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Selon les dirigeants du Hamas, la réconciliation ne remplace pas la « résistance »
samedi 14 juin 2014 - Adnan Abu Amer
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Geste esquissé par l’un des principaux dirigeants du Hamas, Ismaïl Haniyeh, en quittant son bureau à Gaza suite à sa démission du poste de Premier ministre du gouvernement du Hamas, le 2 juin 2014 - Photo : Reuters/Suhaib Salem

La popularité du Hamas a connu des hauts et des bas depuis son accession au pouvoir en 2006. Ces fluctuations sont liées à son incapacité à répondre à bon nombre de demandes des Palestiniens de la bande de Gaza, étant donné le blocus imposé par Israël et l’Égypte et la réduction des salaires des fonctionnaires.

La popularité du Hamas s’est en revanche remarquablement améliorée en Cisjordanie. En témoignent les funérailles d’un certain nombre de ses combattants dont les corps avaient été remis par Israël le 23 mai.

L’ampleur des manifestations ayant eu lieu au cours des funérailles marquent officiellement le retour du Hamas en Cisjordanie et sa présence dans ses parties centrales, où flottait son drapeau vert.

Cependant, le Palestinian Center for Policy and Survey Research (PSR) a indiqué que, selon un sondage publié fin mars, la popularité globale du Hamas est en déclin.
Un représentant du Hamas à Gaza a déclaré à Al-Monitor, sous couvert d’anonymat, que « le Hamas réalise que l’opinion publique a été affectée par la dure réalité [du] conflit entre le Hamas et le Fatah à Gaza – alors que la précarité économique perdure depuis des années – et par les déclarations trompeuses des médias à l’encontre du Hamas. Ceci a entraîné un basculement de l’opinion publique, [et] d’autres partis ont été privilégiés alors que la popularité [du Hamas] a décliné. Par conséquent, le Hamas doit désormais élaborer un large programme médiatique, caritatif, public et social afin d’être en mesure de continuer à communiquer avec le public ».

Ahmed Yousef, ancien conseiller du dirigeant du Hamas, Ismaïl Haniyeh, s’est montré le plus audacieux en évaluant les performances du Hamas juste avant que ses dirigeants ne quittent le gouvernement. Il a posé les questions suivantes : « Les dirigeants du Hamas ont-ils pris l’initiative de se promener incognito sur les marchés ou dans les rues des camps pour entendre la souffrance du peuple ? Ses ministres se sont-ils rendus dans les centres de distribution de l’aide alimentaire de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies (UNWRA) pour observer des Palestiniens abattus se ruer pour recevoir un paquet de farine ? Ont-ils passé du temps avec la jeunesse de Gaza, pour qui la vie n’a plus aucun sens sans emploi ? »

Alors qu’il se retire, le Hamas commence à raviver le discours de résistance et de lutte armée contre Israël.

Le discours le plus véhément concernant la résistance fut celui que le dirigeant du Hamas, Khaled Meshaal, a tenu le 20 mai en menaçant Israël de « libérer la Cisjordanie comme Gaza l’a été », précisant que « le Hamas poursuit Israël jusque dans ses principaux bastions ».

Yahya Moussa, directeur du comité de surveillance du Conseil législatif, a déclaré à Al-Monitor que « le Hamas a choisi la réconciliation afin de relancer le projet de résistance de manière stratégique. Le Hamas est préoccupé par la lutte sur le terrain et a besoin d’un consensus national afin d’éviter toute confrontation avec l’Autorité palestinienne (AP) en Cisjordanie ».

Al-Monitor a demandé au dirigeant anonyme du Hamas si cela signifiait que le Hamas allait reprendre son escalade militaire à l’encontre d’Israël immédiatement après s’être retiré du gouvernement. « Le Hamas a énormément gagné en popularité grâce à la résistance, synonyme de nombreux sacrifices et d’augmentation de sa popularité, même si celle-ci a décliné ces dernières années car le mouvement n’est pas parvenu à répondre aux besoins quotidiens du peuple. Pourtant, les deux guerres dans lesquelles le Hamas était impliqué à Gaza en 2008 et 2012 ont permis à sa popularité d’atteindre des niveaux inégalés ».

Ceci a été confirmé par un sondage réalisé par le Jerusalem Media and Communication Center (JMCC) à la fin de la guerre en 2012, qui indique une augmentation de 10 % du taux d’approbation du Hamas par le public.

