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L’inaction d’Abbas exaspère le Hamas
lundi 14 juillet 2014 - Adnan Abu Amer
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Un garçon sauve ce qui reste d’un fauteuil roulant, dans les décombres de l’association caritative où deux femmes handicapées ont été tuées par un missile israélien. Samedi Israël a ciblé cinq centres caritatifs dans la bande de Gaza [Mohammed Salem/Reuters]

Les autorités du Hamas ont sermonné le Fatah pour avoir participé à une conférence sur la paix à Tel Aviv pendant qu’étaient perpétrées les attaques contre Gaza.

Mais la guerre à Gaza a rallumé le différend entre Fatah et Hamas. Au pire moment du bombardement israélien sur Gaza à l’aube du 8 juillet, le Président de l’Autorité Palestinienne Mahmoud Abbas surprenait les Palestiniens en prononçant un discours à une conférence sur la paix organisée par le quotidien israélien Haaretz. Le public comprenait un grand nombre de militants pacifistes, des journalistes et des économistes, israéliens et internationaux.

Abbas a participé à cette conférence bien alors qu’elle était boycottée par le négociateur en chef Saeb Erekat et par l’homme d’affaires Munib al-Masri vu la gravité de la situation à Gaza et le respect dû à sa population.

Il n’a rien fait

Un haut fonctionnaire à Ramallah a révélé au Monitor que certains dirigeants du Fatah « avaient demandé à Abbas de ne pas participer à la conférence israélienne parce que le peuple pourrait l’interpréter comme un manque d’intérêt pour le massacre en cours dans la bande de Gaza. Quand il a insisté pour y participer, nous lui avons demandé de parler de ce qui se passe à Gaza et de demander aux personnalités internationales participant à la conférence d’intervenir auprès du gouvernement israélien pour faire cesser l’attaque, mais il n’en a rien fait ».

Le Hamas également a critiqué la participation d’Abbas à la conférence qui coïncidait avec la guerre d’Israël contre Gaza. Dans une interview accordée au Monitor, le porte-parole du Hamas, Sami Abu Zuhri, a demandé à Abbas « de ne pas participer à la conférence parce qu’elle offense les sentiments du peuple palestinien et donne à Israël une occasion de soigner son image après … ses crimes odieux ».

Le discours enregistré d’Abbas, retransmis aux participants à la conférence à Tel Aviv, n’a fait qu’accroître l’indignation du Hamas.

Un cadre du Hamas à l’étranger a écouté le discours et a déclaré au Monitor regretter que « le discours ne contienne pas la moindre référence à l’agression israélienne en cours à Gaza, ne mentionnait pas les enfants massacrés et n’utilisait pas cette occasion de la présence d’éminentes personnalités israéliennes et internationales à la conférence pour menacer d’en appeler à d’autres organisations internationales pour confronter Israël et le dissuader d’agresser Gaza, Jérusalem et la Cisjordanie ».

« Le discours d’Abbas n’a fait qu’augmenter son isolement par rapport aux Palestiniens. Il a choisi d’être loin de son peuple alors même que la guerre de Gaza lui offrait une occasion en or de restaurer l’unité avec le Hamas et de surmonter les récentes crises qui ont suivi la réconciliation. Mais il a préférer gagner en image dans l’opinion publique, aux dépens du soutien populaire des Palestiniens » ajoute-t-il.

Le haut fonctionnaire du Hamas Yahya Moussa, président du Comité de surveillance au Conseil Législatif Palestinien, s’est montré plus sévère. Le 9 juillet, il a demandé à Abbas via Facebook de présenter sa démission et de remettre la direction à la résistance, parce que celle-ci est la seule représentante légitime du peuple palestinien. Ce faisant, il laverait sa honte et rachèterait ses fautes pour le siège de Gaza, sa persécution de la résistance et sa coordination sécuritaire avec Israël ».

Le choix de notre peuple : résister

Le porte-parole du Hamas Husam Badran a appelé la direction du Fatah à se distancier de l’approche politicienne et sécuritaire adoptée par le Président de l’AP en Cisjordanie. Il a dit : « Ceci est peut-être la dernière chance du Fatah pour corriger sa position et rejoindre le choix de notre peuple, un choix qui se base sur le projet de résister ».

