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Un rapport dévoile la politique démographique d’Israël à Gaza
jeudi 30 janvier 2014 - Daoud Kuttab
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Des Palestiniens exhibent leur carte d’identité en faisant la file au poste-frontière d’Erez, au nord de la bande de Gaza (REUTERS/Ahmed Jadallah)

Un des obstacles cruciaux au contrôle permanent d’Israël sur la Cisjordanie, c’est la présence de Palestiniens dans la zone... Incapables de les déplacer physiquement ou de les faire partir volontairement, Israël a déployé au fil des ans un processus administratif qu’il a baptisé « transfert ».

Le fondement de cette politique raciste est de disposer de moyens administratifs qui « encouragent » les Palestiniens à quitter volontairement et leur rendent le retour très difficile.

Avant l’intronisation de l’Autorité Nationale Palestinienne en 1993, les Israéliens utilisaient un système de permis pour mettre en œuvre cette politique. Lorsqu’on quittait pour aller au travail ou à l’école, on recevait un permis d’une validité limitée dans le temps. Si on dépassait le délai autorisé, on risquait d’être déchu de son droit au retour. Maintenant que le gouvernement palestinien émet des passeports, cette pratique a perdu un peu de son impact. Néanmoins, elle est toujours appliquée et continue donc de s’appliquer aux habitants palestiniens de Jérusalem-Est, dont la citoyenneté hiérosolymitaine peut être révoquée après une absence de plus de 7 ans.

Le motif démographique derrière la politique israélienne de « transfert » est très clair, même si elle est rarement déclarée en public. Le ministre de droite Rahavam Zeeve fait exception, puisqu’il s’est publiquement déclaré en faveur du transfert.

Cette stratégie israélienne politiquement motivée pour réduire graduellement le nombre de Palestiniens en Cisjordanie a été exposée en termes de mouvements de population de la Cisjordanie vers la bande de Gaza. Un rapport conjoint de deux organisations israéliennes de défense des droits humains expose en détail la mise en œuvre de cette politique démographique. B’Tselem, le Centre israélien d’information dans les Territoires Occupés, et HaMoked, le Centre pour la Défense des Personnes individuelles, ont publié en janvier un rapport intitulé. « Si proches et pourtant si loin : implications du confinement imposé par Israël de la bande de Gaza sur le droit des Palestiniens à une vie de famille ».

Ce rapport conjoint rappelle à l’ordre la justice israélienne qui a facilité la politique israélienne démographique visant à vider peu à peu la Cisjordanie de ses habitants palestiniens.

Comment Israël se sert de la démographie dans sa politique à Gaza 

L’adresse de résidence figurant sur les cartes d’identité palestiniennes est un facteur déterminant. Alors que les Accords d’Oslo ont considéré la bande de Gaza et la Cisjordanie comme étant une seule et même unité politique, Israël y contrevient. Si votre adresse est dans la bande de Gaza, vous n’avez pas le droit de vivre en Cisjordanie et vice-versa. Et pourtant le rapport montre qu’Israël autorise les habitants de Cisjordanie à changer leur adresse pour un domicile dans la bande de Gaza, mais qu’il rend pratiquement impossible aux Gazaouis de troquer leur adresse contre un domicile en Cisjordanie.

En 2008, sous la pression extérieure de l’institution internationale de football FIFA, Israël a autorisé le footballeur gazaoui Suleiman Obeid à déménager en Cisjordanie pour s’entraîner avec l’équipe nationale palestinienne. En revanche son épouse et ses deux enfants n’ont pas été autorisés à le rejoindre. Cinq ans plus tard, Obeid abandonnait le foot pour pouvoir retrouver sa famille. Non seulement Obeid était empêché de rendre visite à sa femme et à ses enfants, mais quand sa mère est tombée malade il n’a pas eu l’autorisation d’aller la voir. Elle est morte peu après sans avoir eu l’occasion de revoir son fils. Obeid, l’un des 27 cas mentionnés dans le rapport, a exprimé son sentiment devant ce jugement.

« Vouloir embrasser son bébé et jouer avec lui, ou penser à dormir avec sa femme ou à avoir d’autres enfants … voilà des besoins élémentaires » dit-il, « [mais] vous ne pouvez pas le faire parce que Israël ne veut pas que vous le fassiez ».

Cette politique israélienne a été régulièrement appuyée par des décisions de la Cour suprême d’Israël qui acceptent sans la récuser la justification du gouvernement israélien pour maintenir des familles palestiniennes divisées.

Human Rights Watch a attaqué les décisions de la Cour suprême israélienne qui n’acceptent pas comme un droit humain le droit des couples mariés de vivre ensemble. Dans une déclaration qui remonte à 2012, Human Rights Watch disait que la Cour suprême israélienne a "dévié" de ses obligations internationales.

« Avec ces règlements, la Cour suprême israélienne a gravement dévié de sa voie, ui est de servir de dernier bastion au respect des droits de l’homme » a déclaré Sarah Leah Whitson, directrice de Human Rights Watch pour le Moyen-Orient.

Les deux organisations israéliennes de défense des droits humains ont exposé les tenants de cette politique discriminatoire d’une manière convaincante en faisant référence au ministère israélien de la Justice pour son rôle dans la perpétuation de directives qui sont basées uniquement sur des objectifs démographiques racistes.

Ironiquement, il n’y a pratiquement eu aucune tentative des négociateurs palestiniens pour les évoquer, alors même que le chef de l’équipe de négociation israélienne, Tzipi Livni, est elle-même ministre de la Justice.

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* Daoud Kuttab : journaliste palestinien né à Jérusalem, il a enseigné le journalisme à Princeton et dirige actuellement le Community Media Network, organisation dédiée au progrès du journalisme arabe indépendant . Il est producteur de documentaires et titulaire de nombreuses distinctions. Il est chroniqueur pour Palestine Pulse de Al-Monitor, The Jordan Times, The Jerusalem Post et The Daily Star (Liban).

Du même auteur :

- Goldstone : perceptions et réalité - 25 avril 2011
- Juifs ou Israéliens ? - 30 octobre 2010
- L’union ne suffit pas - 2007
- Pourquoi tant d’arrogance ? - 2006

24 janvier 2014 - Al-Monitor - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.al-monitor.com/pulse/ori...
Traduction : Info-Palestine.eu - AMM