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Récoltes des olives en dépit des menaces israéliennes sur les frontières de Gaza
mercredi 30 octobre 2013 - Asmaa al-Ghoul
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Moussa Saadat, 61 ans et son épouse Fatima Saadat, 63 ans examinent soigneusement les olives cueillies pour séparer celles de bonne qualité des autres. Beit Hanoun, octobre 2013 (photo par Sami Haven)

Les olives abîmées qui ne seront pas saumurées à cause des trous creusés par les vers seront jetés dans un seau pour ensuite être pressés. Par contre, si elles sont intactes, elles seront triées dans un autre seau pour les saumurer par la suite. Le troisième seau, presque vide, est celui qui contient les olives noires et celles qui ont échappé à l’invasion des vers.

Ce processus de triage des olives dure plusieurs jours en raison de la vision affaiblie du couple sexagénaire. Les lunettes de Moussa ne l’aident en rien, tandis que son épouse refuse catégoriquement de porter les siennes, avoue-t-elle à Al-Monitor

C’est à Beit Hanoun, dans le nord de la Bande de Gaza que les Saadat possèdent une petite parcelle de terrain verdoyante où sont implantés 13 grands oliviers ainsi que des figuiers et des arbres d’agrumes. « Cette année, explique Moussa, notre récolte a été particulièrement mauvaise et au-dessus de ce que nous espérions. Ceci est principalement dû aux vers qui ont presque tout endommagé, mais pas seulement nos arbres ; c’est le cas de la plupart des cultivateurs. »

Pour sa part, Fatima estime que la chaleur et la sécheresse résultant de l’absence des pluies ont favorisé la survie des vers et le dépôt des poussières sur les arbres. Elle ajoute : « L’an dernier, nous avons récolté 600kg [1.323 livres] d’olives. Mais cette année, nous ne pensons pas pouvoir atteindre les 400kg [882 livres]. »

Le couple vend sa cueillette au pressoir d’huile d’olive. « Nous comptons sur l’aide fournie par le Ministère des Affaires Sociales car notre travail à la terre et dans la culture des olives n’est pas suffisant surtout que ces terres ne nous appartiennent pas. En fait, c’est la propriété de mon beau-frère qui a émigré tout en nous laissant la terre dont la récolte de chaque année nous aide à joindre les deux bouts. »

Moussa affirme par ailleurs qu’il se sent responsable de ces arbres, puisque les 30 autres oliviers sont inaccessibles étant donné leur emplacement dangereux tout près de la frontière.

La zone frontalière avec Israël, appelée par ce dernier « bande de sécurité » [estimée à environ 300 mètres au sud et au nord de Gaza] est toujours périlleuse. Elle a été mise en place afin qu’Israël abandonne la zone tampon et ce, dans le cadre de l’accord conclu sous médiation Egyptienne pour parvenir au cessez-le-feu de novembre 2012.

Et sur cette terre, il reste encore des oliviers non récoltés car le couple ne peut pas faire ce travail seul, surtout que leur enfant unique vit en Arabie Saoudite.

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Moussa Saadat en train de trier les olives. Beit Hanoun, Bande de Gaza, le 22 octobre 2013 (Photo by Sami Haven.)

Des bénévoles pour aider dans la cueillette des olives

Afin d’apporter de l’aide aux producteurs, une initiative locale appelée Activists for Humanity and Popular ResistanceMilitants pour l’Humanité et la Résistance Populaire – en coordination avec les associations et les institutions de la société civile a fourni des bénévoles pour aider dans la cueillette des olives dans toutes les régions de Gaza.

« En septembre et en octobre, nous avons aidé les producteurs à cueillir les fruits de 150 oliviers à travers toute la Bande de Gaza, principalement les régions longeant la zone tampon. Cette année, les forces de l’occupation n’ont pas ouvert le feu sur nous comme ce fut le cas l’an dernier pendant la cueillette des olives au camp de réfugiés de Bureij, » nous a affirmé Saber Zaabeen, un responsable de l’initiative.

Pendant que nous parlions, un bus est arrivé sur la terre des Saadat. Cinquante personnes, hommes et femmes, sont venus pour cueillir les olives, un coup de main qui a clairement affiché l’enchantement sur les visages de Moussa et de Fatima.

