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Charité chrétienne : expliquer à Hollande ce qu’est la colonisation de la Palestine par Israël
vendredi 22 novembre 2013 - Gilles Devers

Arrêter la colonisation, c’est le minimum du minimum. La colonisation de la Palestine par Israël est une violation grave du droit international, définie comme un crime de guerre car la paix est menacée si on admet que le but d’une guerre puisse être la conquête de territoire. Notre excellent Hollande aurait donc dû aller au terme de sa logique, pour condamner la colonisation, exiger que ses auteurs soient traduits en justice et que les terres injustement accaparées soient restituées.

Mais, voilà, chacun sait que c’est le bazar à l’Élysée, et que les conseillers dépriment et se délitent. Chaque jour de nouvelles infos le confirment… Aussi, ne souhaitant que la réussite de mon pays, ce qui suppose que la direction de l’État agisse en fonction de principes clairs, je me dois, par amitié républicaine et charité chrétienne, d’apporter à notre « durci de président » le rappel de quelques notions sur la colonisation de la Palestine.

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I – Avant 1948

A/ La souveraineté palestinienne, reconnue par la SDN depuis 1922

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A l’issue de la Première Guerre mondiale, la Palestine, partie de l’Empire ottoman (Traité de Sèvres du 10 août 1920) a fait l’objet d’un mandat confié à la Grande-Bretagne par la Société des Nations (Pacte, Art. 22, par. 4), dans un but d’émancipation : « Certaines communautés, qui appartenaient autrefois à l’Empire ottoman, ont atteint un degré de développement tel que leur existence comme nations indépendantes peut être reconnue provisoirement, à la condition que les conseils et l’aide d’un mandataire guident leur administration jusqu’au moment où elles seront capables de se conduire seules  ». Vous avez bien lu « nations indépendantes »…

Le Premier ministre britannique Lloyd Georges avait exprimé le point de vue du Royaume-Uni, qui allait être mandataire pour la Palestine dès 1918 : « L’Arabie, la Mésopotamie, la Syrie et la Palestine ont d’après nous le droit de voir reconnaître leurs aspirations nationales séparées, et (…) le principe d’autodétermination nationale est donc applicable à ces cas de la même manière qu’aux territoires européens occupés ». La Palestine comme les autres.

Le régime juridique du mandat avait pour bit cette transition. Pour la CIJ, ces mandats reposaient sur deux principes : la non-annexion et le développement des peuples (CIJ, Statut international du sud-ouest africain, Recueil 1950, p. 131).

B/ L’ordre juridique interne depuis 1922

Dans le même temps, il faut noter que les textes du droit applicable en Palestine montrent que l’ordre juridique palestinien était déjà pleinement structuré à la manière de celui d’un État, et respecté en tant que tel par le mandataire.

A la suite du processus enclenché par le traité de Lausanne du 24 juillet 1923, le Conseil de la Société des Nations désigne un arbitre qui devra décider de la répartition de la dette publique ottomane entre la Turquie et les « territoires détachés de l’Empire Ottoman ». Dans la sentence, dite de « la dette publique ottomane », du 18 avril 1925, l’arbitre traite sur un pied d’égalité les parties à l’arbitrage, qui étaient la Turquie, la Bulgarie, la Grèce, l’Italie, l’Irak, la Transjordanie et la Palestine, et on lit page 609 : « Sous le mandat britannique, la Palestine et la Transjordanie ont chacune une organisation entièrement distincte. On est donc en présence de trois États suffisamment séparés pour être considérés ici comme Parties distinctes ».

A la fin de la sentence, l’arbitre conclut sur une formule qui renvoie clairement à l’égalité souveraine des parties entre elles : « Le nombre des Parties à considérer ici est donc de neuf. L’Arbitre estime ne pas être autorisé à faire entre elles une distinction au point de vue de leur importance et à consacrer ainsi, même en simple apparence, une inégalité qui n’existe pas entre Elles  ».

D’une manière générale, il existait une législation palestinienne et un ordre juridique interne qui était une donnée certaine pour les juridictions.

Selon la Haute Cour de Justice de Palestine, les personnes nées en Palestine sous le mandat n’accédaient pas à la nationalité palestinienne. La Cour criminelle d’appel de Grande-Bretagne a retenu la même solution (REX v. Ketter, 21 February 1939). Dans une affaire jugée le 17 juin 1942, la Cour de cassation d’Égypte a qualifié la Compagnie nationale de chemin de fer comme organe de l’État de Palestine.


