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Le « boucher de Beyrouth » est mort
samedi 11 janvier 2014 - Marc Abizeid - Al-Akhbar
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Juin 1982, Beyrouth - Portant son enfant dans ses bras, une jeune femme fuit se mettre à l’abri d’un bombardement israélien - Photo : Archives

Il a rendu son dernier souffle samedi à l’âge de 85 après être resté dans le coma pendant huit ans suite à un accident vasculaire cérébral le 4 janvier 2006.

Sa mort marque la fin d’un dirigeant israélien qui imposait le respect à ses subordonnés, disposait de partisans inconditionnels et usait du terrorisme contre ses ennemis.

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a déclaré que les Israéliens chériront « toujours » la mémoire de l’ancien premier ministre.

« Sa mémoire sera toujours au cœur de la nation », a-t-il dit , exprimant sa « profonde tristesse » face à la mort de Sharon, disant qu’il avait joué « un rôle central dans la lutte d’Israël pour la sécurité. »

Les responsables palestiniens ont réagi aux nouvelles de la mort du dirigeant israélien en le qualifiant de criminel de guerre qui s’était soustrait à la justice de son vivant.

« Sharon était un criminel , responsable de l’assassinat du président palestinien Yasser Arafat , et nous aurions espéré le voir comparaître devant la Cour pénale internationale en tant que criminel de guerre », a déclaré Jibril Rajoub , un haut responsable du parti du Fatah.

Le Hamas, le parti islamiste au pouvoir dans la bande de Gaza, a déclaré que la mort de Sharon était un « moment historique », marquant la « disparition d’un criminel dont les mains étaient couvertes de sang palestinien. »

Sarah Leah Whitson, directrice pour le Moyen-Orient d’Human Rights Watch, a également regretté que Sharon n’a jamais fait face à la justice.

« Son décès est un autre rappel sinistre que des années de quasi-impunité pour les violations des droits n’ont en rien apporté la paix israélo-palestinienne. Pour les milliers de ses victimes, le décès de Sharon sans qu’il ait été traduit devant la justice amplifie leur tragédie, » dit-elle .

Les utilisateurs des médias sociaux au Moyen-Orient et à travers le monde ont réagi aux nouvelles de la mort de Sharon en le qualifiant largement de terroriste.

Un tueur-né

Sharon a commencé sa formation militaire en 1942 à l’âge de 14 avant de rejoindre la force de police juive du mandat britannique en Palestine trois ans plus tard.

Simultanément, il participait à des opérations secrètes avec la Haganah, la milice juive alliée des britanniques, à l’origine de nombreux meurtres, massacres et actes de sabotage contre des cibles palestiniennes qui ont finalement conduit à la guerre israélo-arabe de 1948 et à la Nakba.

En 1953, Sharon a été choisi pour diriger une nouvelle formation militaire israélienne appelée l’Unité 101. Sous son commandement, les soldats israéliens ont commis ce qui allait rester connu sous le nom du massacre de Qibya avec la mort de dizaines de Palestiniens, surtout des femmes et des enfants, selon les propres historiens d’Israël.

Ce bain de sang, qui a vu des familles abattus sur le pas de leur porte alors qu’elles tentaient de fuir les forces d’invasion qui assiégeaient leur petit village de Cisjordanie, avait été condamné à l’échelle internationale, attirant les reproches des États-Unis et du Conseil de sécurité des Nations Unies.

Mais la cruauté implacable de Sharon a été récompensée par ses chefs sionistes. Il a rapidement gravi les échelons, servant de commandant ou ayant un rang officiel dans presque toutes les guerres et actes d’agressions d’Israël, jusqu’à l’attaque cérébrale qui allait conduire à sa mort.

Il laissera toujours un souvenir au Liban comme « le boucher de Beyrouth » pour son rôle en tant que ministre de la Défense lors de l’invasion de 1982, qui a entraîné la mort de près de 20 000 personnes cette année-là, des civils composant l’écrasante majorité d’entre eux.

Orchestrer les massacres de Sabra et Chatila

Son crime le plus notoire au cours du siège de Beyrouth de 1982 a été le massacre de Sabra et Chatila, qui a fait environ 2000 morts parmi les civils. Les militants des droits de l’homme et les familles des victimes ont longtemps réclamé que Sharon soit envoyé devant la justice pour crimes de guerre.

Le massacre qui a duré trois jours a été commis du 16 au 18 septembre par des miliciens phalangistes qui furent introduites dans les camps de réfugiés palestiniens par les forces israéliennes, peu après l’expulsion des combattants palestiniens de la capitale libanaise.

Des films et photos du massacre ont révélé l’étendue du massacre, des cadavres de familles entières jonchant horriblement les rues et les ruelles des camps.

