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« Papa, y a-t-il des avions de guerre au-dessus de nos têtes ? »
mercredi 20 août 2014 - Rami Almeghari
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Un garçon Palestinien assis sur les décombres d’une mosquée de la ville de Gaza, détruite par un bombardement aérien israélien, le 15 août 2014 - Photo : APA/Ezz Zanoun

Si les enfants de Gaza utilisent ce mot, c’est parce qu’ils l’ont trop souvent entendu.

Depuis plus d’un mois, Mohamed et des centaines de milliers d’enfants de Gaza ont été enfermés et bloqués chez eux, regardant à la télévision les scènes montrant des hommes, des femmes et des enfants Palestiniens déchiquetés. Les chanceux n’ont pas eu à voir ces images macabres de leurs propres yeux, et les plus chanceux n’ont pas fini assassinés comme les 448 autres enfants.

Des dizaines de milliers d’enfants ont été obligés de fuir avec leurs familles à la recherche d’un refuge temporaire – comme nous l’avons fait pendant un certain temps – chez des proches, ou dans des douzaines d’écoles gérées par l’UNRWA, l’Agence onusienne pour les réfugiés Palestiniens.

Lorsque nous nous sommes réunis pour prendre le petit-déjeuner, Mohamed a pris place à côté de moi sur la table et m’a dit : « L’Allemagne va faire un don de 11 millions d’euros pour Gaza. » Honnêtement, j’étais surpris de l’entendre rapporter une telle information ; il n’a que huit ans.

Plus tard, Mohamed m’a accompagné à une mosquée limitrophe pour le prêche et la prière du vendredi. Sur le chemin, il m’a demandé : « Y a-t-il des avions de guerre au-dessus de nos têtes ? Je me suis penché pour lui caresser la tête et en souriant je l’ai rassuré : « Ne t’inquiète pas, c’est la trêve. »

En effet, une trêve temporaire entre Israël et les groupes de résistance palestiniens a été renouvelée jeudi soir pour cinq autres jours et ce, afin de laisser le temps aux négociations indirectes du Caire de parvenir à un cessez-le-feu permanent.

Nous avons fait quelques pas avant que le bruit d’un drone israélien ne retentisse. « Hé, il y a une zananeh, » s’est exclamé Mohamed qui prononce le terme utilisé par les Palestiniens de Gaza pour désigner l’avion israélien sans pilote qui plane constamment au-dessus de nos têtes. Nous avons poursuivi notre route et avons assisté au prêche.

Explosions et drones

Au début de l’actuelle offensive israélienne sur Gaza qui a coïncidé avec le commencement du jeûne chez les Musulmans pendant le mois de Ramadan, Mohamed m’accompagnait à la mosquée alors que les bruits des explosions nous entouraient et les drones nous survolaient.

Ce vendredi, à la sortie de la mosquée, nous avons entendu un bruit qui ressemble à l’explosion d’une bombe. Mohamed m’a regardé et m’a dit : « Hé, il y a un bombardement. » J’ai souri et je lui ai répondu : « Non mon fils, ce n’est pas un bombardement. »

Sur le chemin de retour à la maison, Mohamed m’a dit : « Chaque deux ans, la guerre revient. Nous sommes en 2014 et en 2012, il y avait aussi une autre guerre. » Pour rappel, Mohamed n’était qu’un bambin durant l’assaut massif mené par Israël à la fin de l’année 2008.

Pendant qu’il parlait, je contemplais mon enfant que la vie a contraint de devenir un homme mûr. J’ai pensé à cette génération d’enfants issus des attaques israéliennes et qui, à un si jeune âge, n’ont vu et vécu que dans la peur et la violence.

Comme le vendredi est une journée de repos à Gaza, nous avons envisagé, à l’instar de toutes les familles, d’avoir un repas spécial. Le moment venu pour se mettre à table, Mohamed a posé un poste radio sur ses genoux, placé ses écouteurs et a commencé à suivre les informations.

« Papa, » s’écrie-t-il, « un véhicule de l’ONU vient d’être touché par des tirs. »

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Mon fils Mohamed, concentré avec sa radio - Photo : Rami Almeghari

En fait, il s’agit d’un incident survenu en Cisjordanie, et non pas à Gaza. Mais de toutes les façons, Mohamed était concentré sur les nouvelles, guettant la reprise, d’un moment à l’autre, des attaques. Il n’a bougé de sa place que quelques minutes plus tard pour me demander quelques shekels pour aller acheter des piles pour sa radio.

Tout en retirant le couvercle en plastique pour ôter les piles, Mohamed a noté que durant la récente guerre de 2012, l’alimentation en électricité était meilleure : « Maintenant, nous n’avons droit qu’à une alimentation de trois à six heures chaque jour. »

Un été dominé par l’horreur

Au moment où j’écris ce journal, je pense à tous les enfants de l’ensemble de la Bande de Gaza.

Leurs vacances scolaires ont commencé au début du mois de juillet. Mais pour ces enfants, il n’a pas été question de vacances mais plutôt d’un climat où ils se sont trouvés, malgré eux, dans une peur et une horreur indescriptibles et sans cesse renouvelées.

La nouvelle année scolaire devrait commencer début septembre. Mohamed passera en troisième année après avoir obtenu d’excellentes notes l’année dernière.

« Si la guerre se poursuit, l’école n’ouvrira probablement ses portes qu’au mois de décembre, » estime Mohamed au moment où tout le monde s’est mis à table pour déjeuner.

A Gaza, nous vivons au jour le jour, où l’incertitude domine tout, notamment l’avenir de chaque enfant.

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* Rami Almeghari est journaliste de la presse (écrite, en ligne et radio) et conférencier universitaire dans la bande de Gaza. C’est aussi un ancien traducteur d’anglais et rédacteur en chef du Centre de Presse Internationale du Service d’Information Palestinien basé à Gaza. Son courriel : rami_almeghari@hotmail.com.

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16 août 2014 - The Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article en anglais à :
http://electronicintifada.net/conte...
Traduction : Info-Palestine.eu - Niha