Un fragment de missile de 20 cm extrait du corps d’une fillette de quinze ans le 15 juillet à Gaza. (Photo : Samar Abu Elouf)

En temps de guerre, les Palestiniens luttent pour avoir leur chance, tout en regardant de loin la violence et l’oppression israéliennes. Voici l’histoire d’un de ces Palestiniens.

Le parcours de Mohammed

C’est un juriste de 27 ans issu du quartier Chejaya à Gaza, ce quartier qui a subi un massacre à l’aube du 20 juillet, tuant plus de 70 Palestiniens. Mohammed décrit Gaza comme un beau pays de plus de 1.700.000 habitants, selon les chiffres de l’ONU. Au fil des années, les gens de Gaza sont devenus une même famille unie, endurant des sanctions continuelles , l’oppression d’Israël, et les guerres. Pour les gens de Gaza, chaque mort est ressentie comme la perte d’un de leurs proches, et la peine est au-delà des mots.

Mohammed a étudié le droit aux Emirats Arabes Unis (EAU) grâce à une bourse et il a obtenu son diplôme en tête de sa classe. Il espérait trouver la possibilité de travailler pour se construire une vie à Gaza après être rentré à la maison, mais il y a trouvé peu d’espoir de stabilité dans une économie paralysée.

Il a donc quitté Gaza au début de 2014 dans le but de travailler à Amman, en Jordanie. Après avoir passé deux mois à l’aéroport du Caire dans l’attente de son visa pour la Jordanie, il est arrivé à Amman et y a travaillé trois mois dans un cabinet juridique jordanien, sans salaire.

Début juin, son visa expirait et le cabinet refusa de faire la démarche de lui demander un visa de travail. Il était obligé de retourner à Gaza. Il a pris l’avion pour Le Caire afin de pouvoir rentrer à Gaza par le passage de Rafah, mais celui-ci était fermé. Après avoir passé sept jours à attendre que l’Egypte rouvre la frontière, il n’a pas pu entrer à Gaza. Il a donc tenté de passer en Egypte, mais les autorités égyptiennes lui ont refusé l’entrée. Il a été expulsé à Amman, ville d’où il avait pris un vol pour Le Caire, et la Jordanie lui a refusé l’entrée en lui refusant un visa.

Mohammed reçut l’ordre de quitter immédiatement la Jordanie puisqu’il était sans visa et il prit l’avion pour Dubaï dans le but d’entrer aux EAU. Une fois de plus, l’accès au pays lui fut refusé puisqu’il n’avait pas de visa.

Après avoir passé 20 jours dans l’aéroport de Dubaï sans plus aucun argent, un de ses contacts personnels fit une demande de visa touristique pour lui par l’intermédiaire d’une compagnie de Dubaï. Il put enfin quitter l’aéroport et séjourner dans le pays, mais pas plus de 30 jours. A nouveau il était tout à fait sans argent et face à un avenir incertain.

Mohammed a passé le mois de Ramadan en vivant parmi les travailleurs migrants à Ras Al-Khaimmeh. Le mois dernier, il a travaillé avec un contact pour pouvoir demander un visa de travail.

Une firme commerciale basée à Dubaï lui a offert un boulot de conseiller juridique et a fait la démarche pour obtenir son visa de travail : le visa lui fut refusé. Motif du refus : sa citoyenneté palestinienne.

Une histoire palestinienne ordinaire

L’histoire de Mohammed est une histoire tragique dont on ignore la fin. L’histoire d’un jeune homme qui s’efforce de trouver stabilité et sécurité dans sa vie, mais ne rencontre que des obstacles sur son chemin ; à cause de sa nationalité palestinienne.

Son parcours est encore plus tragique en ces temps de guerre. Il n’est qu’un des nombreux exemples de ces victimes oubliées de l’oppression et de l’occupation israéliennes de la Palestine et de son peuple.

Les Palestiniens appartiennent à un pays qui n’est pas reconnu par certains membres de la communauté internationale, un pays sous occupation. Les Palestiniens sont constamment rejetés d’un pays à l’autre.

Il y a un peu plus d’une semaine j’ai entendu parler de l’histoire de Mohammed et je l’ai rapidement communiquée à un solide réseau d’amis en Jordanie et dans les EAU, la plupart étant des Palestiniens de la diaspora. Aucun de nous n’a été choqué d’apprendre ce parcours. Chacun a voulu aider Mohammed et s’est démené pour trouver des fonds et l’aider à supporter sa transition, tout en le mettant en contact avec des gens dans les EAU pour obtenir un travail ou juste un endroit où dormir.

Beaucoup de victimes indirectes, comme Mohammed, de l’opération Bordure Protectrice, ne sont pas à Gaza. Mohammed observe de loin comment Gaza est détruite et les rues de son enfance, anéanties. Il regarde le massacre par les Forces israéliennes et il a des contacts avec ses amis et sa famille là-bas. Fils de Gazaoui, ses appels chez lui l’emplissent de colère, de douleur et de frustration quand il entend parler des atrocités d’Israël et des pertes civiles dont tant d’enfants qui n’ont jamais eu l’occasion de vivre.

Chejaya, le quartier de Mohammad AbudlKarim Al-Qassass à Gaza, dévasté par la barbarie sioniste.

Mohammed a quitté sa maison et sa famille dans les premiers mois de l’année sans savoir qu’il ne pourrait rentrer chez lui et qu’il ne reverrait jamais certains membres de sa famille. L’opération Bordure Protectrice lui a enlevé beaucoup de parents et d’amis, y compris des enfants en bas âge.

Quand il essaie de se représenter son avenir personnel, il est de plus en plus frustré : « Je veux juste mes droits en tant qu’être humain ! ». « Comment un avocat peut-il défendre les droits des gens si moi-même je n’ai pas mes propres droits ! ». Mohammed se demande seulement où il en sera dans un mois. Il demande quel crime il a commis pour être ainsi rejeté par d’autres pays. Tout ce qu’il veut, c’est une chance de vivre.

* Alaa’ Odeh est basée à Washington où elle dirige « HADAF : From Passion to Progress », une association non lucrative pour le développement social et économique dans des zones MENA (Moyen-Orient et Afrique du Nord) peu développées . Elle travaille sur plusieurs projets en Cisjordanie et à Gaza. Twitter : @alaaodeh05