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Il y avait un cessez-le-feu ?
lundi 30 avril 2007 - Amira Hass - Ha’aretz

Les discussions sur un cessez-le-feu et sa rupture dispensent les Palestiniens de reconnaître ouvertement l’échec de leur démonstration de roquettes Qassam. Les propositions d’élargissement du cessez-le-feu mettent fin à la nécessité d’un débat interne palestinien sur la destructivité et l’absence d’espoir de la « lutte armée » dans sa version suicides.

Cessez-le-feu est encore une notion vide qui nous enseigne que les représentants palestiniens - élus ou non, Hamas, Fatah ou OLP-Tunis, depuis Mahmoud Abbas jusqu’au dernier des porte-parole des « Brigades » - ont scrupuleusement veillé à tomber dans les pièges que leur tendait la politique israélienne d’occupation. Les discussions pour ou contre un cessez-le-feu s’intègrent au tableau de la situation parfaitement distordue qu’Israël construit depuis septembre 2000, avec deux camps en conflit, symétriques, se combattant. Les Palestiniens sont les agresseurs et Israël, l’agressé, se défend et riposte.

Le samedi et le dimanche qui ont précédé la « rupture du cessez-le-feu » palestinien, des soldats de l’armée israélienne ont tué neuf Palestiniens. Dont une jeune fille de 17 ans, un garçon de 15 ans et un policier qui était sur le toit de sa maison et n’était impliqué dans aucun « combat ».

Le 21 avril à cinq heures du matin, une unité de l’armée israélienne a attaqué Kafr Dan, dans la région de Jénine. Les soldats ont mis la main plusieurs maisons pour en faire des positions de tir. La plupart des tirs visaient une maison du quartier ouest. Dans une autre maison de ce quartier, Mohamed Abed, 23 ans, est monté sur le toit. Il a été abattu. Aux dires des soldats, ils auraient repéré un homme armé et ils ont tiré. Selon des sources palestiniennes, Abed n’était pas armé et voulait seulement examiner ce qui se passait dehors.

Samedi soir, entre neuf et dix heures, une unité de l’armée israélienne a attaqué le camp de réfugiés de Jénine. La routine. Des véhicules militaires ont encerclé la maison de la famille Baraysh. Le fils, militant du Jihad Islamique, est recherché. De ce qui a été publié dans les médias, on peut comprendre qu’aux dires de l’armée israélienne, les habitants de la maison ont été appelés à sortir et que « pour une raison qui n’est pas claire, l’adolescente est restée dans la maison ». Faux, dit-on dans le camp de réfugiés : les parents et la fille, Boushra, étaient tous dans la maison quand la fille a été abattue. Le soldat qui a tiré une balle dans la tête de cette élève du secondaire et l’a tuée, on suppose dans le camp qu’il se trouvait dans un cercle éloigné de positions de tirs et d’observation. Le frère recherché n’a pas été trouvé.

Dimanche, à dix heures du matin, une unité de l’armée israélienne a envahi le village de Dayr Abou Mash’al, au nord de Ramallah, bloquant tous les accès et instaurant le couvre-feu. Des adolescents, dont Khaled Zahran, 15 ans, ont lancé des pierres sur les soldats. Ceux-ci ont riposté en ouvrant le feu. Zahran a été touché au ventre et est mort ensuite de ses blessures.

Cinq des tués étaient des hommes armés du Jihad Islamique et du Fatah. Ils ont été tués lors d’incursions de routine à Jénine et Naplouse, incursions dont personne ne se soucie d’examiner quand elles ont eu lieu, ni si elles avaient pour but d’opérer une arrestation ou de tuer dans le cadre d’une exécution extrajudiciaire. Le sixième tué est un employé de la municipalité de Gaza, âgé de 43 ans, touché, samedi soir, par un missile israélien qui a frappé sa voiture alors qu’il était à Beit Hanoun. De sources palestiniennes, il ne s’agirait pas d’un activiste « militaire ». Une demi-heure plus tôt, un autre missile avait raté trois militants du Jihad Islamique.

Mais même si aucune de ces neuf personnes n’avait été tuée, il n’y aurait eu de cessez-le-feu ni samedi ni dimanche. Tout comme il n’y a pas eu de cessez-le-feu la semaine passée, ni les semaines précédentes.

Parce que même quand elle ne tue pas, l’occupation militaire est un feu israélien ininterrompu depuis quarante ans - sans rapport avec les moyens de riposte utilisés ou non par les Palestiniens. Chaque interdiction que met l’Administration civile à la construction d’une maison palestinienne, chaque interdiction de quitter Gaza pour se rendre en Cisjordanie, chaque shekel des taxes qu’Israël ne transfère pas [à l’Autorité Palestinienne], chaque checkpoint à l’intérieur de la Cisjordanie, chaque dounam de terres volé depuis 1967, chaque colonie, grande ou petite, ancienne ou nouvelle, qu’elle fasse partie du consensus ou non, c’est tout cela le feu israélien, que ni les roquettes Qassam mais pas davantage les manoeuvres de la négociation politique n’ont pu faire cesser.

Amira Hass - Ha’aretz, le 26 avril 2007
Version anglaise : What cease-fire ?
Traduit de l’hébreu par Michel Ghys

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