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Chronique d’une défaite annoncée
mercredi 23 juillet 2014 - Ali Abunimah
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Dimanche 20 juillet, pas moins de treize soldats des troupes d’occupation ont été abattus par le résistance palestinienne - Photo : AFP

Si la victoire militaire et la force devaient se mesurer dans le nombre de civils, notamment des enfants, que l’armée peut délibérément cibler et abattre avec des machines sophistiquées, alors il ne fait aucun doute qu’Israël est en train de gagner la guerre contre Gaza et qu’il a toujours été le vainqueur en Palestine.

Mais même si Israël continue de tuer impitoyablement des civils au moment où j’écris ces lignes, l’État sioniste a déjà, en termes politiques et stratégiques, perdu la « guerre » qu’il a lancée contre la bande de Gaza sous le prétexte fallacieux de stopper les tirs de roquettes.

Comme je l’ai déjà dit à plusieurs reprises, et comme les faits le démontrent, le moyen le plus simple et le plus éprouvé pour Israël de ne pas recevoir de roquettes depuis la bande de Gaza, c’est de ne pas attaquer les Palestiniens dans le territoire assiégé.

La défaite d’Israël dans la bande de Gaza sera aussi importante que sa défaite au Liban en 2006 - où il avait également « gagné » en termes de massacre de civils : 1200 au total, dont un tiers étaient des enfants.

Le Liban est devenu hors de portée

Pendant des décennies, lorsque les dirigeants israéliens avait besoin de faire grimper leur popularité ou de créer une distraction, ils attaquaient ou envahissaient le Liban, tuant des civils palestiniens et libanais en toute impunité.

En raison d’une résistance farouche à laquelle Israël ne s’attendait pas, l’armée israélienne a perdu 121 soldats lors de son invasion de 34 jours du Liban l’été 2006.

Depuis cette douloureuse leçon, même un Premier ministre israélien aussi stupide que Benjamin Netanyahu n’a pas envie de revivre l’expérience de son prédécesseur Ehud Olmert.

Mais avec un Liban maintenant hors de portée, Gaza est devenu une échappatoire commode pour Israël pour étancher sa soif de sang, avec des massacres répétés en 2006 (pendant la guerre du Liban !), l’hiver 2008-2009, en novembre 2012 et aujourd’hui.

Tous ces massacres ont été commis contre une population incarcérée dans une prison à ciel ouvert et pratiquement coupée du monde extérieur.

Israël a jugé qu’il pouvait bombarder Gaza depuis l’air et même si la résistance peut tirer des roquettes en représailles, celles-ci ne représentent guère plus que des coups d’épingle.

Ce n’est que lorsque de larges barrages de fusées sont tirés dans le contexte d’un assaut massif israélien comme celui d’aujourd’hui, que des roquettes envoyées à partir de Gaza peuvent causer plus de dégâts, mais très peu physiquement et avant tout sur les plans économique et psychologique.

Avec le présent massacre, à nouveau Israël a préféré une inutile effusion de sang alors qu’il aurait pu avoir la « sécurité » en s’en tenant à l’accord de cessez-le-feu qu’il avait signé en novembre 2012 et qui comprenait l’obligation de lever le siège.

Gaza se défend

La principale menace « dissuasive » d’Israël a toujours été une invasion terrestre de Gaza. Un moyen de dissuasion est souvent plus efficace comme menace que comme réalité. S’il est utilisé et s’avère être un bluff, il ne fonctionne plus.

Maintenant Israël est entré dans la bande de Gaza, et les Israéliens sont choqués par l’ampleur des pertes qu’ils subissent.

Israël a jusqu’à présent admis 27 soldats morts en seulement quatre jours d’opérations au sol. C’est un taux de pertes par jour supérieur à ce qu’il a subi au Liban.

Si Netanyahu avait su que ce serait le prix à payer, il n’aurait probablement pas lancé ce massacre insensé et criminel à Gaza.

Les Brigades Ezzedeen Al-Qassam, l’aile militaire du Hamas, s’est avérée capable, tenace et ingénieuse, engageant les Israéliens dans un combat féroce à l’intérieur de la bande de Gaza et portant la guerre à l’intérieur même du territoire israélien.

