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Quand les dirigeants palestiniens vont-ils changer de tactique ?
samedi 12 juillet 2014 - Samah Sabawi
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Un petit garçon palestinien s’arrête à un stand de jouets installé devant un mur couvert de graffitis faisant référence à la branche armée du mouvement Hamas - Photo : AFP

Alors que l’armée de l’air israélienne sème la mort et la destruction sur Gaza, et que les manifestations de rage des Palestiniens explosent dans villes et les camps de Cisjordanie ainsi qu’à l’intérieur de frontières de 1948 d’Israël, un éditorial figurant dans Haaretz et écrit par le président de l’Autorité palestinienne révèle clairement que le fossé entre le peuple palestinien et ses dirigeants ne pouvait être plus large.

Mahmoud Abbas commence par rappeler que 26 ans ont passé depuis que les Palestiniens ont approuvé la solution à deux États, en concédant 78% de leur patrie historique, en acceptant d’avoir un État palestinien sur ce qui reste de la Palestine à l’intérieur des frontières de 1967. Abbas termine son développement en assurant Israël qu’il reste « totalement engagé à la vision d’une solution à deux États, la normalisation et la paix avec notre voisin - Israël ».

Abbas sait que pour que les Palestiniens et les Israéliens soeint voisins il doit y avoir deux États indépendants, la Palestine et Israël, et tous deux avec des frontières clairement définies. Ce n’est plus possible, étant donné les faits imposés sur le terrain par Israël. Israël n’a pas l’intention de vivre en voisin, il prévoit de continuer à exister sur toute la Palestine, l’écrasant, la privant de son oxygène, expulsant sa population autochtone tout en lui volant ses ressources naturelles.

Palestiniens ne sont pas comme Abbas voudrait l’imaginer, les voisins d’Israël. Les Palestiniens sont une population vivant sous occupation, captive d’Israël et qu’ils en ont assez. Ils aspirent à un soulèvement et construisent leur résistance avec ou sans l’Autorité palestinienne [AP].

L’assassinat brutal de l’adolescent palestinien Mohammed Abu Khdeir, enlevé, torturé et brûlé vif par trois Israéliens après avoir été forcé à boire de l’essence, est le principal élément déclencheur de l’insurrection que nous voyons aujourd’hui. Des milliers de gens sont venus à la tente de deuil d’Abu Khdeir tandis que des dizaines de milliers ont défilé en suivant ses funérailles.

Son destin a saisi l’imagination des Palestiniens et a une nouvelle fois exposé la brutalité et la nature vengeresse d’Israël. L’assassinat d’Abu Khdeir est survenu au milieu de plusieurs autres tentatives d’enlèvements d’enfants palestiniens par des colons israéliens, ainsi qu’au milieu des attaques israéliennes contre les Palestiniens dans les autobus et dans les rues.

Alors que les apologistes d’Israël ont tenté de justifier ces attaques en affirmant qu’ils sont une réponse directe à l’enlèvement et l’assassinat de trois adolescents israéliens le 12 juin dernier, la réalité est que Palestiniens affrontent la mort et la destruction face à Israël sur une base quotidienne depuis des décennies et ces faits ne sont que rarement relévés. Selon les statistiques du ministère de l’Information à Ramallah, 1518 enfants palestiniens ont été tués par les forces d’occupation israéliennes entre septembre 2000 et avril 2013. Cela signifie que pour les 13 dernières années, un enfant palestinien a été tué par les forces israéliennes tous les trois jours.

Titubant dans la bande de Gaza

Même si le Hamas - qui souvent ne craint pas de revendiquer se responsabilités - a nié son implication dans l’enlèvement des adolescents israéliens, le gouvernement israélien a affirmé sans aucune preuve tangible, que le Hamas en était le responsable. Cela a donné à Israël le prétexte pour effectuer des centaines d’enlèvements. Revenant sur un accord avec Abbas pour la libération de prisonniers palestiniens, Israël aa kidnappé des prisonniers récemment libérés, y compris les députés du Hamas, donnant une fois de plus la preuve que les « gains » réalisés à la table des négociations étaient facilement réversibles par Israël. Cette nouvelle a miné l’Autorité palestinienne et son engagement dans les négociations.

