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Quelle « destruction d’Israël » ?
dimanche 4 mai 2014 - John V. Whitbeck
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Khaled Mechaal, réélu dirigeant du Hamas le 1er avril 2012. Brillant orateur, ancien professeur de physique, réchappé in extremis d’un tentative d’assassinat par le Mossad : un homme aux multiples vies.

Quand le gouvernement israélien, en réponse à la menace d’une réconciliation et d’une unité potentielle palestinienne, a suspendu les « négociations » avec l’Organisation de Libération de la Palestine, le 24 avril dernier (cinq jours avant le terme contraignant non modifiable), le bureau du Premier Ministre Benjamin Netanyahou a publié une déclaration disant : « Au lieu de choisir la paix, Abou Mazen [le Président de l’Autorité Palestinienne Mahmoud Abbas] a conclu une alliance avec une organisation terroriste meurtrière qui appelle à la destruction d’Israël ».

Au cours d’une série d’apparitions dans les médias, Netanyahou a martelé de façon répétée ce thème de la « destruction d’Israël », manière d’accuser la Palestine de l’échec prévisible de la dernière session du « processus de paix » apparemment perpétuel.

L’extrême subjectivité de l’épithète « terroriste » a été mise en évidence par deux absurdités récentes : d’abord le régime militaire égyptien qualifie l’Association des Frères Musulmans, qui ont remporté toutes les élections égyptiennes depuis le renversement d’Hosni Moubarak, d’organisation « terroriste » ; ensuite les autorités ukrainiennes de facto - puisque arrivées au pouvoir en occupant illégalement les bâtiments du gouvernement à Kiev – étiquettent « terroristes » leurs opposants occupant illégalement des bâtiments gouvernementaux en Ukraine orientale. Dans les deux cas, ceux qui ont renversé des gouvernements démocratiquement élus cataloguent comme terroristes ceux qui réprouvent leur coup d’état.

De plus en plus, il est entendu que le mot « terroriste », qui n’a pas de définition convenue, est tellement subjectif qu’il en est dépourvu de toute signification intrinsèque. Les gouvernements en abusent communément ainsi que d’autres, qui l’appliquent à quiconque ou à n’importe quoi , objet de leur haine, dans l’espoir de diaboliser leurs adversaires. Cela décourage et contourne toute pensée et toute discussion rationnelle et de plus, fournit souvent une excuse à leur conduite illégale et immorale.

L’assertion de Netanyahou comme quoi le Hamas « appelle à la destruction d’Israël » exige elle aussi une analyse rationnelle

Il n’est pas la seule partie coupable à cet égard. Les grands médias occidentaux ont pris l’habitude d’accoler le cliché « voué à la destruction d’Israël » à toute première mention du Hamas, presque comme s’il était censé faire partie intégrante du nom de Hamas.

Dans le monde réel, que veut dire vraiment « destruction d’Israël » ? Le pays ? Le peuple ? Le régime suprémaciste ethno-religieux ?

Il va sans dire que virtuellement tous les Palestiniens – et probablement une partie significative des autochtones amérindiens – souhaitent que leurs colonisateurs étrangers ne soient jamais arrivés dans leurs pays de naissance pour les en chasser et accaparer leurs terres. Certains restent peut-être éveillés la nuit en rêvant qu’ils pourraient, d’une manière ou d’une autre, être capables de remonter le temps ou de changer l’Histoire.

Néanmoins, dans le monde réel, le Hamas n’est absolument pas près d’être en position de faire sombrer le territoire d’Israël sous la Méditerranée, d’exterminer sa population voire de forcer le régime à se transformer en un État démocratique soucieux de l’égalité des droits et de la dignité pour tous. C’est sans doute cette dernière menace – « l’état binational » tellement redouté – que Netanyahou a en tête quand il parle de « destruction d’Israël ».