Ceci n’est pas une vue de l’esprit, et les officiers israéliens le reconnaissent eux-mêmes, comme Anshel Pfeffer l’a rapporté dans Haaretz :

Un officier, un vétéran des opérations de Gaza, qui a quitté la zone de combat pour quelques heures, a déclaré à Haaretz : « Je suis allé à Shujaiyeh auparavant, mais je ne l’ai jamais vu - le Hamas - comme ça avant. Ses armes et ses tactiques sont comme celles du Hezbollah. Des caches pour missiles et des engins explosifs improvisés partout - et [les combattants] restent sur place et se battent au lieu de disparaître comme dans le passé ».

Ils restent et se battent parce que, contrairement à Israël, les Palestiniens de Gaza n’ont pas le choix, pas d’alternative, pas de possibilité de revenir à la situation de mort lente sous un siège paralysant.

Pourquoi n’y a-t-il pas eu de cessez-le-feu ?

Maintenant la question est : pourquoi n’y a-t-il pas encore eu de cessez-le-feu ? Le dimanche soir, après que le Conseil de sécurité se soit réuni, l’ambassadrice américaine à l’ONU a tweeté ces exigences :

Je viens de sortir de la session du Conseil de sécurité sur la bande de Gaza. Pour mettre fin à la violence, nous avons besoin d’un cessez-le-feu sans conditions préalables. Il faut exhorter les pays à appuyer la proposition de l’Égypte - 21 juillet, 5:51

Un cessez-le-feu à Gaza nous permettrait de répondre aux besoins humanitaires urgents et aux questions sous-jacentes. Il faut travailler à quitter ce chemin dangereux et à rétablir le calme - 21 juillet, 5:53

Soyons clairs : la demande palestinienne de mettre fin au siège n’est pas une « condition préalable » et ce n’est pas une demande politique. C’est un droit humanitaire de base.

Maintenant, le problème pour Israël, les États-Unis et leurs alliés arabes, en particulier la dictature d’al-Sisi en Égypte, est la suivante : ils savent que plus le temps va passer, plus cette « guerre » va empirer pour Israël.

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Funérailles des membres de la famille Abou Jami. Au moins 23 d’entre eux ont été tués quand Israël a bombardé leur maison à Khan Younis, le 21 juillet 2014 - Photo : APA/Ezz al-Zanoun

Mais ils ne veulent pas concéder à la résistance palestinienne une victoire. À présent Power, au nom des États-Unis et d’Israël, place un des droits humanitaires les plus élémentaires comme quelue chose de négociable et de déraisonnable en parlant de « conditions préalables. » Ce faisant, elle soutient le génocide commis par Israël dans la bande de Gaza.

Les Palestiniens ont toujours eu et doivent compter sur des alternatives et ne pas escompter de compassion de la part de Samantha Power et de son patron, le président américain Barack Obama.

Ils résistent avec ténacité sur le terrain, comme c’est leur droit, et à l’échelle mondiale se développe un mouvement de plus en plus conscient que Israël continuera à commettre ses massacres en toute impunité jusqu’à ce que nous le stoppions.

Le prix, en vies humaines innocentes, à cause de notre incapacité à arrêter les pogroms répétés d’Israël est tellement énorme et catastrophique.... Comme je l’ai écrit après le massacre de 2008-2009, Israël ne pourra jamais imposer de légitimité en bombardant comme il le fait. Mais ses bombes continuent de tuer, encore et toujours.

C’est notre devoir à l’égard de tous ceux dont la vie a été volée par Israël.

Un embargo sur les armes dès maintenant !

Boycott ! Désinvestissement ! Sanctions !

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* Ali Abunimah est l’auteur de The Battle for Justice in Palestine. Il a contribué à The Goldstone Report : The Legacy of the Landmark Investigation of the Gaza Conflict. Il est le cofondateur de la publication en ligne The Electronic Intifada et consultant politique auprès de Al-Shabaka, The Palestinian Policy Network.

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21 juillet 2014 - The Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article à :
http://electronicintifada.net/blogs...
Traduction : Info-Palestine.eu - Al-Mukhtar