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Les portes étroites du Mur de la Honte : portraits
lundi 25 novembre 2013 - Harriet Sherwood

Israël a commencé à édifier le Mur de Cisjordanie en 2002, disant que la « barrière » était conçue pour empêcher toute incursion de militants palestiniens. Selon les Palestiniens, l’objectif est de spolier des terres et d’imposer une frontière de facto. La « barrière » prend 9,4 % de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est ainsi qu’un “no-man’s land” du côté israélien. Environ 85 % de colons israéliens vivent entre la Ligne Verte et la « barrière ».

*Abd al-Fatah, 51 ans.

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Ce Palestinien vit sur la parcelle de terre dont il est propriétaire, pour affirmer son droit de propriété, contesté par l’Etat d’Israël. (vidéo Guardian & B’Tselem)

*Omar Hajajla, 47 ans

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« Tout ce que je veux, c’est ma maison et ma terre, rien de plus, rien de moins » (Photo H. S.)

Hajajla est ouvrier dans la construction à al-Walaja, village encerclé par la « barrière ».

« En 2008, à notre surprise, les autorités d’occupation nous ont dit que cette maison serait la seule du village à être hors du mur. Ils nous ont dit que cela nous causerait un tas d’ennuis et ils nous proposé de l’argent et de la terre si nous partions. Ma réponse a été que tout ce que je voulais, c’est ma maison et ma terre, rien de plus, rien de moins. Alors ils m’ont menacé, mais j’ai dit que j’avais le soutien de quelqu’un de bien plus fort que l’Etat d’Israël : Dieu.

Ils m’ont retiré mon permis de travailler à Jérusalem. Ils ont utilisé la dynamite tout près de ma maison en espérant qu’elle serait détruite. Ils nous harcelés jour près jour. Mais nous avons refusé de partir.

Maintenant le tunnel est la seule façon de relier la maison au village. Mes enfants vont à l’école qui est à deux minutes d’ici, mais à présent cela leur prend 45 minutes pour contourner la « barrière ».

La vérité, c’est que le mental de mes enfants a changé. Leurs amis ne viennent plus les voir ; les gens ont peur parce que nous vivons en zone militaire ; on peut les arrêter et demander leur carte d’identité. Les enfants ont l’impression de vivre dans une prison.

Quand la « barrière » sera achevée, tout [le village de] al-Walaja sera encerclé, avec juste une seule porte. Les gens suffoqueront comme à l’intérieur d’un cocon.
Israël dit que le mur est là pour la sécurité, mais la vraie raison c’est de confisquer autant de terres palestiniennes que possible, et de nous isoler dans l’espoir de nous faire partir ».

*Claire Anastas, 42 ans

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« Il nous faut un permis juste pour aller sur notre propre toit, pour des « raisons de sécurité » nous ont-ils dit. ( H. S.)

Claire Anastas possède une boutique de souvenirs à Bethléem, sa maison est encerclée de trois côtés.

« Je vis dans cette maison depuis mon mariage, en 1988. Pendant la deuxième intifada, les soldats ont pris l’habitude de venir chez nous pour tirer depuis le toit. J’avais très peur, ils réveillaient les enfants et nous menaçaient de leurs fusils, ils nous séquestraient dans un coin. Nous vivions dans la peur.

En 2003, en un jour, ils ont construit le mur autour de la maison. Il ont bloqué l’accès à notre boutique. Ils voulaient que nous partions, mais nous avons refusé.

Avant, c’était un quartier animé, sur ce qui était alors la route principale entre Jérusalem et Bethléem. Nos clients étaient surtout des pèlerins [chrétiens], mais aussi des juifs. Depuis que le mur est là, nous avons perdu des millions. Les gens du coin ont peur de laisser leurs enfants jouer ou venir à un anniversaire. Nous sommes sur la ligne de front.

Ma fille est partie vivre en Angleterre parce qu’elle n’en pouvait plus. Nous sommes 14 dans cette maison, dont 9 enfants. Il nous faut un permis juste pour aller sur notre toit, pour des « raisons de sécurité » nous ont-ils dit.

Nous sommes enterrés vifs dans une grande tombe, c’est inhumain. Mais nous espérons qu’un jour le mur sera abattu. Rien n’est impossible ».

Le passage

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Fin 2007, Israël a fermé deux passages qui le reliaient au sud de la Cisjordanie, ne laissant aux Palestiniens que 3 passages utilisables. Depuis lors, des milliers de travailleurs palestiniens sont obligés de passer une grande partie de la nuit à faire des queues interminables pour pouvoir entrer en Israël. (video B’Tselem).