La volonté par Israël de tenir le Hamas responsable abouti à ce à quoi nous assistons aujourd’hui : une agression militaire israélienne à grande échelle sur la population assiégée et piégée dans la bande de Gaza. La situation à Gaza est devenue insoutenable à la fois pour la population et pour la direction politique du Hamas. L’isolement du Hamas après un siège de sept ans et la chute des Frères musulmans en Égypte a forcé celui-ci à opter pour une réconciliation avec l’Autorité palestinienne.

Cependant, la pression israélienne sur l’AP et l’échec de l’AP à faire face aux difficultés économiques des employés palestiniens à Gaza, avec le problème explosif des salaires des fonctionnaires nommés par le gouvernement du Hamas, ont torpillé la possibilité d’une véritable réconciliation et d’une direction unifiée pour le peuple palestinien.

De quoi les Palestiniens ont-ils besoin ?

Abbas écrit dans son éditorial dans Haaretz que la négociation peut être un outil puissant pour apporter la paix, mais il fait l’hypothèse erronée que les négociations avec Israël ont échoué parce qu’Israël n’avait pas « un objectif déclaré et des critères connus ». Si quelque chose est établi, c’est qu’Israël a refusé de définir ses frontières et a utilisé les négociations comme une couverture pour son expansion agressive de colonisation. en réalité, le principal obstacle empêchant les Palestiniens d’aboutir dans leurs efforts de négociation est d’abord et avant tout l’absence d’effet de levier chaque fois qu’ils sont venus à la table des négociations.

Abbas cite le droit international en permanence lorsque l’on parle des droits des Palestiniens, mais citer le droit international est une chose, tandis que poursuivre activement sa mise en œuvre en dénonçant les crimes de guerre d’Israël devant la cour internationale de justice en est une autre. Avoir la justice du côté palestinien n’est pas suffisant pour contraindre Israël à changer ses politiques brutales et racistes. Ce qui est nécessaire, ce sont des tactiques qui peuvent servir à engendrer des pressions, une forte pression internationale, pouvant forcer Israël à envisager de changer le cours de sa politique.

Ce dont les Palestiniens ont besoin aujourd’hui, c’est d’une direction unifiée qui n’est pas axée sur le maintien de la sécurité avec Israël, mais sur la contestation de la légitimité des actions israéliennes devant la Cour internationale de Justice. Ce qui est nécessaire, c’est une direction qui soit en mesure de soutenir la résistance populaire palestinienne interne et de lancer des appels de solidarité au niveau international, pour le boycott, les désinvestissements et les sanctions (mouvement BDS) afin de tirer parti de l’appui diplomatique.

Comme l’a dit Albert Einstein, la définition de la folie, c’est toujours répéter encore et encore la même expériences et espérer des résultats différents. Mahmoud Abbas ne peut pas continuer à agir toujours de la même façon, tout en attendant que son peuple puisse croire que cela apportera des résultats différents. Les Palestiniens sont dans les rues et ils appellent à la résistance active.

Ils sont face aux soldats israéliens de l’occupation. Ils contestent la soumission qui a été imposée sur le territoire palestinien occupé depuis des années. Ils se rebellent contre la « paix économique » d’Israël, tout en exigeant une paix fondée sur la liberté, la justice et l’égalité pour tous. Ils appellent au boycott, aux désinvestissements et aux sanctions. Quand la direction palestinienne changera-t-elle ses tactiques éculées pour se joindre à eux ?

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* Samah Sabawi est dramaturge, poète, analyste politique, et milite pour les droits de l’Homme. Elle a écrit et produit les pièces « Cries from the Land » et « Three Wishes », saluées par la critique, et co-écrit le livre « Journey to Peace in Palestine ». Elle est également conseillère en politique pour Al Shabaka, le réseau de la politique palestinienne.

De la même auteure :

- La Nakba prendra fin lorsque les dirigeants palestiniens tireront les leçons de l’Histoire - 30 mai 2014

9 juillet 2014 - Middle East Eye - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.middleeasteye.net/column...
Traduction : Info-Palestine.eu - Naguib