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Gaza : la levée du blocus concrétisera la victoire de la Résistance
mardi 19 août 2014 - Sayyed Hassan Nasrallah

Al-Akhbar publie l’interview en plusieurs parties. Dans cette section, l’entretien a particulièrement porté sur la récente guerre israélienne contre Gaza.

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Sayyed Hassan Nasrallah, Secrétaire-général du mouvement Hezbollah, la résistance libanaise

Dans quelle mesure la guerre à Gaza en 2014 vous a-t-elle surpris, d’autant plus que le Hezbollah était prudent dans les premiers jours [de la guerre], du point de vue de sa position et de sa communication. Y avait-il une crainte que la Résistance ne soit attirée dans un piège ?

Si les développements en Palestine étaient attendus ? Non, mais ils n’étaient pas étonnants non plus. Les choses vous surprennent si elles se produisent hors de leur contexte. Il est clair que ce sont les Israéliens, pas la Résistance, qui ont poussé les choses dans ce sens depuis l’enlèvement des trois colons. Le comportement des Israéliens n’étaient pas le comportement de quelqu’un qui recherche des personnes qui auraient été enlevées. Sous le prétexte de la recherche des trois colons, ils ont fait tout ce qu’ils pouvaient en Cisjordanie pour supprimer le Hamas, le Jihad islamique, le Front populaire et tout ce qui a à voir avec l’encadrement de la Résistance. Puis il y a eu une escalade et je suis plus proche de l’idée que l’évolution a pris alors une dynamique propre, et les Israéliens sont allés de l’avant comme l’a fait la Résistance, et jusqu’à la guerre, sans que quiconque l’ait vraiment décidé. Certains, malheureusement, ont accusé la Résistance d’avoir voulu la guerre pour renforcer son rôle politique ou ressusciter l’axe turco-qatari des Frères musulmans. Je ne vois pas les choses ainsi.

Les Israéliens, qui surveillent de près l’évolution et les transformations de la région, n’étaient pas pressés d’aller à la guerre. Mais quand les événements ont commencé à s’enchaîner, une opportunité et une menace se présentaient. Les Israéliens voulaient profiter de l’opportunité et la Résistance a voulu se confronter à cette menace et tenter de la transformer en opportunité. C’est ainsi que nous comprenons ce qui s’est passé. La partie israélienne a pensé : puisque nous sommes maintenant dans la guerre, nous pourrions tout aussi bien tirer profit de cette opportunité. D’autant plus que la bande de Gaza est en état de siège, le monde arabe est déchiré, l’accent est mis est ailleurs sur les affaires régionales et internationales et les préoccupations des peuples arabes sont aussi ailleurs... Dans les premiers jours de la guerre, Israël a frappé tous les objectifs dont ils avaient connaissance. Cependant, des roquettes ont continué d’être lancées à partir de la bande de Gaza. C’est pourquoi Israël se retrouve face à un gros problème. Quant à la Résistance, elle décidé d’utiliser cette guerre qui lui a été imposée comme une occasion d’obtenir la levée du siège. Il est évident que la Résistance n’est pas à la recherche d’une victoire symbolique pour maintenir le moral, ou d’un moyen de sauver la face. Elle est plutôt à la recherche d’un véritable exploit, à savoir, la levée du siège, même s’il s’avère coûteux.

Il s’agit d’un point de force de la Résistance, d’abord, parce que c’est le souhait de toutes les factions de la Résistance dans la bande de Gaza et d’autre part, parce qu’il y a une réelle volonté populaire sur la question de la levée du siège. Peut-être que les gens sont en désaccord avec le Hamas sur des questions comme la gestion de la bande de Gaza, le pouvoir et le gouvernement, et les factions peuvent être en désaccord sur leurs positions concernant des événements régionaux, mais la question de la levée du siège est une demande populaire unanime pour tous les habitants de Gaza.

Il s’agit de notre compréhension de la nature de la bataille. C’est pourquoi quand un cessez-le-feu et une trêve ont été proposés au début, il y avait un consensus entre les factions de la Résistance de ne pas accepter l’offre sans la levée du siège. Dès le début de la guerre, c’était le but de la Résistance. Les Israéliens, à mon avis, étaient bloqués et ils ont vraiment voulu tirer les leçons des erreurs de la guerre (la guerre de 2006 contre le Liban). Dès le début de la guerre à Gaza, début juillet, la guerre de juillet 2006 au Liban était présente dans les médias israéliens.