II – Les faits de 1947/1948 et le maintien de la souveraineté

A/ Les faits de 1947-1948

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En 1947, le Royaume-Uni a fait connaître son intention d’évacuer le territoire la Palestine, et le 29 novembre 1947, l’Assemblée générale a adopté la résolution 181 (II) recommandant un plan de partage de la Palestine, soit une solution à deux États. Il s’agissait d’une recommandation, n’ayant donc pas de force créatrice, l’ONU ne pouvant pas « donner » une terre qui ne lui appartenait pas.

Cette recommandation procédait aussi à une description du droit existant, rappelant que le retrait du mandataire conduit à l’indépendance de l’État arabe (Art. A, alinéa 3), avec transfert de l’exercice des fonctions d’État (Art. B. alinéa 2 et 7) et organisation d’élections (Art. B. alinéa 9 et 10).

Pour la création de l’État d’Israël, un accord entre États aurait été nécessaire pour organiser le partage. A défaut d’accord, le retrait du mandataire conférait l’exercice des fonctions étatiques à la Palestine, dont la souveraineté préexistait, ce qui avait été actée dans le traité de Sèvres de 1920 et le mandat de 1922.

Les représentants palestiniens se sont opposés à ce plan de partage.

Le 14 mai 1948, le Royaume-Uni a mis fin à son mandat et l’Agence juive a le jour même proclamé la création de l’État d’Israël sur le territoire préconisé par le plan de partage. Des hostilités éclatèrent immédiatement, et par cette opération militaire, Israël a contrôlé une partie du territoire qui était destinée à l’État arabe dans le plan de l’ONU. Ce fut une phase d’une violence rare, la Nakba, avec des destructions, des morts et des réfugiés en masse.

Des conventions d’armistice furent conclues en 1949 entre Israël et les États voisins, avec définition d’une ligne de démarcation, appelée par la suite « Ligne Verte », précisant que les forces militaires ne pourrait la franchir.

Le 11 décembre 1948, l’Assemblée générale a adopté sa résolution 194 (III) affirmant que le droit au retour des Palestiniens ayant dû quitter leurs terres.

Le 11 mai 1949, Israël est devenu Membre de l’Organisation des Nations-Unies, après s’être engagé au respect des résolutions 181 (II) de 1947 et 194 (III) de 1948, reconnaissant ainsi le droit à l’autodétermination et le droit au retour des réfugiés. A ce propose, j’ai noté que Hollande demandait à la Palestine de renoncer au droit au retour des réfugiés… Allons… Qui peut interdire à une personne de revenir sur sa terre natale ?

La question de la Palestine est demeurée en suspens, et s’est instaurée une paix précaire.

B/ Les événements de 1967 et l’occupation militaire de toute la Palestine

Le 5 juin 1967, les hostilités ont éclaté entre Israël, l’Égypte, la Jordanie et la Syrie. Lorsque le cessez-le-feu prit effet, Israël occupait la superficie de tout l’ancien territoire de la Palestine placé sous mandat britannique.

Après ces évènements, le Conseil de sécurité adopta deux résolutions, le 22 novembre 1967, la résolution 237 (1967) demandant à Israël le respect de la quatrième Convention de Genève de 1949, et la résolution 242 (1967) posant les principes d’un règlement pacifique avec le retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés et la reconnaissance de la souveraineté de chaque État de la région.

Israël a conservé la maîtrise militaire, et tous les territoires de Palestine restent occupés depuis cette date.

Par une résolution du 22 novembre 1974, l’Assemblée générale de l’ONU, après avoir réaffirmé les droits inaliénables du peuple palestinien, y compris le droit à l’autodétermination, a admis l’OLP à participer à ses travaux en qualité d’observateur.

Plusieurs accords sont intervenus depuis 1993 entre Israël et l’OLP. Ces accords, sans rien créer, se limitaient à organiser les conditions d’exercice des compétences inhérentes à la souveraineté inaliénable du peuple palestinien sur son territoire.

Israël devait notamment restituer aux autorités palestiniennes certains pouvoirs et responsabilités exercés dans le territoire palestinien occupé par ses autorités militaires et son administration civile. Ces restitutions, quoique partiels et limités, ne contredisent pas la plénitude de compétence du gouvernement palestinien (CIJ, 9 juillet 2004, Edification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, par. 73).

