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La Nakba prendra fin lorsque les dirigeants palestiniens tireront les leçons de l’Histoire
vendredi 30 mai 2014 - Samah Sabawi
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Prise avant 1937 au cours du mandat britannique en Palestine, cette photo montre des Arabes palestiniens qui manifestent contre l’immigration juive en Palestine dans la vieille ville de Jérusalem - AFP

Alors que les Palestiniens résistent depuis presque un siècle à l’épuration ethnique qui a lieu en Palestine, différents gouvernements palestiniens consécutifs ont fait confiance à la diplomatie et fait les yeux doux aux puissances occidentales, à la communauté internationale et à la Ligue arabe pour les délivrer de l’occupation et apporter une solution équitable au conflit. Ceci est stupéfiant si l’on considère qu’Israël, à l’origine de la spoliation du peuple palestinien, est un projet colonial occidental qui n’existerait pas sans le soutien de ces mêmes états occidentaux puissants et la complicité de la communauté internationale.

Lorsque la Palestine est passée sous le régime britannique, la première unité militaire juive est entrée dans Jérusalem en 1918 aux côtés du général Allenby, commandant de l’expédition britannique visant à conquérir la région. Ces évènements se sont déroulés un an après que le Cabinet britannique se soit engagé à établir un foyer pour les Juifs en Palestine lors de ce que l’on appelle aujourd’hui la Déclaration Balfour. Au cours de son mandat, la Grande-Bretagne a fourni des efforts logistiques importants pour tenir cette promesse, en augmentant l’immigration juive, en permettant aux milices juives de disposer d’une armée et en adoptant littéralement des centaines de lois visant à permettre aux Juifs de prendre le contrôle des territoires palestiniens.

Cependant, au début des années 20, certains Palestiniens ont commencé à réaliser que les sionistes cherchaient à prendre le contrôle de leur pays. Ils ont donc commencé à organiser la résistance sur le terrain, notamment sous forme de désobéissance civile, grèves et manifestations, alors que leurs dirigeants politiques mettaient en place une stratégie qu’ils semblent continuer à appliquer systématiquement jusqu’à aujourd’hui, à savoir l’envoi de délégations à Londres pour discuter de la question palestinienne. Ils ont cherché de l’aide auprès de leurs camarades arabes et tenté de conserver des liens amicaux avec la Grande-Bretagne tout en essayant de lutter contre la violence et l’agressivité croissantes des forces sionistes.

Les dirigeants palestiniens ont poursuivi leurs efforts diplomatiques infructueux, tandis que la Grande-Bretagne continuait d’accroître l’immigration juive et d’autoriser la militarisation des violentes milices sionistes, qui ont utilisé de plus en plus de tactiques terroristes visant à pousser les Palestiniens à quitter leurs villes et leurs villages. Pendant ce temps, la Grande-Bretagne a surveillé de près et réprimé la résistance palestinienne en anéantissant brutalement toute forme de rébellion, allant même jusqu’à faire usage de la force et à tuer ou mutiler de nombreux Palestiniens. Même au cours de cette période cruciale, les dirigeants palestiniens ont continué à croire qu’ils gagneraient davantage à négocier, considérant que la révolution n’était pas une solution. En réalité, ils pensaient que leur peuple n’était pas assez fort pour résister sur le terrain, ce qu’ils continuent de prétendre aujourd’hui, malgré l’incroyable persistance de la résistance pacifique dans des villes comme Nileen et Bileen, qui repose sur la puissante tradition palestinienne de persévérance, appelée « soumoud ».

Malgré la réponse musclée des forces britanniques et la démonstration de la force du peuple palestinien, les troubles civils ont perduré, et des grèves massives ont eu lieu en 1936 dans toute la Palestine. Les autorités britanniques ont commencé à arrêter les individus soupçonnés d’être impliqués tout en détruisant leurs maisons afin de mettre un terme à la révolte. Elles ont également demandé l’intervention de leurs alliés, les régimes fantoches récemment installés au sein du monde arabe. Les dirigeants arabes ont conseillé aux Palestiniens de mettre un terme aux grèves et aux protestations afin de laisser à la Grande-Bretagne une chance de prouver ses « bonnes intentions ».