*Saaed Amireh, 22 ans, du village de Ni’lin.

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« Les Israéliens ont du mal à gérer des manifestations pacifiques ». (H. S)

« Le territoire du village était de 5.800 hectares. A présent, après [la construction de] la « barrière » et [de] cinq colonies, il nous reste 800 hectares.

Quand nous avons commencé à manifester, nous avons marché les bras en l’air, en disant : « Ne touchez pas à nos terres ». Mais ils nous tiré dessus avec des balles en caoutchouc, du gaz lacrymogène, des grenades incapacitantes [Grenade à Saturation Sensorielle (GSS)]. Ils pensaient nous faire peur et nous stopper. Mais nous sommes sous occupation, nous devons riposter.

Cinq personnes de notre village sont mortes, des centaines ont été arrêtées, y compris de nombreux enfants. Il y a toujours 34 villageois de Ni’lin en prison.

Maintenant la « barrière » est terminée, mais tous les vendredi nous essayons de passer, même si nous sommes moins nombreux. La zone entre le village et la « barrière » est une zone militaire fermée. Nous faisons les prières du vendredi sous les oliviers, pour montrer notre ténacité.

Ma famille a perdu toutes ses terres, il nous reste 80 ares sur 240. Mon père a perdu son permis de travailler en Israël parce qu’il a pris part aux manifestations et a dû aller en prison. Ma sœur a reçu une balle dans la main à l’âge de 13 ans ; deux de mes frères ont été arrêtés. Huit femmes du village ont fait une fausse-couche après avoir inhalé du gaz lacrymogène.

Les manifestations pacifiques, les Israéliens ont du mal à les gérer. Nous pratiquons la résistance non armée, nous croyons que c’est notre droit de résister à l’occupation par tous les moyens. Nous sommes fiers de notre résistance contre un pouvoir militaire fort. Si vous venez avec une pierre, ils viennent avec un F16. Ce n’est pas un combat équitable.

Si vous êtes sans arme, cela ne veut pas dire que vous êtes faible. Il faut du courage pour affronter une armée à poitrine découverte. "

*Yousef Selmi, 25 ans, agriculteur.

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« Le mur nous a ôté la vue, il nous prive de la brise venant de la mer ». (H. S.)

Selmi est agriculteur à Qalqilya, un village de Cisjordanie encerclé par le mur, sauf une route et un tunnel menant au village voisin.

"Notre famille cultive cette terre depuis 45 ans. Avant le mur, les arabes israéliens et les juifs avaient coutume de s’arrêter sur la route principale pour acheter chez nous. Mais tout a changé quand le mur a été là. Maintenant, Qalqilya est isolé. Nous vivons dans une bouteille. Quelquefois ils enlèvent le bouchon, et ensuite ils le remettent en place.

Quand ils construit le mur, ils ont détruit notre terre et tout ce qui s’y trouvait. Le mur a dévoré nos 6 dunams [environ 6000 m²].

Même la marché local est affecté. Les gens ne peuvent plus travailler en Israël maintenant, alors ils ne peuvent plus se permettre d’acheter les fruits et les légumes. Certaines familles n’ont même pas 5 shekels [1 €] pour acheter du pain. Beaucoup de gens sont sans travail.

Les soldats ont une route tout près du mur, ils y viennent tous les quelques jours. Parfois ils nous font des misères, ils nous poussent contre le mur et nous interrogent. On a toujours peur.

Le mur nous ôte même la vue, et il nous prive de la brise venant de la mer. Le mur nous étouffe. Quand j’étais plus jeune, nous allions à la mer chaque semaine. Depuis la construction du mur, je n’ai pas pu y aller une seule fois. Il faut avoir un permis.
Il n’y a pas une chance sur mille que le mur soit un jour abattu. Je n’ai pas d’espoir. Hier était mieux qu’aujourd’hui, et aujourd’hui est mieux que demain ».

Al Jib, un village de Cisjordanie [au NW de Jérusalem].

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Le mur de séparation construit par Israël a enclavé le village, le coupant de ses vergers, de ses vignobles, et de Jérusalem. (vidéo B’Tselem)

(1) Matthew Brubacher, Le Monde, novembre 2002.

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- Harriet Sherwood est la correspondante du Guardian à Jérusalem.

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19 novembre 2013 -The Guardian - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.theguardian.com/world/ng...
Traduction : Info-Palestine.eu - Marie Meert