C/ La Palestine reconnue comme État

Le 15 novembre 1988 à Alger, le Conseil national palestinien à Alger a proclamé la création d’un « État palestinien », ensuite reconnu par 117 Etats.

Le 31 octobre 2011, l’UNESCO a admis la Palestine en tant qu’État membre à part entière, par un vote obtenu avec 107 voix pour, 14 voix contre, et 52 abstentions.

Le 29 novembre 2012, l’Assemblée générale de l’ONU a reconnu la Palestine en tant qu’État observateur non membre par 138 voix pour, 9 contre et 41 abstentions.


III – La colonisation

A/La politique de colonisation

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Profitant de l’occupation, Israël a établi des colonies de peuplement dans les territoires palestiniens occupés en 1967, en violation de la IV° Convention de Genève.

Le Conseil de sécurité a rappelé que « le principe de l’acquisition d’un territoire par la conquête militaire est inadmissible  » (Résolution 298 du 25 septembre 1971) maintes fois répétées depuis : « Toutes les dispositions législatives et administratives prises par Israël en vue de modifier le statut de la ville de Jérusalem, y compris l’expropriation de terres et de biens immeubles, le transfert de populations et la législation visant à incorporer la partie occupée, sont totalement nulles et non avenues et ne peuvent modifier le statut de la ville » (Résolution 446 (1979) du 22 mars 1979).

A la suite de l’adoption par Israël le 30 juillet 1980 de la loi fondamentale faisant de Jérusalem la capitale « entière et réunifiée  » d’Israël, le Conseil de sécurité a dit que l’adoption de cette loi constituait une violation du droit international (Résolution 478 (1980) du 20 août 1980).

En 1982, l’Assemblée générale a demandé aux États membres d’appliquer des sanctions économiques contre l’État d’Israël en raison de la colonisation (Résolution ES-9/1 du 5 février 1982).

Maints rapports rédigés à la demande de l’ONU ont décrit ce processus de colonisation, qui n’a jamais pris fin, avec des conséquences lourdes : déplacements forcés de population, installation massive de population israélienne dans les colonies, confiscation de terres et de ressources en eau, destruction de maisons, bannissements, pressions continues pour pousser à l’émigration afin de faire de la place pour les nouveaux colons, modifications du tissu économique et social de la vie quotidienne des populations arabes restantes… (Rapport des 12 juillet 1979, 4 décembre 1979 et 25 novembre 1980 ; Rapport sur la situation des droits de l’homme sur les colonies de peuplement, Girogio Giacomelli, rapporteur spécial, E/CN.4/2000/25, 15 mars 2000 ; Rapport John Dugard, rapporteur spécial, A/HRC/4/17, 29 janvier 2007 ; Rapport Richard Falk, rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, (F), 25 août 2008 et septembre 2012).

B/ Le mur

Depuis, Israël a construit un mur dans le territoire palestinien occupé, y compris à l’intérieur Jérusalem-Est, dont le tracé s’écarte de la ligne d’armistice, entraînant la confiscation de ressources palestiniennes, le bouleversement de la vie de milliers de civils et l’annexion de fait de vastes parties du territoire.

Dans son avis du 9 juillet 2004, la Cour internationale de Justice a déclaré que ce mur était illégal et qu’il permettait à Israël de s’approprier indûment des terres, mais la Haute Cour de Justice d’Israël a rendu des décisions contestant l’autorité de la CIJ (HCJ 102/82 Tzemel v. Minister of Defence [1983] IsrSC 37(3) 365 ; HCJ 69/81 Abu Ita v. IDF Commander in Judaea and Samaria [1983] IsrSC 37(2) 197 ; HCJ 9132/07 Albassioni v. Prime Minister ; HCJ 769/02 Public Committee against Torture v. Government [2006] (2) IsrLR 459. David Kretzmer, The Occupation of Justice : the Supreme Court of Israel and the Occupied Territories, State University of New York Press, 2002, 262 p).Ces arrêts montrent que l’Etat d’Israël ne se situe pas dans le respect de l’ordre juridique international. Cet Etat applique un « droit international domestique », qui à l’apparence mais n’est qu’un outil de la coloniation.