Les forces britanniques n’ont ménagé aucun effort pour continuer à étouffer la contestation et à désarmer les Palestiniens. Elles ont recherché des armes sans relâche et détruit les maisons de ceux qui possédaient ne serait-ce qu’une balle. En parallèle, elles ont permis aux sionistes de rassembler des armes et leur ont fourni l’entraînement nécessaire à leur utilisation. La milice terroriste Haganah et les forces britanniques ont collaboré pour attaquer et assassiner des Palestiniens suspectés de participer à l’organisation de la rébellion. À partir de 1939, la résistance palestinienne a perdu son efficacité, ce qui a permis le déroulement de la Nakba en 1948.

Les Palestiniens ont perdu la bataille non pas en 1948 mais à la fin des années 30, lorsque la brutalité absolue des forces britanniques et les décisions désolantes et idiotes des dirigeants palestiniens et arabes ont livré sur un plateau d’argent au mouvement sioniste une Palestine désarmée et dépourvue de gouvernement. Pour le reste, l’histoire ne suit pas simplement son cours, elle se répète.

À la fin de l’année dernière, l’Autorité palestinienne a annoncé que les chances de solution à deux États s’amenuisaient, tout comme l’année précédente et les années antérieures. Le chef des négociateurs palestiniens, Saeb Erekat, admet fièrement qu’il a échoué huit fois, mais il perpétue la tradition des négociations ratées. Les dirigeants palestiniens, l’Autorité palestinienne en Cisjordanie, le Hamas à Gaza et l’Organisation vieillissante de libération de la Palestine continuent d’ignorer l’étendue du pouvoir et de la force du peuple palestinien, tout comme le désir de voir se développer un mouvement de solidarité international avec lui à l’échelle mondiale.

En 2005, lassée du cycle éternel des négociations ratées et inspirée par le mouvement de lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud, la société civile palestinienne a lancé un mouvement populaire pacifique s’appuyant sur les lois internationales et la Déclaration universelle des droits de l’Homme. Elle a appelé les peuples du monde à agir là où les gouvernements n’ont pas réussi à mettre en place une politique de boycotts, désinvestissement et sanctions contre Israël jusqu’à ce qu’il mette un terme à l’occupation des territoires palestiniens, y compris Jérusalem-Est, qu’il remplisse les obligations prévues par les lois internationales envers les réfugiés palestiniens et garantisse une équité totale aux citoyens palestiniens de l’État d’Israël. Cet appel a été soutenu par 170 partis politiques, organisations, syndicats et mouvements palestiniens représentant les Palestiniens des territoires occupés à l’intérieur des frontières israéliennes de 1948 mais aussi au sein de la diaspora, faisant du mouvement Boycott, désinvestissement et sanctions (BDS) à l’encontre d’Israël le porte-parole de la majeure partie de la société civile palestinienne.

Il est temps désormais pour les dirigeants palestiniens de rompre le cycle de la dépendance envers une stratégie inefficace et éternelle de diplomatie et de négociations et de commencer à soutenir les formes de résistance populaires, y compris l’appel au boycott total d’Israël. Ils doivent tirer des leçons des évènements du siècle dernier afin que nous puissions un jour commencer enfin à célébrer la liberté plutôt que de continuer à commémorer la spoliation.

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* Samah Sabawi est dramaturge, poète, analyste politique, et milite pour les droits de l’Homme. Elle a écrit et produit les pièces « Cries from the Land » et « Three Wishes », saluées par la critique, et co-écrit le livre « Journey to Peace in Palestine ». Elle est également conseillère en politique pour Al Shabaka, le réseau de la politique palestinienne.

13 mai 2014 - Middle East Eye - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.middleeasteye.net/column...
Traduction : Info-Palestine.eu - Claire L.