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L’Aïd apporte sa joie aux enfants assiégés de Gaza
samedi 19 octobre 2013 - Asma al-Ghoul
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Des enfants qui célèbrent l’Aïd al-Adha (Fête musulmane du sacrifice) à Gaza, le 15 octobre 2013 (photo par Twitter/@Bnno88)

Entrés gratuitement ou bien avec des tickets ne dépassant pas les cinquante centimes, des enfants jouaient aux jeux électroniques tandis que d’autres sautaient et se jetaient sur les jeux et châteaux gonflables.

Al-Monitor s’est approché de Mahmoud al-Jaroushe, 15 ans, Mohammed al-Aajle, 14 ans, Rafic Irshi, 12 ans, et Youssef Sakik, 11 ans, un groupe de garçons qui attendait pour monter dans le train électrique. « Nous sommes très heureux et enthousiastes de pouvoir passer tous les jours de l’Aïd ici. Il y a plusieurs jeux et l’endroit est très proche de nos maisons, » déclare Jaroushe. Pour sa part, le petit Aajle a ajouté : « D’habitude, les parcs d’attractions se trouvent très loin de chez nous, donc nous passions notre temps dans les restaurants. Cette année, heureusement que le parc est à proximité. »

Malgré le divertissement dans le parc, les amis ne cachent pas leur agacement. En effet, les enfants reçoivent traditionnellement de l’argent durant les fêtes : « Nous savons tous que l’Aïd al-Adha est une fête du sacrifice où nous égorgeons les moutons pour manger la viande, et c’est pourquoi, il n’y aura pas d’argent. »

Quant aux filles, elles rêvent d’un autre type de parc d’attractions. Aya al-Dayeh est une jeune de 19 ans qui se promène avec copines dans le parc. Elle avoue à Al-Monitor : « Je souhaite que l’on mette en place un parc d’attractions pour filles uniquement afin que nous puissions nous reposer et nous amuser comme nous le souhaitons. » Son amie, Manal al-Bahtiti, âgée de 19 ans aussi a estimé : « Nous les filles, nous avons besoin d’être libres de nous relâcher, de nous détendre, de courir et de jouer. Pourquoi cette chance est-elle donnée aux enfants seulement ? »

Une autre amie, Safaa al-Zoq, 20 ans, avoue que les filles ont par hasard remarqué le parc : « Nous rentrions de l’université lorsque nous avons découvert ce parc d’attractions. Nous étions étonnées de voir que l’endroit qui, il y a quelque temps, n’était que décombre se transformer en une belle aire de jeu aux couleurs vives et splendides »

Par ailleurs, le responsable du parc, Osama al-Safdi, a expliqué que ce terrain qui appartient au gouvernement fut réduit en décombres par les forces israéliennes durant la dernière guerre. Le gouvernement a fait don du terrain dès qu’il a été déblayé. En échange, la ville de Gaza devait en faire un parc d’attractions et y placer des jeux et des manèges pour accueillir les gens pendant l’Aïd al-Adha. L’entrée du parc est à un prix symbolique et gratuite pour les familles des martyrs et des blessés.

Mouton ou vache

L’Aïd al-Adha commence par l’abattage d’un mouton, d’une vache ou d’un veau au seuil de la maison ou bien dans un endroit spécifique pour ce rituel. La viande est ensuite distribuée suivant la loi Islamique, avec un tiers offert aux nécessiteux et un tiers aux proches. La personne qui abat son propre mouton garde le tiers restants.

Et pour se procurer l’animal destiné à l’abattage le jour de la fête, il existe plusieurs fermes. Les gens passent les acheter et chacun ramène son animal chez lui à la veille ou à l’avant-veille de l’abattage qui devra avoir lieu durant l’un des trois jours de la fête, mais généralement le premier jour.

Dans la région de Zamo, près de la frontière avec Israël, se trouve la ferme de Mohamed Hussein Abdullah. Parti le voir, Al-Monitor a trouvé le fermier en train d’essayer de faire monter un taureau dans un camion pour le transporter. La tâche est cependant loin d’être une mince affaire car à chaque fois que le taureau s’approchait du véhicule, il se retournait et refusait de laisser qui que ce soit l’approcher. Après plusieurs tentatives, la bête a quitté l’enclos mais au lieu de monter dans le camion, elle s’est dirigée vers la porte. Tous ceux qui étaient là ont couru pour le rattraper et environ dix hommes l’ont entouré et se sont mis à hurler pour le calmer et le forcer à se mettre dans le transport qui le mènera vers sa destination finale.