C/ L’importance factuelle de la colonisation

Entre 1967 et 2010, Israël a implanté environ 150 colonies de peuplement en Cisjordanie. S’y ajoutent une centaine d’implantations « sauvages » – des colonies construites sans autorisation officielle israélienne, mais avec la protection, le soutien en équipement et l’aide financière du Gouvernement israélien (Rapport Falk septembre 2012, point 7).

Jérusalem compte 12 colonies, implantées avec l’aide financière et l’assistance du Gouvernement sur des terres illégalement annexées par Israël et intégrées à la ville. Les colonies ont la mainmise sur plus de 40 % de la Cisjordanie, y compris des ressources agricoles et hydriques essentielles. De nombreuses implantations sont très étendues et forment des grands lotissements fermés ou des petites localités. Israël n’autorise pas les Palestiniens – sauf s’ils ont un permis de travail – à y pénétrer ou à en utiliser les terres (Rapport Falk septembre 2012, point 8).

Les colonies de peuplement israéliennes dans le territoire palestinien occupé comptent de 500 000 à 650 000 habitants, dont quelque 200 000 vivants à Jérusalem-Est. Gouvernement israélien offre aux colons des prestations et des incitations dans les domaines de la construction, du logement, de l’éducation, de l’industrie, de l’agriculture et du tourisme, ainsi que des routes à usage exclusif et un accès privilégié à Israël. L’effort financier, juridique et administratif déployé par Israël dans son entreprise de colonisation a transformé de nombreuses colonies en opulentes enclaves pour citoyens israéliens, et cela dans une zone où les Palestiniens vivent sous régime militaire et dans des conditions de pauvreté généralisée (Rapport Falk septembre 2012, point 9).

Dans la zone C, soit 60 % de la Cisjordanie, les autorités israéliennes n’autorisent les constructions palestiniennes que dans les limites d’un plan qui couvre moins de 1 % de la zone. Les Palestiniens n’ont donc d’autre choix que de construire illégalement et de s’exposer aux ripostes inhumaines des Israéliens, telles que les démolitions et les déplacements. (Rapport Falk septembre 2012, point 15).

Israël prétend avoir annexé Jérusalem-Est, et le Gouvernement renforce la population israélienne en isolant physiquement Jérusalem-Est du reste de la Cisjordanie, recourant à de nombreuse pratiques illégales : le mur, des expropriations de terres, des démolitions de maisons, développent des équipements collectifs au service de la colonisation, notamment par le tramway (Rapport Falk septembre 2012, point 16).


IV – L’impact économique de la colonisation sur la Palestine

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On peut citer deux rapports sur l’assistance de la CNUCED (Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement) au peuple palestinien.

A/ Rapport du 7 août 2009, TD/B/56/3

On lit dans ce rapport de la CNUCED

« Depuis vingt-cinq ans que la CNUCED suit et étudie les résultats économiques du territoire palestinien occupé et les politiques qui les influencent, la situation n’y a jamais été aussi mauvaise qu’en 2009. De tous points de vue – le niveau d’activité enregistré, les faiblesses structurelles affichées et le cadre directif hostile dans lequel elle survit malgré tous les obstacles –, l’économie palestinienne est face à un véritable défi : son intégrité, sa solvabilité et même sa viabilité dans la perspective d’une solution à « deux États » sont aujourd’hui compromises.

« En particulier, les dommages considérables infligés à la bande de Gaza occupée et à son économie ont plongé 1,5 million de Palestiniens dans les affres d’une pauvreté et d’un état de désintégration inconnus depuis des générations. Le blocus a isolé la bande de Gaza du reste du territoire palestinien occupé et du monde.  »

B/ Rapport 13 juillet 2012, TD/B/59/2

On lit dans ce rapport de la CNUCED

« Les perspectives à long terme de développement de l’économique palestinienne sont devenues encore plus irréalisables en 2011 que jamais auparavant. Les restrictions à la circulation, la diminution des flux d’aide, un secteur privé paralysé et une crise budgétaire chronique assombrissent l’horizon. Le redressement de la croissance récemment observé à Gaza ne saurait être durable. Un chômage élevé persiste, qui aggrave la pauvreté : un Palestinien sur deux est considéré comme pauvre. Dans les conditions actuelles, étant donné la faiblesse de la demande privée, la réduction des dépenses par l’Autorité palestinien est contre-productive. Les donateurs doivent rendre leurs versements d’aide prévisibles et il est indispensable d’accroître les recettes budgétaires liées au commerce pour empêcher une crise socio-économique de grande ampleur.