Khaled Meshaal et Ismaïl Haniyeh, qui ont démissionné du gouvernement du Hamas le 2 juin à Gaza, ont tous deux souligné que « la réconciliation avec le Fatah ne remplace pas la résistance ».

Le Hamas est désormais convaincu d’être libre de toute obligation gouvernementale de courtoisie liée à la réconciliation. Ainsi, toute confrontation avec Israël n’entraînerait pas de sanction globale pour les Palestiniens. Le Hamas doit intensifier la résistance pour réparer les dégâts infligés à sa popularité ces dernières années.
Ces convictions ont commencé à trouver écho dans l’éternel débat relatif à la nécessité de la libération des prisonniers des prisons israéliennes, l’intensification de la résistance en Cisjordanie et les déclarations de Fathi Hamad, ministre de l’Intérieur et de la Sécurité nationale du gouvernement du Hamas. Ce dernier a déclaré : « la doctrine des services de sécurité du prochain gouvernement ne doit pas cesser de protéger la résistance et faire appel aux factions pour continuer à frapper Israël jusqu’à la libération ».

Comme l’a déclaré Mousa Abu Marzouk, directeur adjoint du Bureau politique du mouvement, lors d’une interview avec Al-Monitor, le Hamas garde également un œil sur les élections législatives à venir.

Selon Mohsen Saleh, directeur de l’Al-Zaytouna Centre for Studies and Consultations, « le Hamas est confronté à un dilemme pour les prochaines élections. Si le mouvement les remporte, il lui faudra à nouveau porter le fardeau du gouvernement. Dans le cas contraire, il perdra sa légitimité populaire, perdra [le contrôle de] Gaza et deviendra minoritaire au sein de l’opposition. Si il perturbe les élections, le mouvement subira le blocus de Gaza, perdra sa popularité et sera accusé de troubler la réconciliation ».

Cependant, le responsable des organisations caritatives à Gaza a déclaré à Al-Monitor que « si le Hamas souhaite prendre part aux élections, il devra augmenter les services fournis aux Palestiniens, par exemple en distribuant des aides aux individus dans le besoin, en communiquant avec le public plutôt que d’éviter le dialogue, et en menant des activités publiques ».

« La crise financière du Hamas l’empêchera d’assumer ses responsabilités envers les électeurs, ce qui affectera sa popularité. Il doit regagner en popularité grâce à ses associations de service afin de participer aux élections ». Il ajoute que « le Hamas a de nombreuses obligations envers les différents segments de la société, notamment les plus pauvres ».

Lors d’une interview pour Al-Monitor, l’un des membres du Comité électoral du Hamas a déclaré : « la prochaine étape sera marquée par une compétition électorale sévère. Le Hamas doit présenter des faits au public et éviter d’adopter une politique de défense désespérée pour justifier ses erreurs, en prenant en compte l’occupation et le blocus ».

Malgré les craintes du Hamas concernant le déclin de sa popularité à Gaza, le nombre d’électeurs enregistrés en Cisjordanie s’élevait à 1 090 575 contre 770 636 à Gaza, selon la Commission électorale centrale. Ainsi, le Hamas espère gagner davantage de voix en Cisjordanie pour compenser des pertes potentielles à Gaza.
L’un des représentants du Hamas a déclaré à Al-Monitor que « ces chiffres montrent l’influence négative du comportement de l’AP sur la popularité du Fatah, qui pourrait faire pencher la balance en faveur du Hamas qui obtiendrait davantage de voix en Cisjordanie ».

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* Adnan Abu Amer est doyen de la Faculté des Arts et responsable de la Section Presse et Information à Al Oumma Open University Education, ainsi que Professeur spécialisé sur l’Histoire de la question palestinienne, la sécurité nationale, les sciences politiques et la civilisation islamique. Il a publié un certain nombre d’ouvrages et d’articles sur l’histoire contemporaine de la Palestine.

Du même auteur :

- Khaled Meshaal insiste sur « les concessions » faites dans l’accord de réconciliation - 1e juin 2014
- Les Brigades al-Qassam refusent de désarmer - 6 mai 2014
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- Marwan Barghouthi : « Le plan de paix arabe nuit à la cause palestinienne » - 12 juin 2013

2 juillet 2014 - Al-Monitor - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.al-monitor.com/pulse/ori...
Traduction : Info-Palestine.eu - Claire L.