Pensez-vous que les objectifs de l’ennemi étaient plutôt modestes ?

C’est l’une des leçons de la guerre de juillet 2006. Les Israéliens ont essayé de tirer les leçons de cette guerre, mais sans y parvenir. C’est pourquoi ils ne précisaient pas un objectif. J’ai suivi la guerre depuis le début, et leur objectif ne m’apparaissait pas clairement. Il n’y a pas de mot définitif officiel à ce sujet. On parle de renverser le régime du Hamas, ou alors de désarmement de la Résistance, ou d’arrêter les tirs de roquettes, ou d’arrêter la contrebande, ou d’arrêter la fabrication de roquettes, ou de détruire les tunnels. Même sur la question des deux prisonniers, ils n’en tiennent pas trop compte parce qu’ils savent qu’ils ne pourront pas les récupérer sans négociations et sans y mettre le prix. Ils n’aboutiront pas sur cette question par la pression politique ou militaire.

Les Israéliens se sont mis dans une situation difficile. Peut-être pensaient-ils que la Résistance n’avait pas la volonté de tenir et que le peuple [palestinien] ne serait pas capable de supporter ce niveau de sacrifice. Je crois que l’ennemi pensait, comme Shimon Peres l’a fait dans l’invasion du sud-Liban de 1996, que le stock de roquettes de la Résistance s’épuiserait. Ensuite, ils auraient affirmer avoir stoppé les fusées sans avoir rien concédé aux Palestiniens. Mais leurs calculs se sont avérés faux.

Avez-vous reçu de la part des Palestiniens, une demande d’intervention directe ?

Frère Moussa (Abou Marzouk) en avait parlé. Mais personne parmi les autres organisations ne nous en a parlé et je pense qu’elles comprennent [notre position].

Est-ce que la demande [d’Abou Marzouk] reflète la véritable position du Hamas ?

Si cela avait été une demande déterminante, elle aurait été discutée au sein des cercles fermés, pas dans les médias. Les lignes de communication entre nous et le Hamas n’ont jamais été rompues, même pendant la période où il a été dit que notre relation avait régressé. Il existe des lignes de communication et il y a toujours des contacts. Lui-même ou un autre des dirigeants du Hamas aurait pu nous demander de discuter de la question. Mais faire état de cela dans les médias, à mon avis, pose des questions et je n’ai pas trouvé cela opportun. Je ne veux pas faire trop d’analyse, car ce qui compte, ce sont les bonnes intentions et la compréhension. Peut-être estimait-il la situation difficile et il a donc eu cette idée, mais une question de cette importance et de cette gravité ne devrait pas être discutée dans les médias. C’est pourquoi nous n’avons pas réagi à cette sollicitation via la presse, parce que cette question - s’il y a un intérêt à intervenir directement ou non - doit être discutée entre nous.

Avez-vous parlé avec le Hamas de cette question ?

Non.

Vous n’avez pas discuté de cette question ?

Nous sommes toujours en contact, mais nous n’avons pas parlé de cette question et eux-mêmes ne l’ont pas fait.

À votre avis, de combien de temps la guerre de Gaza a-t-elle retardé la prochaine guerre israélienne contre le Liban ?

Je peux dire qu’elle est retardée, mais je ne peux pas dire de combien de temps. Parce qu’on ne sait pas dans quelles circonstances et quelles conditions les Israéliens lanceront une guerre, s’ils veulent la faire. Après la guerre de juillet 2006 et les leçons qu’ils en ont tirées, les Israéliens supposent que toute guerre future doit conduire à une victoire rapide, décisive et évidente. Dans la guerre de juillet 2006, tout le monde a dit qu’Israël a été vaincu, mais certains pourraient prétendre le contraire. C’est ce qui s’est passé récemment, lorsque certains ont prétendu découvrir qu’ils ont gagné parce que le front au Sud-Liban n’a pas été ouvert, même si ce front n’a pas été ouvert pendant l’Intifada après 2000, ou au cours de l’opération Cast Lead en 2008 ou la guerre de huit jours en novembre 2012.