« Les effets de l’occupation sur l’appareil productif palestinien, en particulier le secteur agricole, ont été catastrophiques. L’économie palestinienne a perdu l’accès à 40 % des terres, à 82 % des nappes phréatiques et à plus des deux tiers des terres de pâturages en Cisjordanie. À Gaza, la moitié des terres cultivables et 85 % des ressources halieutiques sont devenues inaccessibles. Le développement économique palestinien passe notamment par la création d’une banque de développement agricole permettant d’assurer crédits, partage des risques et investissements.

« En dépit de ressources limitées, la CNUCED a continué de soutenir le renforcement des capacités institutionnelles palestiniennes dans différents domaines, y compris la formation et la réalisation de projets de coopération technique concernant la modernisation des douanes, la facilitation du commerce et la modélisation économétrique de l’économie palestinienne.

« 4. L’économie palestinienne continue de fonctionner bien en dessous de son potentiel en raison de la persistance des restrictions à la mobilité (le nombre de points de contrôle en Cisjordanie est passé de 500 en 2010 à 523 en 2011), de la poursuite du siège économique de Gaza, de la crise budgétaire de l’Autorité palestinienne et de la diminution du soutien fourni par les donateurs. La situation s’est encore aggravée en 2011 avec l’augmentation des destructions d’infrastructures palestiniennes (en particulier de logements) et l’expansion des colonies israéliennes, notamment autour de Jérusalem-Est et de Bethléem (Bureau du Coordonnateur spécial des Nations Unies pour le processus de paix au Moyen-Orient (UNSCO), 2011), cela s’ajoutant à l’actuelle « bantoustanisation » du territoire palestinien.

« 7. L’occupation prolongée et les conséquences socioéconomiques de l’expansion des colonies de peuplement israéliennes (Salamanca et al., 2012) sont la principale cause de l’échec des efforts de développement de l’économie palestinienne. Mettre un terme à l’expansion des colonies et à l’occupation est la condition sine qua non d’un développement durable. Faute d’un rééquilibrage économique et politique radical entre l’occupation israélienne et le peuple palestinien, il ne saurait y avoir de véritable redressement économique dans le territoire palestinien occupé. Lever les restrictions israéliennes qui pèsent sur les travailleurs palestiniens (s’agissant notamment de leur mobilité) (Organisation internationale du Travail (OIT), 2012) ainsi que sur les entreprises et le commerce, et permettre à l’Autorité palestinienne de percevoir la totalité des recettes liées au commerce qui lui reviennent seraient d’utiles premières mesures à prendre pour éliminer les conséquences négatives de l’occupation et accroître les possibilités de créer un État palestinien souverain, conformément aux résolutions pertinentes de l’ONU.  »


V – Les qualifications pénales

A/ Destruction et appropriation indue de la propriété privée

1/ Statut de la CPI

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Le statut de la CPI, Article 8, 2, a, iv, définit comme crimes de guerre, lorsqu’elles visent des personnes protégées par les Conventions de Genève « la destruction et l’appropriation de biens, non justifiées par des nécessités militaires et exécutées sur une grande échelle de façon illicite et arbitraire ».

Les éléments du crime sont ainsi définis :

«  1. L’auteur a détruit ou s’est approprié certains biens.

« 2. La destruction ou l’appropriation n’était pas justifiée par des nécessités militaires.

« 3. La destruction ou l’appropriation a été exécutée sur une grande échelle et de façon arbitraire.

« 4. Les biens étaient protégés par une ou plusieurs des Conventions de Genève de 1949.

« 5. L’auteur avait connaissance des circonstances de fait établissant ce statut de biens protégés.

« 6. Le comportement a eu lieu dans le contexte de et était associé à un conflit armé international.

« 7. L’auteur avait connaissance des circonstances de fait établissant l’existence d’un conflit armé  ».

2/ Autres sources

Constitue une infraction grave aux Conventions de Genève « la destruction et l’appropriation de biens, non justifiées par des nécessités militaires et exécutées sur une grande échelle de façon illicite et arbitraire (I° Convention de Genève (1949), art. 50 ; II° Convention de Genève (1949), art. 51 ; IV° Convention de Genève (1949), art. 147).

L’article 46 du Règlement de La Haye prévoit que la propriété privée doit être « respectée  » et « ne peut pas être confisquée ».