« Les taureaux sont très dangereux, » indique le propriétaire de la bête. « L’an dernier, mes deux bras ont été fracturés parce que je voulais mettre un taureau dans un camion, » poursuit le fermier qui explique qu’il y a des cris particuliers qui parviennent à calmer la bête et à la contrôler.

« Tout au long de l’année, nous travaillons à engraisser et à prendre soin des taureaux en prévision de la saison des fêtes, notamment de l’Aïd, » souligne Abdullah. Il a révélé que les taureaux sont importés via Israël, plus souvent en provenance de la Belgique. Chaque année, la ferme vend environ 250 têtes de taureaux et de moutons. Cette année, cependant, Abdullah avoue avoir vendu 35 têtes seulement, une baisse inattendue due principalement à la détérioration de la situation économique.

Dans la même ferme, Abu Kamal Saleh, la soixantaine, montre un taureau blond belge dans l’enclos en affirmant : « Mes fils et moi avions acheté ce taureau il y a quelque jours. Il pèse environ 600kg pour le prix de 3.200$. »

Un des moutons de la ferme a été installé dans le coffre d’une Jeep. Il a été acheté par Om Imad Shehade, 50 ans, accompagnée par son mari. Elle confie à Al-Monitor : « Cette année nous avons été incapables d’acheter un mouton à cause du retard dans le paiement de nos salaires. Nous avons donc convenu de cotiser avec notre fils aîné pour payer 500$. » Le benjamin de Om Imad, Mahmoud (11 ans) a affirmé que dès son arrivée à la maison, il placera avec son frère le mouton à la terrasse et il lui achètera l’orge pour le nourrir.

Les habitudes des femmes

Pour les femmes de Gaza, l’Aïd al-Adha apporte ses propres joies. La plupart des femmes vont chez les coiffeuses, et en l’absence d’hommes, elles pourront prendre le temps de se faire belles pour la fête. « Je ne ressens pas l’esprit des jours fériés jusqu’à ce que mes cheveux soient coupés et teintés, » avoue Hanaa, 22 ans, professeur de langue Arabe.

Al-Monitor a repéré un salon de beauté dans la ville de Gaza, très animé par des femmes de tout âge. « Le salon connait une forte affluence à seulement quelques jours de l’Aïd car toutes les femmes et les jeunes filles souhaitent teinter et couper leurs cheveux, » révèle Amany qui travaille dans le salon. Ce jour, seulement trois personnes travaillaient dans le salon, c’est pourquoi les femmes devaient attendre leur tour.

Pas très loin de la coiffeuse, la rue Omar al-Mokhtar est bondée de familles et d’acheteurs de dernière minute cherchant à trouver des vêtements avec les bonnes tailles et à des prix raisonnables.

La détérioration de la situation économique résultant du blocus dévastateur imposé par Israël et actuellement par l’Égypte oblige les Palestiniens à modifier leurs habitudes des achats. « Chaque Aïd est pire que celui de l’année d’avant en termes d’économie ainsi que de climat social. Cette année, les prix ont tellement flambé que nous avons choisi d’acheter des vêtements des échoppes où les prix sont moins chers que dans les boutiques, » déplore Om Wassim à Al-Monitor au moment où elle achetait de nouveaux vêtements à ses filles, Nadine, 13 ans, et Shorouk, 20 ans.

Les rues de Gaza restent bondées de personnes de jour comme de nuit. Les vendeurs ambulants remplissent les trottoirs et étalent leurs marchandises à prix réduits. De temps en temps, la lumière parvenant du parc d’attractions « Liberté » jettent des reflets rouges et jaunes sur les étals des vendeurs, donnant à l’Aïd un certain éclat de joie au milieu des moments difficiles.

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* Asma al-Ghoul est journaliste et écrivain, du camp de réfugiés de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza.

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16 octobre 2013 - Al Monitor - Vous pouvez consulter cet article en anglais à :
http://www.al-monitor.com/pulse/ori...
Traduction : Info-Palestine.eu - Niha