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Israël utilise des armes DIME, provoquant des lésions incurables et des cancers
dimanche 24 août 2014 - Rasha Abou Jalal
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Ibrahim Hattab, 9 ans, a perdu sa jambe quand un missile l’a frappé alors qu’ il jouait avec ses amis - Photo : Wissam Nassar

Cela avait déjà été le cas lors des deux précédentes guerres contre Gaza en 2008-2009 et 2012.

Depuis le début des opérations militaires israéliennes, plus de 1939 Palestiniens ont été tués, et 9800 autres blessés. Des centaines de victimes sont arrivées à l’hôpital le corps carbonisé ou en lambeaux, ou avec des membres perdus et des blessures difficiles à traiter, explique à Al-Monitor Ashraf al-Qadra, le porte-parole du Ministère de la Santé.

La controverse est née lorsque le docteur norvégien Erik Fosse, qui s’est récemment rendu à Gaza pour soigner les blessés, a accusé Israël d’utiliser des armes interdites au niveau international lors de ses assauts en cours contre la bande de Gaza.

Lors d’une conférence de presse à l’hôpital Al-Shifa le 13 juillet à laquelle assistait al-Monitor, le docteur Fosse a déclaré : « La plupart des blessés qui sont arrivés à l’hôpital confirment l’emploi par Israël d’armes internationalement interdites, du genre DIME [Dense Inert Metal Explosive ou explosifs contenant des métaux inertes denses].

Des témoignages présentés devant al-Monitor par des infirmières, docteurs, et militants d’organisations palestiniennes de défense des droits de l’homme, montrent que les Israéliens utilisent des explosifs DIME qui causent la perte des membres et entraînent des blessures qui ne réagissent pas aux traitements.

Les explosifs DIME « tuent leurs victimes par amputation des membres tels une scie automatique. Ceux qui peuvent survivre sont alors vulnérables au cancer car ces armes contiennent des tungstènes cancérigènes », peut-on lire dans un rapport d’Al Jazeera datant du 21 juillet.

Durant les deux heures de présence d’al-Monitor à l’hôpital al-Shifa de Gaza, 11 civils ont été hospitalisés, tous avec des membres amputés, dont 8 sont décédés peu après leur arrivée. Les régions du corps amputées avaient des caractéristiques similaires et typiques. La peau était carbonisée et les tissus extrêmement abimés tandis que les os donnaient l’impression d’avoir été sciés.

Mohsen Ibrahim a été blessé par éclats d’obus provenant d’un missile israélien qui a atterri dans une zone très peuplée où se trouve la ferme Abed Rabbo au nord de la Bande de Gaza. « J’étais en train d’écouter la radio chez moi lorsque des tirs d’éclats d’obus ont pénétré le mur de ma maison et ont touché ma jambe, nécessitant une amputation immédiate », confie-t-il à al-Monitor.

Le docteur Ayman al-Sahbani, un chirurgien qui a eu affaire à des douzaines de cas similaires à l’hôpital al-Shifa, explique que « les docteurs sont obligés d’amputer des parties du corps des blessés, car le traitement de ces blessures est difficile et menace parfois la vie des blessés. »

Le docteur Sahbani explique à al-Monitor que les marques et blessures sur les corps des morts et des blessés confirment l’utilisation des explosifs DIME par l’armée israélienne. « L’armée israélienne a de toute évidence utilisé des explosifs DIME car certains corps sont arrivés à l’hôpital amputés avec une odeur particulière. Nous avons traité des blessures qui ne peuvent pas cicatriser », ajoute-t-il.

“En plus de l’utilisation des explosifs DIME que nous avons établie, nous avons remarqué d’autres indices qui prouvent l’emploi d’autres armes mortelles que nous devons encore identifier. Nous avons reçu des corps avec des blessures étranges, certaines carbonisées tandis que d’autres ont été exposées à des éclats d’obus. Certains corps sont même arrivés à l’hôpital décapités, et d’autres étaient écrasés comme si un énorme rocher leur était tombé dessus », dit-il.

Le docteur Sahbani constate que lui et les autres chirurgiens n’ont jamais vu de telles blessures, notant que la plupart des personnes hospitalisées souffrent de blessures d’extrême gravité, conduisant soit à la mort, soit à un handicap à vie.

Le jeune Muhanna Abu Amara est alité à l’hôpital Al-Shifa en attendant de connaître son sort. Sa main a été grièvement blessée lors d’une attaque aérienne sur le quartier de Shajaiya à l’Est de Gaza, et les médecins le suivent avec attention.