À l’époque, une enquête interne israélienne sur le massacre avait conclu que Sharon portait « une responsabilité personnelle en ayant ignoré le danger d’effusion de sang et de vengeance lorsqu’il a approuvé l’entrée des Phalangistes dans les camps. » Il a été forcé de démissionner suite aux massacres, qui avaient provoqué l’indignation mondiale. Même le régime réactionnaire du Président Ronald Reagan aux États-Unis avait exprimé sa « révulsion face aux meurtres. »

Sharon avait nié toute implication dans les massacres, affirmant qu’il n’était pas au courant qu’une milice chrétienne sectaire et extrémiste nuirait aux résidents des camps. Mais les preuves n’ont cessé de s’accumuler dès le début de l’enquête israélienne, montrant que Sharon , qui voulait depuis longtemps conduire une guerre contre le Liban avant l’invasion de 1982, avait un plan pour « nettoyer » Beyrouth-Ouest, qui englobe les camps.

Des transcriptions de réunions officielles israéliennes obtenues par le New York Times l’an dernier révèlent que Sharon avait déclaré à émissaire américain Morris Draper, le premier jour du massacre, que des milliers de « terroristes » occupaient la zone.

L’information se propagea rapidement que les Phalangistes massacraient les habitants des camps sous le couvert d’Israël. Lorsque Draper demanda à Israël de retirer ses forces, Sharon a violemment réagi, insistant sur le fait que les terroristes avaient besoin de « d’être nettoyés », et il informa le diplomate américain qu’il nierait toute implication dans les crimes, ceux-ci devraient-ils être rendus publics.

Provoquer la deuxième Intifada

Les massacres commis par Sharon en Palestine occupée n’avaient plus de limites. Il a été universellement reconnu qu’il avait provoqué la seconde Intifada palestinienne après avoir forcé le passage sur le site de la sacro-sainte mosquée al-Aqsa à Jérusalem en septembre 2000, sous la protection de centaines de policiers.

Ignorant les avertissements selon quoi une telle initiative entraînerait un tollé chez les Palestiniens, qui venaient de commémorer le 18e anniversaire du massacre de Sabra et Chatila, Sharon marcha sur l’esplanade, affirmant son « droit » à visiter le site saint vénéré par les musulmans, les juifs et les chrétiens .

« Le Mont du Temple est entre nos mains et restera dans nos mains », avait-t-il déclaré sur le site avant que les jeunes Palestiniens indignés ne commencent à lancer des pierres sur la police, ce qui a marqué officiellement un nouveau soulèvement dans lequel des milliers de Palestiniens perdraient leur vie en résistant à l’occupation .

Des dizaines de Palestiniens ont été tués dans les premiers jours d’un mouvement de masse que Sharon avait ostensiblement voulu provoquer. Parmi eux, Mohammed al-Dura - âgé de 12 ans et qui est devenu un symbole de la seconde Intifada après son assassinat largement diffusé - a rappelé au monde la nature impitoyable des forces d’occupation israéliennes et de leurs dirigeants.

Prise de pouvoir

Sharon est devenu Premier ministre en mars 2001, après quoi il a joué un rôle plus direct dans la conduite de la guerre qu’il avait provoquée contre les Palestiniens à peine quelques mois plus tôt. Les forces de Sharon ont tué des centaines de Palestiniens cette année-là, souvent en utilisant des hélicoptères Apache construits aux États-Unis, semant la mort sur les villages palestiniens comme cela a été documenté dans un rapport d’Amnesty International.

Des centaines d’autres personnes ont été tuées l’année qui a suivi à travers la Cisjordanie. En avril 2002, les occupants israéliens ont assiégé le camp de réfugiés de Jénine, affirmant que la région était infestée de kamikazes. Pendant 11 jours consécutifs des chars israéliens, des hélicoptères et des forces terrestres ont bombardé le camp de réfugiés, martyrisant le camp et ses habitants dans des actes que Human Rights Watch a décrit comme des violations graves du droit international, constituant des crimes de guerre .

Les détails de l’enquête de Human Rights Watch sont conformes à la brutalité de Sharon. Le rapport décrit les témoignages de soldats tirant au hasard sur le camp, tuant hommes, femmes et enfants. Le siège a provoqué la destruction d’environ 350 bâtiments, laissant plus de 4000 personnes sans-abri. Dans un cas parmi d’autres, un homme âgé de 57 ans et infirme a été pris pour cible, puis écrasé par un tank alors qu’il tentait de fuir dans son fauteuil roulant tout en tenant un drapeau blanc.

De nombreux hommages ont été écrits pour le criminel défunt, qui mettent en valeur ses derniers mois en tant que Premier ministre quand il a retiré les forces d’occupation de la bande de Gaza en 2005. Ces témoignages affirment qu’il était un homme qui avait changé et qu’il avait abandonné ses pulsions d’extrême droite après avoir soudainement trouvé la voie de la paix, mais voyant ses plans interrompus par un acte divin malheureux.

Mais ceux qui témoignent des guerres et des massacres commis par Sharon ne pourront jamais tolérer un récit apologiste qui oublie six décennies de crimes implacables, et pour qui son comportement criminel ne peut une simple affaire de controverse . Pour les survivants des crimes sanglants de Sharon, celui-ci a été sans équivoque coupable et responsable de la mort horrible de dizaines de milliers d’Arabes, détruisant des familles et brisant un nombre incalculable de vies.

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11 janvier 2014 - Al-Akhbar - Vous pouvez consulter cet article à :
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Traduction : Info-Palestine.eu - Al-Mukhtar