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« Guerre contre les armes chimiques » : comment Obama s’est laissé piéger dans le conflit syrien
jeudi 29 août 2013 - Pepe Escobar
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Une image téléchargée à partir du site Web américain de l’US Air Force montre des Falcons F-16 de combat, appartenant aux escadrons de chasse 35 et 80 - Photo : AFP

Les chiens de guerre aboient et la caravane ... est bombardée à coup de missiles Tomahawk. Au milieu d’une hystérie hors de contrôle, les fameux « officiels US anonymes » tournent comme des centrifugeuses devenues folles.

« L’opération énergique » d’Obama sur la Syrie tombera du ciel « dans les prochains jours. » Ce sera « limité », cela durera seulement « trois jours » ou « pas plus de deux jours. » On « enverra un message », une « attaque tranchante et courte » contre moins d’une cinquantaine de sites sur une liste de cibles.

Mais des bombardiers à long rayon d’action peuvent « éventuellement » rejoindre le barrage de missiles Tomahawks, et tous les paris sont ouverts.

Les proverbiaux et anonymes « responsables de l’administration » ont même souligné le « désir d’en finir avec ça avant que le président ne parte pour la Russie la semaine prochaine. »

C’est tout. Nous bombardons un pays comme nous livrons une pizza, puis nous allons à un sommet du G20 avec les puissances émergentes du monde, organisé par rien de moins que le président de la Russie, Vladimir Poutine. Tout simplement parce que nous avons besoin de prouver que le président des États-Unis pensait réellement ce qu’il disait : les armes chimiques sont une ligne rouge. Et au diable de savoir qui est responsable de leur utilisation.

Je ne l’invente pas. C’est le cœur du message du porte-parole de la Maison Blanche Jay Carney, quand il a dit, en parfaite novlangue : « Les options qui sont envisagées ne mettent pas l’accent sur ​​le changement de régime. »

Donc, l’administration de « droit constitutionnel »de Barack Obama est en train de réfléchir à comment attaquer la Syrie, en contournant le Conseil de sécurité des Nations unies - qui mettra son veto, par l’intermédiaire de la Russie et de la Chine, à la nouvelle résolution proposée par le Royaume-Uni - en contournant la toujours docile OTAN, et avec 91% des Américains opposés. Juste pour envoyer un message politique (explosif). Et tout cela parce qu’un président américain a été assez stupide pour se laisser piéger par sa propre rhétorique.

Vous vous souvenez de l’Irak ?

Appelez ça un 10ème anniversaire spécial : c’est l’Irak de 2003 qui recommence.

Le molosse de l’administration Obama apparemment en charge de promouvoir la guerre est le secrétaire d’État John Kerry. Ici, Gareth Porter démystifie soigneusement les jeux de Kerry - et ses mensonges. Pas étonnant si Kerry est affecté du syndrome à la Powell - lorsque « l’abusé » Colin Powell avait dans son infâme discours à l’ONU en février 2003, dit au monde que Saddam Hussein avait des tonnes d’armes de destruction massive. Mais contrairement à Powell, Kerry sait exactement ce qu’il fait.

La Maison Blanche promet une « révélation » d’ici jeudi, « en anticipation » du bureau du directeur du renseignement national. Pourtant, le cœur de la question est que les inspecteurs des Nations Unies pour les armes chimiques n’ont pas eu le temps d’identifier quelle sorte d’arme chimique est impliquée dans l’attaque dans Ghouta (du gaz sarin ou autre chose), où elle a été fabriquée, comment elle a été répandue (éventuellement par des roquettes artisanales), et - la dernière question mais non la moindre - qui l’a fait.

Il est impératif de se rappeler que la Russie a présenté un rapport de 80 pages le mois dernier au Conseil de sécurité de l’ONU, détaillant des preuves sérieuses selon quoi les « rebelles » étaient derrière l’attaque du 19 mars à Khan al-Assal. C’est la raison pour laquelle les inspecteurs se trouvent en Syrie aujourd’hui. Donc, l’administration Obama ment effrontément quand elle insiste pour dire qu’il est « trop tard » pour les inspecteurs pour enquêter sur la dernière attaque.