Dans des buts de propagande, le terme « destruction » a une connotation moins raisonnable et moins désirable que « démocratie », même si on parle de la même chose

Dans le monde réel, bien qu’il soit d’avis que la poursuite de négociations dans le cadre du « processus de paix » monopolisé par les Américains est une perte de temps, le Hamas a expliqué de longue date qu’il ne s’oppose pas à ce que l’OLP tente de parvenir à un accord à deux États avec Israël ; à la seule condition, pour être accepté et respecté par le Hamas, que tout accord conclu devrait nécessairement être soumis au peuple palestinien et approuvé par référendum.

Dans le monde réel, la vision du Hamas (comme la vision du Fatah), d’une coexistence pacifique en Israël-Palestine est bien plus proche du « consensus international » sur ce à quoi devrait ressembler une paix permanente, bien plus proche aussi du droit international et des résolutions de l’ONU sur le sujet – que de la vision israélienne, dans la mesure où on pourrait discerner ce qu’est cette vision israélienne, car aucun gouvernement israélien n’a jamais été capable de révéler publiquement à quoi ressemble en fait sa vision, s’il en existe une dépassant le maintien et la gestion d’un statu quo perdurant indéfiniment.

Comme les visions du Fatah et du Hamas ont convergé ces dernières années, la principale divergence est devenue l’insistance du Hamas (et ce en pleine cohérence avec le droit international et les résolutions onusiennes pertinentes) qu’Israël doit se retirer de tout le territoire de l’État de Palestine. Celui-ci est défini par la résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies du 29 novembre 2012, reconnaissant le statut d’Etat de la Palestine comme « le territoire palestinien occupé depuis 1967 » (y compris, significativement, l’article défini « le » absent de « Retrait des territoires occupés » dans la Résolution 242 - que l’on peut qualifier d’ambiguë – du Conseil de sécurité de l’ONU). Cette insistance du Hamas contraste avec la disponibilité plus flexible du Fatah, qui prend en considération des accords d’échanges de territoires équivalents en taille et en valeur.

Après avoir emporté les dernières élections palestiniennes et après sept années en charge du gouvernement de Gaza dans des circonstances exceptionnellement difficiles, le Hamas est devenu un parti relativement modéré dans l’ordre social, luttant pour contenir des groupes plus radicaux et les empêcher de tirer des missiles artisanaux vers le sud d’Israël – geste symbolique contre-productif que les gouvernements israéliens successifs condamnent en public mais applaudissent en secret (et qu’ils cherchent souvent à susciter en réponse à leur propre violence bien plus mortelle) comme une preuve de la belligérance palestinienne justifiant leur propre intransigeance.

Le slogan « destruction d’Israël » de Netanyahou ne devrait être pris au sérieux ni par les gouvernements occidentaux ni par aucun être pensant. Les grands médias occidentaux tardent beaucoup trop à arrêter de recycler une propagande insensée – et intrinsèquement destructrice - et à adapter leurs comptes-rendus à la réalité.

Les gouvernements occidentaux tardent beaucoup trop à cesser de diaboliser le Hamas, diabolisation qui leur sert d’excuse pour ne rien faire de constructif afin de mettre un terme à une occupation brutale qui dure maintenant depuis près de 47 ans.

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* John V Whitbeck : né en 1946 à New York, juriste international installé à Paris depuis 1976, très impliqué dans toutes les négociations de paix au Proche-Orient auxquelles il participe comme conseiller légal des Palestiniens depuis la conférence de Madrid en 1991. Depuis 1988 ses articles sont publiés dans des dizaines de journaux arabes, israéliens et internationaux.

Du même auteur :

- Le sionisme : un rêve pour antisémites - 6 septembre 2013
- Le sionisme : un rêve pour antisémites - 25 novembre 2009
- Si le Kosovo peut être indépendant, alors pourquoi pas la Palestine ? - 21 février 2008
- Sionisme : sur « le droit d’Israël d’exister » - 1° janvier 2007

29 avril 2014 - Middle East Eye - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.middleeasteye.net/column...
Traduction : Info-Palestine.eu - AMM