Depuis la guerre de juillet 2006, Israël insiste sur le fait que la victoire dans une guerre contre le Liban doit tout d’abord être rapide. Il ne peut pas perdre beaucoup de temps et ne veut pas voir une invasion se transformer en une guerre d’usure et de bombardements des villes. Deuxièmement, une victoire devrait être décisive, pas limitée ou temporaire et la guerre devrait atteindre tous les objectifs, et non des objectifs modestes. Troisièmement, le résultat doit être clair et sans ambiguïté. Car toute guerre future va être beaucoup plus difficile pour ce qui est de ses objectifs et de la capacité de la Résistance - ses capacités en roquettes et ses capacités dans tous les domaines. L’ennemi ne peut résister à une guerre d’usure. Nous voyons Israël aujourd’hui sous pression, même si le nombre de roquettes tirées depuis Gaza sur Tel Aviv et d’autres régions est assez limité. Ils parlent de l’efficacité de l’Iron Dome, mais c’est discutable parce que le Iron Dome semble en mesure d’intercepter un nombre réduit de roquettes, mais il sera face à un véritable problème quand il y aura un grand nombre de roquettes.

Israël a travaillé dur pour tirer les leçons de la guerre de juillet 2006 en termes de formation et d’équipement, et il a essayé de mettre en œuvre dans la bande de Gaza ce qu’il a appris. Il imagine avoir comblé toutes les lacunes, sans mentionner le fait qu’il dispose d’une masse de renseignements sur Gaza. Mais ils n’ont pas réussi et ce sont eux qui disent cela, pas nous. Alors, quand ils échouent dans leur confrontation avec la bande de Gaza - qui est assiégée et dont les capacités sont connues - il est certain qu’ils doivent sérieusement reconsidérer leurs calculs. Je crois que les choses sont différentes après la guerre de Gaza de ce qu’elles étaient auparavant.

Quel est votre conseil au peuple palestinien et à la Résistance à Gaza ?

De conserver leurs convictions, leur volonté et leur culture. Quand un être humain se voit donner deux choix, soit se rendre, soit lutter, il n’y a pas d’hésitation entre la lutte et l’humiliation. La culture de la Résistance et le choix de la Résistance se sont fortifiés dans le peuple palestinien parce que celui-ci n’a pas d’autre option. Les Palestiniens ont essayé [avec] les négociations et ils ont attendu assez longtemps pour que les situations régionales et internationales évoluent. En ce qui concerne l’Égypte, une occasion en or s’est présentée pour Gaza et toute la cause palestinienne, mais elle a été rapidement perdue. Pour les gens qui vivent dans la bande de Gaza, quel choix ont-ils ? Soit résister, soit céder aux conditions israéliennes, soit se jeter à la mer, soit immigrer et rejoindre les camps de réfugiés. Je pense qu’après toutes ces expériences, les Palestiniens n’ont pas d’autre choix que celui qui est le leur aujourd’hui. Il n’y a aucune autre option dans ce cas, en ce sens que si un être humain se soucie de sa dignité, de sa survie et de son existence, il a recours à cette solution [la Résistance]. Il y a des peuples qui se rendent... Mais les habitants de Gaza ont pris la décision de ne pas se rendre et de supporter les conséquences de cette décision, même si cela s’avère coûteux. Ils ont confiance dans la Résistance et ils savent que le chemin de la Résistance peut donner des résultats. Ce sont la raison et la logique - pas des slogans - qui disent qu’ils doivent se battre.

Manifestement, il y a un problème entre l’Axe de la résistance et les dirigeants égyptiens. La question ne concerne pas seulement le Hamas. Comment considérez-vous la position du gouvernement d’al-Sisi en ce qui concerne l’assaut sur ​​Gaza et la pression exercée sur la Résistance ?

Je veux reprendre les mots de l’un des chefs de la résistance palestinienne, qui disait que le problème du territoire de Gaza, c’est qu’il est pris entre un problème de confiance avec Israël d’une part - un problème fondamental et substantiel - et entre les deux axes de l’autre, l’axe qatari-turc et l’axe égypto-saoudo-émiratie. Les raisons de cette division sont compréhensibles et bien connues, mais malheureusement, c’est une division forte et choquante à un moment où elle devrait être résolue d’une manière ou d’une autre. Nous, par exemple, après des consultations avec les frères dans les factions palestiniennes et les frères en Iran, avons proposé aux Iraniens d’entrer en contact avec les Turcs, les Qataris, les Égyptiens et les Saoudiens, même si c’est par l’intermédiaire des Émirats Arabes Unis ou de l’Oman. En ce qui concerne l’axe de la Résistance, nous ne sommes pas préoccupés de marquer des points ou d’exploiter le mouvement de résistance pour des raisons internes et régionales. Il y a un objectif fondamental, qui est d’arrêter la guerre contre Gaza et d’imposer la levée du siège. Quand il y a des affrontements, la priorité est que les gens se parlent entre eux. Mais au milieu de ces événements, la position égyptienne, par exemple, était si problématique que le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a attaqué personnellement le président égyptien Abdel Fattah al-Sisi. Même la position du Qatar envers l’Égypte, par l’intermédiaire d’Al-Jazeera, a été négative. Si vous voulez aider la bande de Gaza, alors il faut parler avec l’Égypte. Les Palestiniens eux-mêmes disent que toute solution ou tout compromis est impossible sans l’Égypte. Ceci nécessite que les deux axes concurrents attribuent la priorité à la bande de Gaza, avant toutes les autres discussions et tous les conflits, ce qui n’a pas vraiment eu lieu pour l’instant.