Cette fois cependant, la Russie n’a pas collecté suffisamment de preuves, car c’est encore trop tôt. Sinon, l’Ambassadeur Vitaly Churkin s’exprimerait devant la presse, comme il l’a fait le mois dernier.

Ces enquêtes prennent du temps. Et leurs résultats ne peuvent être fixés à l’avance pour des raisons politiques.

« Identifier » les faits

Suivons une piste qui est beaucoup plus plausible que la version vendue par Washington.

Le renseignement israélien a divulgué à un journal koweïtien que Benny Gantz, le Chef d’état-major des Forces de défense israéliennes (FDI), avait remis à son bon copain Martin Dempsey de l’état-major US, des « documents et des photos » valant preuves de la culpabilité du gouvernement syrien. Sans doute, ce sera le cœur de la « révélation » de la Maison Blanche ce jeudi.

Les preuves en question indiquent que des roquettes ont été lancées à partir d’un « poste de l’armée syrienne près de Damas » - en un lieu que le chercheur finlandais Petri Krohn, qui mène actuellement une enquête minutieuse, a définitivement placé comme occupé par les « rebelles » depuis juin (faites défiler la souris jusqu’à « Qaboun rocket launches »).

Ajoutez à cela le démantèlement par le ministère de la Défense à Bagdad il y a un mois, d’une cellule d’Al-Qaïda en Irak, qui avait l’intention de lancer des attaques en Irak et à « l’étranger », comme en Syrie, en utilisant des armes chimiques.

Selon Faleh al-Fayyad, responsable irakien à la sécurité nationale, Jabhat al-Nusra (al-Qaïda en Syrie) pourrait avoir accès à volonté à ces produits chimiques.

Nous avons donc ici tous les éléments d’une opération sophistiquée sous une fausse bannière. Les djihadistes de Jabhat al-Nusra, pour la plupart des mercenaires liés à al-Qaïda en Irak, mais sans aucun lien avec les civils syriens, utilisent avec femmes et enfants une zone anciennement occupée par l’armée syrienne pour lancer une attaque chimique - peut-être à l’aide de chlore - sous la couverture d’une offensive syrienne (admise par le gouvernement). Cette offensive a été baptisée « Opération bouclier de la ville. » Damas avait de solides renseignements sur des dizaines de « rebelles » formés par la CIA et les Saoudiens en Jordanie, en train de converger dans la région et de planifier une attaque massive sur la capitale.

Ensuite, il y a Bandar bin Sultan, le tsar des services de renseignement en Arabie saoudite, et sa menace au président Poutine dans leur célèbre rencontre de quatre heures plus tôt ce mois-ci : la solution militaire est la seule qui reste pour la Syrie. Bandar (surnommé « Bandar Bush ») un maître dans l’art des coups fourrés, est en charge de « gagner » la Syrie au profit de la Maison des Saoud par tous les moyens, chimiques ou autres.

Tout inspecteur d’armes chimiques des Nations Unies un tant soit peu sérieux, suivrait la piste que nous évoquons. Mais il ne le pourrait pas - à cause des pressions politiques américaines (puisque « c’est trop tard »). Il ne le pourrait pas non plus parce que Washington veut que les inspections cessent juste après avoir commencé - comme dans un rapide remix, une fois encore, de l’Irak en 2003 - tordant les faits au profit d’objectifs politiques.

Déconstruire les magouilles d’Obama

Donc, nous devons revenir à la politique du type : « nous bombardons parce que nous le voulons. » Quel est exactement le jeu d’Obama ?

Le journal de Tel Aviv, Yedioth Ahronoth, comme je l’ai déjà indiqué veut vraiment que Washington aille attaquer les sites d’armes chimiques en Syrie - indépendamment des possibles et horribles « dommages collatéraux », pour ne pas mentionner la possibilité que des djihadiste liés à al-Qaïda en prennent en partie le contrôle.

Le projet d’Israël est de voir la Syrie tomber dans un chaos sanglant et total dans un avenir proche. Ce qui n’est pas le même projet que celui de la maison des Saoud, qui veut un changement de régime. Ce qui n’est pas le même projet que celui de l’administration Obama. À première vue, c’est un changement de régime aussi, mais le Plan B d’Obama parle de « niveler le terrain de jeu », ce qui s’intègre finalement dans le projet israélien.

