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Nation palestinienne : stopper les compromis, dès maintenant !
samedi 18 janvier 2014 - Stuart Rees - Al-Jazeera
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Abbas (à g.) ici avec son compère Netanyahu, Premier ministre israélien. Lui-même et l’Autorité Palestinienne de Ramallah qu’il dirige sont clairement devenus des obstacles à l’unité politique des Palestiniens

Si la Palestine veut devenir un état-nation, les Palestiniens et leurs soutiens doivent remplacer la politique de la conformité et du compromis par celle de l’unité et de l’affirmation de soi.

C’est la conclusion qui a été tirée le mois dernier à Doha, au Qatar, au cours de la deuxième conférence annuelle du centre de recherche en stratégie et politique. Cette conférence a vu se dérouler des discussions entre des académiciens et des politiciens de pays arabes dont d’importants leaders du Hamas et du Fatah auxquels étaient mêlés des diplomates et des sociétés civiles européennes.

La politique du compromis

La première forme de politique a su tromper les regards à l’international et ancrer l’injustice. La déclaration Balfour de 1917 par le gouvernement britannique encourageait la colonisation et a donné le feu vert à Israël.

Les lois internationales auront été un élément clé des négociations de paix, mais peu sont ceux à l’avoir remarqué. L’avocate palestinienne Diana Buttu a défendu à Doha que la casuistique des politiques internationales a permis aux gouvernements israéliens d’ignorer les lois internationales et de créer leurs propres cadres légaux afin de justifier le siège de Gaza, les maltraitances faites aux prisonniers et la continuelle confiscation des terres.

Les politiciens et les diplomates européens ont joué à des petits jeux de compromis en se reposant trop sur les accords d’Oslo qui permettaient aux États-Unis de se s’imposer comme tierce partie. Ce n’est que récemment que l’Union Européenne a insisté sur l’illégalité des camps Israéliens et encouragé le boycott des terres ainsi confisquées.

L’incompatibilité entre une opinion publique en faveur de la cause palestinienne et la complaisance des politiciens pour les vœux d’Israël a garanti une occupation sans fin et n’a pas permis de réunir les conditions favorables à la création d’une nation palestinienne. Il a été reporté à Doha que l’Espagne, la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni ont renforcé leur soutien envers une nation palestinienne. En Australie, les sondages démontrent que la majorité des Australiens soutiennent la cause palestinienne. Cependant, le gouvernement du Premier ministre Tony Abbott affiche une totale indifférence envers la loi internationale en soutenant qu’Israël n’agit pas en « force d’occupation » et qu’elle n’a pas à se soumettre aux termes de la convention de Genève de 1949.

Les négociations de paix intermittentes étaient une farce que les Israéliens n’ont jamais prise au sérieux. Les Palestiniens n’étaient que peu représentés et les Américains, alors qu’ils clamaient leur neutralité, étaient partisans des intérêts d’Israël.

C’est à Doha que le négociateur en chef palestinien a expliqué que le secrétaire d’État John Kerry a initié les négociations de paix, que « les Américains semblaient vouloir résoudre un problème, mais que les Israéliens n’avaient aucune intention de parvenir à un accord. » Le danger encouru est que l’administration Obama, dans son élan du « compromis à tout prix », ne soit prête à y parvenir de force.

La politique de l’unité

Une étape cruciale dans le développement d’une cohérence et d’une unité politique palestinienne consiste à inclure le Hamas dans l’équation. Depuis son succès aux élections de 2006, la réponse à la fois cruelle et stupide des Européens aura été de refuser le dialogue avec les gagnants de l’élection et de s’associer à Israël dans son siège de Gaza. Jamais encore l’histoire n’a connu d’individu, d’organisation ou d’état-nation qui, après avoir été ainsi acculé, isolé, humilié et puni, a dit : « Merci pour vos traitements. J’ai bien appris ma leçon. Je me conformerai dorénavant à toutes vos attentes. »

Durant des décennies, les politiques américaines et israéliennes ont été renforcées par la division des Palestiniens entre la Cisjordanie, les réfugiés, les titulaires de la « carte verte » ou de permis de travail européen, les employés de l’UNRWA* ou de l’UNHRC** et les citoyens confinés à certaines régions géographiques avec des identités et des autorités différentes. Porté par de telles divisions, le négociateur israélien et ancien Premier ministre Tzipi Livni aurait affirmé à son homologue palestinien : « Vous pouvez avoir un État tant qu’il n’inclut pas Gaza. »

À la conférence de Doha, une jeune Palestinienne a insisté : « Le problème est mon identité. Je ne suis pas réfugiée. Je ne suis pas du Hamas. Je ne suis pas de l’assistance publique. Je suis Palestinienne. »

J’ai demandé à Usama Hamden, responsable des relations internationales du Hamas depuis 2009, si les conditions de vie épouvantables qui règnent à Gaza détourneraient les citoyens de cette terre assiégée de la politique d’une nation unie. Il a répondu, dans l’écho de son vécu, que le combat quotidien pour la survie faisait partie du mouvement destiné à sécuriser les droits de l’homme pour les Palestiniens. « Nous avons toujours dû nous battre pour survivre. La seule différence est la gravité des conditions d’aujourd’hui. »

Hamden défend que le frein le plus puissant à l’unité palestinienne vienne de l’extérieur et non pas de l’intérieur. La détermination d’Israël à ne jamais permettre la mise en place d’un État palestinien est alimentée par la diversion de la guerre civile en Syrie et par le gouvernement militaire égyptien hostile envers les Palestiniens.

Lors d’une conversation informelle, le leader du Hamas, Khaled Mishal, semblait du même avis que le Professeur Richard Falk : que le pouvoir en douceur, le dialogue, la diplomatie et une opinion publique bien informée étaient le moyen de mettre fin à l’état de siège et d’occupation et de promouvoir la cause palestinienne.

Vers une nation unifiée

Depuis la signature des accords d’Oslo en 1993, les années ont été marquées par une soi-disant avancée vers la paix. Cet aveuglement n’a fait que renforcer le pouvoir politique et territorial d’Israël en plus de confirmer l’impuissance des Palestiniens.

Les Palestiniens politiquement unifiés et leurs soutiens pourraient et devraient mettre au grand jour cette tromperie. Avec l’aide du mouvement Boycott Désinvestissement Sanction (BDS) à l’échelle mondiale, ils devraient mettre l’accent sur le droit des Palestiniens à l’autodétermination au regard des lois internationales.

La vision d’un État palestinien démocratique, multiculturel et qui se distingue par son respect des lois peut être prônée par toutes les nations, mais plus particulièrement par une coalition composée d’une majorité de pays européens, de l’Union Européenne et de dirigeants arabes influents. Une telle vision, une telle coalition devra être menée par les Palestiniens eux-mêmes. 

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* Stuart Rees est Professeur émérite à l’Université de Sydney et directeur de la Sydney Peace Foundation.

Notes :

* UNRWA : Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient
** UNHRC : Conseil des droits de l’homme des Nations unies

9 janvier 2014 - Al-Jazeera - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.aljazeera.com/indepth/op...
Traduction : Info-Palestine.eu - Alexandre C.