Fermer la page
www.info-palestine.net
Gaza : Seulement quatre médecins pour 13 000 malades atteints de cancer
samedi 3 mai 2014 - Amjad Yaghi
JPEG - 53.6 ko
Le 23 avril 2014, des médecins Palestiniens soignent des enfants à la suite d’un raid israélien à Beit Lahia, au nord de la Bande de Gaza - Photo : AFP- Mohammed Abed

D’après une source de Basmat Amal Society for Cancer Care à Gaza, l’Autorité Palestinienne a récemment décidé de réduire le budget alloué au traitement des cancéreux. La source a informé Al-Akhbar que « la décision a été prise par le sous-secrétaire du Ministère de la Santé de Ramallah qui a assuré l’intérim du ministère pendant que le Ministre de la Santé était à l’étranger. Cela s’est produit après que l’association ait examiné les raisons de la réduction du nombre de patients atteints de cancer devant être soignés à l’étranger et de la transmission de ce message avec la façon dont il nous est parvenu. »

Le sous-secrétaire a justifié la réduction du budget alloué au traitement des cancéreux de Gaza par la nécessité « d’atténuer la crise financière du Ministère et d’alléger la charge des coûts de traitement des patients atteints de cancer à Gaza. » Toutefois, pour les malades de la Bande, la décision est une catastrophe.

Et en même temps, à Gaza, les patients n’ont pas accès aux médicaments dont ils ont désespérément besoin pour leur traitement. Même dans des circonstances normales, il y a 45 sortes de traitements de cancer qui ne sont pas disponibles à Gaza. Sans compter que de temps en temps, le Ministère de la Santé de Gaza déclare de graves pénuries de médicaments.

Aya Abdul Rahman est une jeune dame atteinte de cancer du fait de la prise d’hormones de reproduction. Elle avoue que sa maladie est le résultat d’une erreur de la part de son médecin traitant. A 26 ans, la vie sociale et conjugale d’Aya est à présent ruinée « Ma souffrance a commencé lorsque mon médecin traitant m’a prescrit des hormones qui m’ont provoqué sept tumeurs internes. Le médecin n’a jamais voulu admettre qu’il avait commis une erreur. Cependant, je suis aujourd’hui inscrite dans la liste des cancéreux de Gaza. »

Aya ne cache pas son immense frustration quant au traitement auquel elle a eu droit au Ministère de la Santé du Hamas. Partie pour demander un ordre de transfert, le département en question l’a informée que son apparence physique révèle une personne en bon état, et par conséquent, son cas n’est pas considéré comme une priorité pour recevoir un ordre de transfert.

Elle confie : « Je sais qu’il y a beaucoup de patients qui n’obtiennent pas d’ordres de transfert car leurs cas sont désespérés et ils ne présentent aucun espoir de guérison. Moi j’ai besoin de trois phases de traitement de temps à autre, actuellement je n’assiste qu’à une seule. » Elle a également précisé que ses soins programmés dans des hôpitaux israéliens approchent mais les responsables Gazaouis refusent de lui donner l’ordre de transfert qu’il lui faut.

Treize mille patients

Pour tenter d’expliquer la situation, Dr Mohamed Hamdan du département des ressources humaines de l’Association Basmat Amal souligne que le point de vue sociétal des patients de Gaza influe sur la façon avec laquelle ils sont traités.

Il souligne que les malades atteints de cancer coûtent à l’état et à la société énormément d’argent sans qu’il n’y ait le moindre espoir de guérison. « C’est pourquoi, généralement, on ne leur procure pas tous les médicaments. Toutefois, la situation est rendue compliquée du fait que le gouvernement de Gaza croie que son homologue doit assumer les dépenses de traitement des cancéreux. »

Quant au Ministère de la Santé de Gaza, des sources internes révèlent qu’il considère que le Ministère de Ramallah est le principal responsable des transferts concernant les cancéreux et autres malades, alors que le ministère de Gaza ne peut s’immiscer dans ces ordres de transfert. « En plus, certains cas sont rejetés par la partie israélienne. »

S’agissant du taux du cancer dans la Bande de Gaza, le ministère de Gaza a précisé qu’il est encore « dans les moyennes mondiales contrôlées par les organisations internationales spécialisées dans la santé. » Le directeur de l’unité des systèmes d’information de la santé du ministère, Radwan Baroud, a souligné que le taux des cancéreux dans les provinces de la Bande de Gaza est de 81.7 cas pour chaque 100.000 citoyens.