Quant au président Obama, il fixe une « ligne rouge » floue sans contexte - juste pour apaiser ses désemparés mais influents néo-cons, pour ne pas mentionner les faucons libéraux/ interventionnistes/humanitaristes qui l’entourent - sans égard pour les conséquences, ce qui relève de l’irresponsabilité pénale.

Certes, le QI d’Obama, en théorie, devrait lui donner les moyens de savoir que lancer une autre guerre au Moyen-Orient est la dernière chose dont il a besoin. Dans le même temps, quand on regarde son dossier, nous savons qu’il n’a pas les couilles nécessaires pour faire face à l’impressionnant Parti de la guerre - qui comporte aussi la mini-coalition des volontaires allant des opportunistes nostalgiques de leur empire comme la Grande-Bretagne et la France, jusqu’aux acteurs à sang froid poursuivant leurs programmes à eux, comme Israël et la maison des Saoud.

Et tout cela après qu’Obama ait annoncé qu’il allait militariser les « rebelles » - en fait qui dure depuis des siècles, entièrement supervisé par Bandar Bush. Les gangs rebelles infiniment hargneux se sont encore plus fractionnés au niveau de sous-bandes de pillards et d’assassins, avec les djihadistes les plus organisés promettant qu’après l’attaque de Ghouta, ils tueront à vue tout Alaouite.

Obama sait que ces gens-là ne rigolent pas. Le seul pas supplémentaire pour lui - « Assad doit s’en aller » - c’est une attaque militaire américaine. Fondamentalement, Assad le sait aussi, c’est pourquoi l’idée qu’ Assad donnerait son aval à une attaque aux armes chimiques est au-delà du ridicule.

Donc, si nous prenons l’administration Obama au mot - à nos risques et périls - ils s’en foutent de savoir si oui ou non des armes chimiques ont été employées. Mais en même temps, ils ne veulent pas de changement de régime. Ils veulent une campagne de bombardements pour remplir une « obligation morale », et pour booster de façon horrible la crédibilité vacillante de Washington. L’exceptionnalisme américain est censé reposer sur la « pureté d’intention », « la crédibilité. » - Comme si la pureté était inhérente à l’exercice implacable de la puissance géopolitique.

Les États-Unis et Israël imaginent être parfaitement renseignés, et savoir exactement où toutes les armes chimiques de la Syrie sont stockées. Pourtant, si quelque chose peut tourner mal, cela arrivera à coup sûr. Nous avons tous pensé que la « guerre contre le terrorisme » n’a pu être vendue que comme concept vide de sens. Faux : voyez maintenant la « guerre contre les armes chimiques. »

Au milieu de toute cette hystérie, nous ne parlons même pas d’une réplique venant de Damas elle-même, du Hezbollah, de l’Iran ou, surtout, de la Russie. Moscou et Téhéran jouent aux échecs comme des ninjas - car ils voient clairement la possibilité pour Washington de tomber dans un nouveau filet. Tout ce qu’il faudra, ce sera un seul Onyx SS-N-25 - également connu sous le nom de Super-Sunburn SS-22, le plus rapide missile hypersonique anti-navire dans le monde et qui fait partie de l’arsenal de Syrie - qui réussisse à couler un navire de guerre américain. Alors quoi ? À nouveau le Choc et l’Effroi ?

Donc, si nous prenons la Maison Blanche au mot, cette frappe « limitée » se terminerait après quelques jours. Elle peut aussi dégénérer en quelque chose de plus infernal que l’Irak en 2003. Quelques jours seulement avant le 12e anniversaire du 11/9, nous allons voir Obama, le lauréat du prix Nobel pour la Paix, se battre aux côtés de ... Al-Qaïda. Pourquoi ? Parce que, ensemble, yes, they can !.

* Pepe Escobar est l’auteur de Globalistan : How the Globalized World is Dissolving into Liquid War (Nimble Books, 2007) et Red Zone Blues : a snapshot of Baghdad during the surge. Son dernier livre vient de sortir ; il a pour titre : Obama does Globalistan (Nimble Books, 2009).

Du même auteur :

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28 août 2013 - Russia Today - Vous pouvez consulter cet article à :
http://rt.com/op-edge/war-chemical-...
Traduction : Info-Palestine.eu - al-Mukhtar