Cette dernière qui, en guise de remerciement offrit aux bénévoles des clémentines explique : « Sans l’aide de ces jeunes gens, nous n’aurions pas été capable de cueillir les olives et nous aurions eu recours à l’engagement d’une main-d’œuvre qu’il faudrait ensuite payer avec la moitié de ce que nous rapporteraient les olives. »

Pour Houssam Radwan, directeur du Centre des Jeunes pour la Culture et le Développement, une association qui fournit des bus, des bouteilles d’eau ainsi que des bénévoles, la campagne de cueillette des olives qui touche le sud de la Bande de Gaza durera trois jours et ce, pour éviter qu’elles ne s’abîment davantage.

Il a déclaré à Al-Monitor : « Avoir un maximum de main d’œuvre bénévole aide à finir la récolte très rapidement, » tout en soulignant que son association travaille en collaboration avec Jabaliya Rehabilitation Society et Activists for Humanity and Popular Resistance.

L’arbre et l’occupation

Pas loin du terrain de la famille Saadat et seulement à une petite distance de la frontière, Al-Monitor est allé à la rencontre d’Abu Alaa Suweilem, un agriculteur qui raconte comment l’occupation israélienne a, en l’espace de deux guerres [celle de 2008/2009 et celle de novembre 2012], coupé et détruit ses quelques 45 arbres.

« L’occupation a détruit 30 dounams [7.4 acres] de la terre que j’ai héritée de mon père. A présent, c’est une terre aride que personne ne peut accéder, » déplore Suweilem.

D’après les chiffres du Ministère de l’Agriculture de Gaza, communiqués à Al-Monitor, les forces de l’occupation ont détruit 3.36 millions d’arbres et plus de 70.000 dounams [17.2920 acres] de terres agricoles dans la Bande de Gaza depuis le déclenchement de la seconde intifada en 2002, encourant des pertes qui ont atteint $1 milliard.

Tout en nous montrant sa terre qui a été plantée d’agrumes, d’olives et de poivrons, Suweilem ajoute : « Il ne reste que ces 1.5 dounams [0.37 acres] parce qu’ils sont un peu éloignés de la frontière. Toutefois, lors des incursions ou des menaces d’invasions, je m’abstiens d’y accéder. Plusieurs de mes voisins sont morts sur leurs terres. »

L’agriculteur a par ailleurs expliqué que les bulldozers de l’occupation ont épargné les grands oliviers, restés comme ils sont. Après la guerre de 288-2009, Suweilem a planté d’autres oliviers, mais plus petits. Il déplore : « Je fais mes adieux à chaque arbre que je plante car je suis conscient qu’à la prochaine guerre, ils seront déracinés et détruits. »

Et d’ajouter : « La cueillette d’olives de cette saison est faible. La récolte est largement au-dessous de ce que nous escomptions. Avec l’aide de mes fils et mes filles, nous travaillons actuellement à saumurer une partie des olives et à presser l’autre partie pour obtenir de l’huile.

Sweilem explique qu’il existe trois types d’olives, et c’est des olives du premier choix qu’on extrait des quantités importantes d’huile. Toutefois, ajoute-t-il « la plupart des oliviers avaient été déracinés par les bulldozers des forces de l’occupation. »

A peine a-t-il terminé sa phrase que nous avons entendu le bruit de tirs en provenance du côté israélien ; un phénomène fréquent destiné à effrayer les habitants locaux. « Les tirs ont commencé. Si une balle perdue touche le tronc d’un olivier, il se dessèchera et mourra, tout comme l’homme, » lança-t-il furtivement.

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Abu Alaa Suweilem cueille les olives à Beit Hanoun, Bande de Gaza, le 22 octobre 2013 (Photo by Sami Haven.)

Pénurie d’eau

Joseph Kodeih est un expert agricole qui déclare à al-Monitor que la récolte d’olives de cette année représente le tiers de la cueillette de l’an dernier. Les causes sont directement liées à la mauvaise qualité, sinon la pénurie d’eau ainsi que le manque d’argent pour acheter les pesticides qui protègent les arbres.

« Les fermiers dont les terres longent les frontières sont ceux confrontés aux épreuves et difficultés majeures dans l’entretien des arbres qui, pour la plupart, ne donnent plus de fruits. »

Lorsque Moussa et Fatima se sont lassés d’examiner les olives, ils se sont retournés vers l’horizon pour voir leurs oliviers inaccessibles, situés au loin. Une vue qui les a replongés dans leurs olives, et dans la poursuite du tri.

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* Asma al-Ghoul est journaliste et écrivain, du camp de réfugiés de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza.

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27 octobre 2013 – Al Monitor – Vous pouvez consulter cet article en anglais à :
http://www.al-monitor.com/pulse/ori...
Traduction : Info-Palestine.eu - Niha