« Les docteurs m’ont dit que les blessures ne réagissent pas au traitement et s’empirent au fur et à mesure, ce qui exigerait une amputation prochaine. L’amputation est nécessaire pour me sauver la vie », dit-il à al-Monitor.

A la conférence de presse, le docteur Fosse explique : « Nous étions là lors des deux dernières guerres contra la bande de Gaza. Nous avons vu des blessures similaires, et les analyses des laboratoires internationaux confirment qu’Israël a utilisé ce type d’armes interdites internationalement. »

Cette affirmation a été confirmée par le rapport Goldstone publié par une mission d’enquête des Nations Unis après la guerre de 2009. Ce rapport concluait que les armes DIME ont été utilisées par les forces israéliennes. D’après l’article 907 du rapport, « les armes de type DIME sont constituées d’une enveloppe de fibre de carbone, remplie avec un mélange homogène d’un matériel explosif et de petites particules, à base de poudre, d’un métal lourd, comme par exemple un alliage de tungstène. La poudre de tungstène propulse à distance tout ce qu’elle frappe. L’impact de telles armes cause en général de graves blessures. »

Le Directeur Général du Ministère de la Santé Palestinien, Medhat Abbas, rejoint les déclarations du Docteur Fosse, disant qu’ « il y a des preuves évidentes de l’utilisation par Israël des armes de type DIME interdites au niveau international ».

Abbas raconte à Al-Monitor : « Lors de la guerre [de 2008-2009], nous avons envoyé des échantillons des corps des victimes à des laboratoires internationaux, qui ont confirmé l’utilisation des armes de type DIME. Durant la guerre actuelle, nous trouvons que les marques laissées sur les corps des victimes correspondent à 100% aux marques sur les corps de la guerre précédente. Cela confirme médicalement que les armes utilisées sont bien de type DIME. »

Il ajoute que « parmi les blessures confirmant l’utilisation des explosifs DIME, il y avait des brûlures de deuxième et troisième degré et des pertes des membres supérieurs et inférieurs. La réaction clinique des corps blessés au traitement est incompréhensible. Par exemple, alors que les blessures sont censées cicatriser avec la prise d’antibiotiques, elles s’étendent mettant en jeu la vie des blessés. »

La Convention sur l’interdiction et la limitation de l’emploi de certaines armes classiques, ratifiée par l’Assemblée Générale des Nations Unis en Octobre 1980 interdit « l’utilisation dans les conflits armés, des armes, projectiles, matériels et méthodes de guerre qui sont de nature à causer des blessures et des souffrances inutiles ».

Imad Al-Gharbawi, un médecin volontaire, relate à Al-Monitor l’expérience de retirer les corps des morts et blessés des décombres de leurs maisons : « les corps se détachaient dans nos mains quand on les déplaçait des décombres, et de leurs brûlures et blessures se dégageait une odeur étrange et inconnue ».

Dans un rapport publié en février 2009 à propos des armes de type DIME, Amnesty International notait : « s’il était déterminé que de telles armes causent des blessures et des souffrances inutiles, ou si elles violent les clauses du Protocole des fragments non détectables (Protocole 1 de la convention des armes classiques) du 10 octobre 1980, alors, leur utilisation même contre des combattants, et pas seulement les civiles, serait interdite. »

Rami Abdo, le directeur du réseau euro-méditérannéen des droits de l’Homme, dit à Al-Monitor : « à partir des témoignages des docteurs sur l’utilisation des armes DIME, les blessures trouvées sur les corps des morts et des blessés confirment que l’utilisation de ces armes, en particulier dans les quartiers densément peuplés, contredit l’article 32 de la 4ème Convention de Genève ». Il rappelle aussi que « l’article 147 de la convention considère ces actes comme une violation sérieuse [de cette interdiction] ».

L’article 32 de la Convention de Genève interdit « de prendre de quelconques mesures visant à causer la souffrance physique ou l’extermination des personnes protégées [dans les mains des parties en conflit] ».

Abbas constate que des efforts sont faits pour prouver l’usage d’autres armes lors de l’attaque sur Gaza, expliquant que « le personnel médical est actuellement en train de mener différents tests en laboratoires sur des échantillons des corps des victimes afin de découvrir quels sont les autres types d’armes létales utilisés contre eux, et lancer un appel aux Nations Unis pour former une commission d’enquête sur l’emploi par Israël de ces armes et munitions interdites ».

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* Rasha Abou Jalal est écrivain et journaliste à Gaza, spécialisée dans les nouvelles politiques, les questions humanitaires et sociales liées à l’actualité.

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12 août 2014 - Al-Monitor - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.al-monitor.com/pulse/ori...
Traduction : Info-Palestine.eu - Julie C.