Pour la CIJ, le principe de la distinction des biens militaires et civils est l’un des « principes cardinaux » du droit international humanitaire, et l’un des «  principes intransgressibles du droit international coutumier » (TPIY, affaires Le Procureur c. Zoran Kupreškić et consorts, jugement, et Le Procureur c. Dario Kordić et Mario Cerkez, décision relative à la requête conjointe de la défense et jugement).

Aux termes de l’article 55 du même texte : « L’État occupant ne se considèrera que comme administrateur et usufruitier des édifices publics, immeubles, forêts et exploitations agricoles appartenant à l’État ennemi et se trouvant dans le pays occupé. Il devra sauvegarder le fonds de ces propriétés et les administrer conformément aux règles de l’usufruit  ». Cette règle a été appliquée dans plusieurs affaires liées à la Seconde guerre mondiale (Pologne, Cour nationale suprême à Poznan, affaire Greiser ; États-Unis, Tribunal militaire à Nuremberg, affaire Flick ; Les États- Unis c. Alfred Krupp et autres et Krauch (procès I. G. Farben) et postérieurement (Allemagne, Haute Cour régionale de Düsseldorf et Cour constitutionnelle fédérale, affaire Jorgić ; Bosnie-Herzégovine, Cour cantonale de Biha, affaire Bijeli´c ; Chine, Tribunal militaire pour les crimes de guerre du Ministère de la défense nationale à Nanking, affaire Takashi Sakai ; États-Unis, Tribunal militaire à Nuremberg, affaires Flick, Les États-Unis c. Alfred Krupp et autres, Krauch (procès I. G. Farben), Les États-Unis c. Wilhelm von Leeb et autres (affaire du haut commandement) ; France, Tribunal militaire permanent à Clermont-Ferrand, affaire Szabados ; France, Tribunal militaire permanent à Metz, affaire Rust ; France, Tribunal général du gouvernement militaire de la zone française d’occupation en Allemagne, affaire Herman Roechling et consorts ; Israël, Haute Cour de Justice, affaires Ayub et Sakhwil ; Japon, Tribunal de district of Chiba, affaire de l’Organisation religieuse Hokekyoji ; Japon, Tribunal de district de Tokyo, affaires Takada et Suikosha ; Pays-Bas, Cour spéciale de cassation, affaire Esau ; Pays-Bas, Cour pénale spéciale à La Haye, affaire Fiebig et Pologne, Cour nationale suprême à Poznan, affaire Greiser).

Elle est reconnue comme de droit coutumier, codifiée sous le numéro 51 par le CICR :

« En territoire occupé :

« a) la propriété publique mobilière de nature à servir aux opérations militaires peut être confisquée ;

« b) la propriété publique immobilière doit être administrée conformément à la règle de l’usufruit ; et

« c) la propriété privée doit être respectée et ne peut être confisquée, sauf si la destruction ou la saisie de ces propriétés est exigée par d’impérieuses nécessités militaires ».

B/ Transfert de populations

1/ Statut de la CPI

Selon le Statut de la Cour pénale internationale, Article 7 1) d) constitue un crime contre l’humanité la « déportation ou transfert forcé de population ».

Les éléments de crime sont ainsi définis :

«  1. L’auteur a déporté ou transféré de force 12, 13 sans motif admis en droit international, une ou plusieurs personnes dans un autre État ou un autre lieu, en les expulsant ou par d’autres moyens coercitifs.

« 2. Les personnes concernées étaient légalement présentes dans la région d’où elles ont été ainsi déportées ou déplacées.

« 3. L’auteur avait connaissance des circonstances de fait établissant la légalité de cette présence.

« 4. Le comportement faisait partie d’une attaque généralisée ou systématique dirigée contre une population civile.

« 5. L’auteur savait que ce comportement faisait partie d’une attaque généralisée ou systématique dirigée contre une population civile ou entendait qu’il en fasse partie  ».

Le texte ajoute : « Le terme de force ne se limite pas à la force physique et peut comprendre un acte commis en usant à l’encontre de ladite ou desdites ou de tierces personnes de la menace de la force ou de la coercition, telle que celle causée par la menace de violences, contrainte, détention, pressions psychologiques, abus de pouvoir, ou bien à la faveur d’un climat coercitif  ».