Comment voyez-vous votre relation avec le Hamas dans l’avenir, non seulement en tant que parti politique, mais aussi du point de vue de l’Iran et de la Syrie, surtout après la guerre de Gaza ?

Même avant la guerre de Gaza, nous n’étions pas d’accord sur la Syrie, mais les réunions et les contacts n’ont jamais été interrompus. Tout est resté normal.

Et le soutien ?

De toute évidence, notre situation dans son ensemble a été affectée par les événements en Syrie, en Irak et dans la région. Sur la question syrienne, dans toutes les réunions que nous avons eues, le souci a toujours été de comprendre leur position et de leur faire comprendre la nôtre, même si nous n’étions pas d’accord sur l’évaluation de ce qui se passe. Nous avons eu de nombreuses discussions autour de cette question. Bien sûr, la situation à Gaza redéfinit les priorités afin que nous puissions communiquer et coopérer de façon plus efficace. Cela va approfondir la relation entre le Hezbollah et le Hamas, comme entre le Hamas et la République islamique [l’Iran]. La question syrienne est différente, plus complexe, et elle nécessite plus de temps. Elle est soumise à des évolutions régionales et il n’y a pas de perspectives claires dans un avenir prévisible.

Allons-nous entrer à Jérusalem ?

Je n’en ai aucun doute.

Aujourd’hui, le public se demande ce que nous avons à faire avec la Palestine et pourquoi nous devrions libérer Jérusalem ?

Le plus grand risque auquel nous sommes confrontés aujourd’hui, que ce soit avec le public libanais ou arabe, c’est d’arriver à un point où les gens de la région considèrent l’existence d’Israël comme normale. Que ce pays ne constitue pas une menace pour la région et les peuples de la région et que, si c’est un problème, c’en est un pour le peuple palestinien et non pour les autres... Cela a à voir avec la politique, la sécurité et l’économie. Tout d’abord, Israël est une entité illégitime et une menace pour la région. C’est une menace constante pour l’ensemble de la région. Nous ne pouvons pas coexister avec cette menace, c’est pourquoi l’objectif ultime de la nation [arabe et islamique] est de mettre fin à l’existence d’Israël, indépendamment des problèmes, des sensibilités et tout ce qui s’est passé et qui pourrait se produire entre les Palestiniens et les non-Palestiniens, entre chiites et sunnites, entre musulmans et chrétiens. Toutes les querelles, les sensibilités, les conflits et les luttes ne doivent pas éradiquer la culture qui dit Israël est un cancer, un mal absolu et un danger pour les peuples et les gouvernements de la région comme pour leur dignité et les lieux saints. Par conséquent, le but ultime doit être de s’en débarrasser.

[Les Israéliens] veulent nous amener au point [où nous nous battons les uns contre les autres et oublions Israël]. Il y a des moments où ils y parviennent, mais nous ne devrions jamais arriver à ce point. Cela peut être le cas si nous ne parlons que politique, économie, sécurité, armées, environnement et ainsi de suite. Si nous parlons d’un point de vue idéologique, cette question ne devrait pas être sujette à débat. Quand il s’agit de questions idéologiques, l’espace et les sentiments populaires se concentrent. Les gens confirment alors qu’ils ont une position idéologique sur Israël et qu’elle ne change pas, que l’on soit en bons termes ou non avec les Palestiniens.

Donc en ce qui concerne le Hezbollah, sa relation au conflit avec Israël - même en ce qui concerne les réalités sur le terrain à l’intérieur de la Palestine - n’est pas l’objet de débat.

14 août 2014 - Al-Akhbar - Vous pouvez consulter cet article à :
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Traduction : Info-Palestine.eu - Al-Mukhtar