Mais un fonctionnaire palestinien à Ramallah a rejeté la critique d’Abbas par le Hamas. Dans une interview téléphonique au Monitor, il a déclaré : « Le président n’est pas obligé d’adopter des positions de propagande qui jouent sur les sentiments de citoyens mais qui ne produisent pas de résultats politiques pour arrêter la machine de guerre israélienne à Gaza … [Abbas] ira devant toutes les organisations internationales pour faire cesser l’agression contre Gaza. Il a été en contact avec des acteurs régionaux et internationaux ces derniers jours pour s’efforcer de faire durer la trêve et arrêter l’escalade militaire ».

Abbas a prononcé un discours télévisé le soir du 9 juillet, dans lequel il appelait à mettre fin à l’agression sur Gaza et à l’unité du gouvernement pour pourvoir aux besoins humanitaires de la population de Gaza.

Le chef du bureau politique du Hamas, Khaled Meshaal, a improvisé un coup de téléphone à Abbas le soir du 6 juillet, quelques heures avant le début de l’offensive israélienne sur Gaza. Ils ont discuté des derniers développements en territoire palestinien à la lumière de l’escalade israélienne.

Al-Monitor a appris par des proches du Hamas que certains dirigeantsi n’avaient guère apprécié le coup de fil à Abbas car ils « souhaitaient laisser Abbas isolé après sa prise de position négative concernant l’opération de Hébron et sa déclaration sur le caractère ’sacré’ de la coordination sécuritaire avec Israël et parce qu’il avait attendu avant d’adopter une position nationale concernant l’agression contre Gaza ».

Il est intéressant de noter que la position d’Abbas sur Gaza a été accueillie avec mécontentement non seulement par le Hamas mais aussi par l’ancien ministre Hassan Asfour, un proche de l’ancien homme fort du Fatah Mohammed Dahlan , rival et ennemi juré d’Abbas.

Asfour écrit dans un article sur son site d’information « Amad » que la position d’Abbas vis-à-vis de l’escalade israélienne à Gaza est un scandale politique absolu qu’il compare à la défaite du Brésil devant l’Allemagne sur son propre terrain à la Coupe du Monde. Asfour écrit qu’Abbas n’a ni réagi ni pris position quand Israël a lancé sa guerre contre Gaza et qu’il n’a même pas modifié son agenda quotidien.

Le Hamas dénonce aussi la couverture de la guerre de Gaza par les médias affiliés à l’AP. Un organe officiel du Hamas s’exprimant sous le couvert de l’anonymat a dit au Monitor : « La couverture de la guerre de Gaza par la radio et la télévision palestiniennes très proches d’Abbas a été défaillante, amenant beaucoup de Palestiniens à accuser la corporation d’être partiale au profit d’Israël. Il y a beaucoup de mouvements de boycott contre elle parce que pendant que les tueries avaient lieu à Gaza, elle a continué de diffuser ses programmes de chansons de danse, de cuisine et de jeux. C’est un comportement lamentable et un non-respect pour le sang versé à Gaza. Honte à l’administration et aux dirigeants de la corporation. Il faut qu’ils rendent des comptes ».

Les deux précédentes guerres à Gaza en 2008 et en 2012 avaient affecté négativement les relations déjà tendues entre Hamas et Fatah. Ces offensives se produisaient en pleine division palestinienne. Cette guerre-ci éclate juste après la réconciliation. La guerre de 2014 va-t-elle renforcer le consensus national ou élargir le fossé ?

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* Adnan Abu Amer est doyen de la Faculté des Arts et responsable de la Section Presse et Information à Al Oumma Open University Education, ainsi que Professeur spécialisé sur l’Histoire de la question palestinienne, la sécurité nationale, les sciences politiques et la civilisation islamique. Il a publié un certain nombre d’ouvrages et d’articles sur l’histoire contemporaine de la Palestine.

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10 juillet, 2014 - Al-Monitor - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.al-monitor.com/pulse/ori...
Traduction : [Info-Palestine.eu]->/spip.php ?article14704 - AMM