Les mêmes faits peuvent être qualifiés de crimes de guerre (Article 8 2) b) viii) comme étant, « le transfert, direct ou indirect, par une puissance occupante d’une partie de sa population civile, dans le territoire qu’elle occupe  ».

Les éléments de crime sont ainsi définis :

« 1. L’auteur :

« a) A transféré, directement ou indirectement, une partie de la population de la puissance occupante dans le territoire qu’elle occupe ; ou

« b) A déporté ou transféré la totalité ou une partie de la population du territoire occupé à l’intérieur ou hors de ce territoire.

« 2. Le comportement a eu lieu dans le contexte de et était associé à un conflit armé international.

« 3. L’auteur avait connaissance des circonstances de fait établissant l’existence d’un conflit armé ».

2/ Autres sources

L’interdiction du transfert ou de la déportation des civils est inscrite dans la IV° Convention de Genève, dont l’article 49 dispose en son alinéa 1, que les transferts forcés, en masse ou individuels, ainsi que les déportations de personnes protégées hors du territoire occupé dans le territoire de la puissance occupante ou dans celui de tout autre Etat, occupé ou non, sont interdits, quel qu’en soit le motif, et en son alinéa 6, que la puissance occupante ne peut procéder à la déportation ou au transfert d’une partie de sa propre population civile dans le territoire occupé par elle.

Ces pratiques constituent une infraction grave au Protocole additionnel I de 1977 (art. 85, par. 4, al. a)

La règle est reconnue comme de droit coutumier, codifiée sous le numéro 129 par le CICR : « Les parties à un conflit armé international ne peuvent procéder à la déportation ou au transfert forcé de la totalité ou d’une partie de la population d’un territoire occupé, sauf dans les cas où la sécurité des civils ou des impératifs militaires l’exige. »

De même, il est de droit coutumier que la puissance occupante ne peut transférer dans les territoires occupés une partie de sa population. C’est la règle 130 :

« Les États ne peuvent déporter ou transférer une partie de leur population civile dans un territoire qu’ils occupent.

« Selon le rapport final du rapporteur spécial des Nations Unies sur les transferts de populations considérés sous l’angle des droits de l’homme, "l’implantation de colons" est un acte illicite qui met en jeu la responsabilité de l’État et la responsabilité pénale des individus (Sous-Commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités de la Commission des Nations Unies pour les droits de l’homme, Rapporteur spécial sur les transferts de population, y compris l’implantation de colons et de colonies, considérés sous l’angle des droits de l’homme, rapport final).

En 1981, la XXIVe Conférence internationale de la Croix-Rouge a affirmé que «  les colonies de peuplement installées dans les territoires occupés sont incompatibles avec les articles 27 et 49 de la IV° Convention de Genève » (XXIVe Conférence internationale de la Croix-Rouge, rés. III. Voir aussi : Conseil de sécurité de l’ONU, rés. 446, 452 et 476, rés. 465 et rés. 677 ; Assemblée générale de l’ONU, rés. 36/147 C, 37/88 C, 38/79 D, 39/95 D et 40/161 D et rés. 54/78 ; Commission des Nations Unies pour les droits de l’homme, rés. 2001/7).

Cette règle se retrouve dans de nombreuses décisions de jurisprudence (Chine, Tribunal militaire pour les crimes de guerre du Ministère de la défense nationale, affaire Takashi Sakai ; France, Tribunal général du gouvernement militaire de la zone française d’occupation en Allemagne, affaire Herman Roechling et consorts ; Israël, Tribunal de district de Jérusalem, affaire Eichmann ; Pays-Bas, Cour spéciale de cassation, affaire Zimmermann ; Pologne, Cour nationale suprême à Poznan, affaire Greiser ; États-Unis, Tribunal militaire à Nuremberg, affaires Krauch - procès I.G. Farben - Les États-Unis c. Alfred Krupp et autres) et déclarations internationales (Assemblée générale de l’ONU, rés. 2675 (XXV), rés. 3318 (XXIX), rés. 36/147 D, 37/88 D, 38/79 E, 39/95 E et 40/161 E, rés. 36/147 C, 37/88 C, 38/79 D, 39/95 D et 40/161 D ; Ligue des États arabes, Conseil, rés. 4430 (ibid., par. 223), rés. 5169 at rés. 5324 ; XXVe Conférence internationale de la Croix-Rouge, rés. I).

21 novembre 2013 - Actualités du Droit