Toutefois, Dr Hamdan a informé Al-Akhbar que « Le Ministère de la Santé de Gaza n’a pas procédé à un sondage statistique pour recenser le nombre des malades atteins de cancer dans la Bande car il manque d’expérience dans ce domaine, néanmoins, l’association Basmat Amal a réussi à s’approcher d’une estimation relative autour de 12.5 mille à 13 mille malades, ce qui représente un chiffre élevé et alarmant, d’autant plus qu’il est appelé à augmenter en l’absence d’une solution en vue. »

Mais la réalité la plus choquante demeure sans doute le nombre de médecins spécialistes à Gaza. En effet, Dr Hamdan précise que la Bande ne compte que quatre oncologues. « En outre, les médecins ne sont pas protégés des certaines familles qui savent pourtant qu’il n’est pas facile de prodiguer des soins à leurs proches. Ainsi, afin d’éviter les pressions exercées par les familles, les médecins préfèrent transférer leurs patients dans des hôpitaux israéliens où ils mourront loin de Gaza. »

« C’est devenu une solution pour protéger et le médecin et le Ministère de la Santé, » argumente-t-il. « Parfois, un malade au stade final est transféré à la dernière minute, alors qu’il aurait été plus judicieux de faire passer en priorité des patients dont la maladie est à ses débuts et qui, par voie de conséquence, nécessitent des soins particuliers. »

Avoir des liens à Gaza ne suffit pas

Aya n’est pas la seule cancéreuse à souffrir du manque de traitement. Khalil Ahmed est père d’un petit garçon de seulement cinq ans, atteint d’un cancer. Il n’a pas souhaité révélé son véritable nom, préférant ce pseudonyme car il dit vouloir que les gouvernements de Gaza et de Ramallah prennent en charge le traitement de son fils.

L’histoire de cet homme a commencé lorsqu’on a diagnostiqué un cancer du cerveau à son fils. Il avait une masse cancéreuse moyenne qui lui donnait des douleurs aiguës. Le père devait soumettre une demande qui est la base des transferts. Il ne savait pas qu’il devait avoir des contacts et des liens afin que se demande aboutisse et grande fut sa surprise en apprenant qu’il devait connaitre des personnes au Ministère de la Santé de Ramallah pour accélérer la réception et la mise en œuvre de la demande de transfert.

Il confie à Al-Akhbar : « Après que j’aie fait appel à mes liens, mon fils est allé une fois pour se faire soigner avec l’espoir d’y retourner. » Et d’ajouter : « J’ai été quelque peu chanceux comparé aux nombreuses personnes qui se retrouvent coincées entre les ministères de Gaza et de Ramallah lorsqu’elles ont besoin d’une signature sur l’un des papiers de leurs demandes. Avoir des liens ici et là-bas a sauvé mon fils du destin réservé aux innombrables patients que je vois agoniser devant mes yeux en attendant leurs ordres de transfert. »

Toutefois, Ahmed reste profondément touché par une remarque qui lui a été faite par un médecin de l’hôpital pédiatrique. Il lui avait dit que toutes ses tentatives de soigner son fils étaient vaines car la mort attend tous les malades atteints de cancer. Il conclut son histoire : « Outre le manque d’établissements de santé à Gaza capables de prendre en charge les cancéreux, ces derniers ne reçoivent aucun traitement correct. Je passe mon temps à courir entre différents laboratoires et à chaque fois, le diagnostic est différent. Je sens comme si mon fils est mort alors qu’il est encore dans mes bras. »

26 avril 2014 – Al Akhbar – Vous pouvez consulter cet article en anglais à :
http://english.al-akhbar.com/conten...
Traduction : Info-Palestine.eu - Niha