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L’approche jordanienne de Kerry
vendredi 10 janvier 2014 - Oraib Al Rantawi
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Le secrétaire d’Etat américain John Kerry a quitté lundi le Proche-Orient après quatre jours de discussions intensives mais sans avoir réussi à convaincre Israël et les Palestiniens de se rallier à son plan de paix (afp)

Certaines sources ont mentionné la nouvelle approche du Secrétaire d’Etat US John Kerry de sa mission pacificatrice, notant que la Jordanie joue un rôle vital dans les solutions à apporter aux « complications de la Vallée du Jourdain.

Les Etats-Unis et Israël ont des rôles symboliques. J’ignore si cette formule a été proposée officiellement par les Américains ou si elle est toujours matière à discussion, et je ne sais pas non plus si cette formule serait acceptable pour les parties impliquées. Il n’en reste pas moins que le sujet stimule la pensée, non seulement quant aux positions des parties sur cette idée mais aussi quant aux implications possibles pour la Jordanie et la Palestine.

Je commencerai par la position d’Israël : il pourrait accepter de renoncer à contrôler la Vallée du Jourdain, bien que cela soit douteux. Il est plus probable que le gouvernement israélien ne s’offusquera pas du déploiement de forces jordaniennes à l’ouest de la rivière, aussi longtemps que ces forces sont également déployées à l’est de la rivière, en Jordanie, et aussi longtemps qu’elles respectent les obligations sécuritaires jordaniennes dictées par la souveraineté nationale et par les termes de son traité de paix avec Israël.

Quant aux Palestiniens, il y aura discussion entre les différentes factions sur la question. En outre, des accusations d’un degré de sévérité variable seront portées contre l’Autorité Palestinienne, et peut-être contre la Jordanie. Néanmoins, le courant majoritaire de l’AP suivra la mesure pour tenter de réduire une expansion de la présence israélienne actuelle, aussi longtemps que l’idée « zéro Israéliens » n’est pas mise en oeuvre.

Le Hamas est confronté à des défis difficiles à Gaza, de la part des Egyptiens et des Israéliens. Je crois qu’il ne suscitera pas une crise avec la Jordanie, bien qu’il essaiera d’utiliser un accord « incomplet » avec Israël dans son conflit avec le Fatah, l’AP et l’OLP. Il est probable que les déclarations de ces parties exprimeront leur appréciation de la position jordanienne en insistant sur les liens de fraternité qui unissent les deux pays.

En ce qui concerne les Jordaniens, une telle mesure ravivera le débat national sur certains sujets brûlants, notamment mais pas uniquement, la proportion dans laquelle la Jordanie peut se permettre d’intervenir dans les « affaires internes palestiniennes ».

L’avenir des relations jordano-palestiniennes en termes de nature externe potentielle (comme une fédération, confédération, une « option jordanienne », etc.), l’avenir de ces relations en termes d’aspects internes (comme l’identité, la citoyenneté, l’intégration, la réimplantation [des colonies], une patrie alternative), et d’autres questions importantes pour les élites politiques jordaniennes, toutes sont prêtes à être discutées.

Sur le plan officiel, certaines voix pourront ne pas aimer une telle option, mais la principale autorité de Jordanie suivra, spécialement si « les bons mots » sont fournis pour un accord plus large. Sur le plan sociétal, il y aura conflit parmi les élites politiques et sociales, et il y aura des voix pour rejeter à grand cris « l’implication » de la Jordanie, pour différentes raisons, dont certaines sont liées au rejet absolu du processus de réimplantation. Certains verront la solution comme une porte de sortie pour Israël et diront qu’elle réduit les droits de la Jordanie comme de la Palestine, alors que pour d’autres les questions d’identité et de souveraineté l’emportent sur toute autre considération, toutes menant au même résultat.

Mais dans tous les cas, la mesure de l’acceptation ou du rejet de la nouvelle approche de Kerry sera déterminée à la lumière de la nature de l’accord global qu’il présentera aux différentes parties, en particulier aux Palestiniens et aux Jordaniens. Je crois qu’il y a deux scénarios incomplets pour ceci : d’abord, Kerry ira jusqu’à adopter l’exigence palestinienne d’un état ayant Jérusalem comme capitale, avec tous les termes connus, limitations et concessions. On pourrait l’appeler : le meilleur des pires scénarios.

Deuxièmement, Kerry pourrait aller jusqu’à adopter les exigences sécuritaires d’Israël et il proposera que l’AP, intervenant directement sur la partie jordanienne, joue le rôle de gardien de la sécurité pour le bénéfice et l’intérêt d’Israël.

L’engagement jordanien dans les arrangements proposés pour l’accord final pourrait en améliorer les termes pour que les Palestiniens retrouvent certains de leurs droits. Par ailleurs, il entraînerait l’abandon de certains des droits des autres parties impliquées dans cette solution, y compris la Jordanie, ce qui pourrait lui causer pas mal d’ennuis à long terme, pesant plus lourd que certains « bénéfices » à court terme qu’il pourrait apporter.

Pour ce qui est des ennuis, ils pourraient inclure une expansion de l’opposition aux positions et aux politiques du gouvernement d’Amman, entraînant le rassemblement de parties qui, dans des conditions normales, ne se lieraient pas.

Pour ce qui est des bénéfices, il est indubitable qu’un tel accord fournirait une protection politique ainsi qu’un confort financier et économique à la Jordanie, l’aidant à éviter le chaos dans une région qui risque de rester turbulente pendant bien des années encore.

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* Oraib Al Rantawi Auteur jordanien ayant vécu dans plusieurs pays du Moyen-Orient, il a fondé en 2000 le Al Quds Center for Political Studies qu’il dirige à Amman. Il est journaliste et commentateur politique pour de nombreux médias, notamment le quotidien jordanien Ad-Dustour Daily

6 janvier 2014 - Middle East Monitor - Vous pouvez consulter cet article à :
https://www.middleeastmonitor.com/a...
Traduction :Info-Palestine.eu - AMM