamentale de savoir quand l’État de Palestine doit être reconnu, en utilisant des mots restant dans le vague dont l’imprécision fait que ne peuvent réellement s’y opposer ni ceux qui souhaitent véritablement atteindre une décente « solution à deux États » (et veulent donc une reconnaissance immédiate de la Palestine aujourd’hui afin de rendre enfin possible des négociations constructives), ni ceux qui soutiennent une perpétuelle occupation (et font donc valoir qu’une quelconque reconnaissance devra attendre un préalable consentement israélien).

Ce faisant, le Parlement européen a raté une occasion rare d’être un peu pertinent et de se joindre aux Nations Unies en reconnaissant « le statut d’État » à la Palestine et en emboîtant le pas aux parlements nationaux européens qui exhortent leurs gouvernements à rejoindre les 135 États membres des Nations Unies - ce qui représente la grande majorité de l’humanité - qui ont déjà procédé à la reconnaissance diplomatique de l’État de Palestine.

L’écrasant vote majoritaire à la Chambre des communes britannique le 13 octobre, par 274 voix contre 12, a été suivi par des votes favorables en France (339 contre 151 à l’Assemblée nationale et 154 contre 146 au Sénat), en Irlande (à l’unanimité dans les deux chambres), au Portugal (203 voix contre 9) et en Espagne (319 voix contre 2).

Le 30 octobre, la Suède a en même franchi l’étape essentielle d’aller effectivement jusqu’à la reconnaissance diplomatique de l’État de Palestine, devenant ainsi le premier État de l’Union européenne (UE) à prendre cette initiative après être devenu membre de l’UE. Cependant, ce n’était pas comme certains médias l’ont prétendu, le premier État européen à le faire. Il était le 20e.

L’État de Palestine avait déjà été reconnu par huit autres États membres de l’UE (la Bulgarie, Chypre, la République tchèque, la Hongrie, Malte, la Pologne, la Roumanie et la Slovaquie) et par 11 autres États qui sont communément considérés comme « européens » (l’Albanie, l’Azerbaïdjan, la Biélorussie, la Bosnie-Herzégovine, la Géorgie, l’Islande, le Monténégro, la Russie, la Serbie, la Turquie et l’Ukraine).

Comme les résolutions parlementaires irlandaise, portugaise, espagnole, française et britannique n’ont pas de caractère contraignant pour les branches exécutives de leurs gouvernements respectifs, elles ont souvent été critiquées comme étant « symboliques », alors même que ceux qui se font les avocats d’une occupation sans fin ont déployés d’importants efforts pour empêcher que les votes aient lieu. Il est aussi couramment demandé quelle est l’importance de ces résolutions...

Que ces résolutions puissent compter, au moins dans un sens constructif, dépend entièrement de ce qui se passe après. Les résolutions parlementaires européennes exhortant leurs gouvernements respectifs à reconnaître l’État de Palestine peuvent non seulement être purement symboliques, mais elles peuvent aussi en réalité être contre-productives et dangereuses si elles ne sont pas suivies relativement rapidement par de réelles reconnaissances de l’État de Palestine.

Ces résolutions offrent de l’espoir, mais si, même après la dernière attaque israélienne contre le peuple de Gaza, les gouvernements européens qui n’ont pas encore reconnu l’État de Palestine préfèrent ignorer la volonté évidente de leurs propres opinions publiques exprimées par leurs représentants élus, et continuent à donner la priorité aux souhaits des gouvernements américains et israéliens, alors le dernier espoir du peuple palestinien pour mettre fin à l’occupation et imposer sa liberté par des moyens non-violents, aura été éteint.

Ces résolutions sont donc une arme à double tranchant, offrant à la fois un espoir à court terme et le risque d’un désespoir définitif.

L’espoir pour la paix avec une certaine mesure de justice, que les diverses reconnaissances parlementaires suscitent, est basée sur l’hypothèse que l’occupation par un État voisin de l’ensemble du territoire d’un État que tout le monde reconnait comme tel, est quelque chose que n’importe quel État suffisamment influent - et avec la capacité de prendre des mesures concrètes pour mettre fin à cette occupation - puisse tolérer indéfiniment. Et donc, en vertu de la reconnaissance diplomatique, des mesures significatives pour mettre fin à cette occupation (y compris des sanctions économiques et des restrictions de voyage) deviendraient un impératif moral, éthique, intellectuel, diplomatique et politique pour les États européens, qui à eux seuls, possèdent l’influence et la capacité requise.

L’occupation du Koweït par l’Irak a été tolérée sept mois. L’occupation de la Palestine [hors de la ligne d’armistice de 1949 - N.d.T] par Israël est dans sa 48e année, la vie entière de la grande majorité des Palestiniens en Palestine occupée.

Les gouvernements européens sont conscients de la puissance de levier inégalable que possède l’Europe, puisque elle est le principal partenaire commercial d’Israël ainsi que sa patrie culturelle. Leur prise de conscience que la reconnaissance diplomatique de la Palestine exigerait une action significative pour mettre fin à l’occupation constitue certainement la principale raison (en plus de la crainte de heurter les gouvernements américains et israéliens) expliquant pourquoi des gouvernements européens qui désapprouvent une occupation pour une durée indéfinie et véritablement souhaitent assister à la naissance d’une « solution à deux États » viable, sont cependant réticents, hésitants et nerveux lorsqu’il est question aujourd’hui de la reconnaissance diplomatique de l’État de Palestine.

Et si ce n’est pas le moment, alors pour quand est-ce ? C’est maintenant ou jamais - si comme de juste il n’est pas déjà trop tard.

Les gouvernements européens doivent saisir cette occasion sans précédent d’avoir un impact positif et potentiellement déterminant sur les élections israéliennes du 17 mars et sur la composition du prochain gouvernement israélien en inscrivant de manière indélébile sur le mur une nouvelle réalité qui pourrait convaincre une masse critique d’Israéliens, pour la première fois, qu’un accord de paix équitable est préférable pour eux personnellement à la perpétuation du statu quo dans lequel ils se complaisent actuellement.

Alors seulement pourra commencer un nouveau et véritable « processus de paix », sous une nouvelle direction, fondé sur le droit international et les résolutions des Nations Unies et dans lequel à la fois Israël et la Palestine négocieront avec un véritable désir de parvenir à un accord.

L’électorat israélien est supposé divisé et à peu près réparti de façon égale en trois groupes - ceux qui croient fermement à la politique de la droite et de l’extrême-droite, ceux se situant de façon déterminée au centre-gauche, et ceux « flottants » se situant entre les deux. Ce sont ces derniers qui vont déterminer la composition du prochain gouvernement. Les gouvernements européens ont l’influence et la capacité de les faire aller dans un sens positif - dans l’intérêt des Israéliens, des Palestiniens, de la région et du reste du monde.

Il reste à voir si les gouvernements européens ont la sagesse, le courage et la volonté politique d’agir comme il se doit.

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* John V Whitbeck : né en 1946 à New York, juriste international installé à Paris depuis 1976, a été très impliqué dans toutes les négociations de paix au Proche-Orient auxquelles il a participé, dès la conférence de Madrid en 1991, comme conseiller juridique des Palestiniens.

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17 décembre 2014 - Middle East Eye - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.middleeasteye.net/column...
Traduction : Info-Palestine.eu - Claude Zurbach