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Kerry s’est servi de la Ligue arabe pour faire plier les Palestiniens
mardi 30 juillet 2013 - Nicola Nasser
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Kerry a dit que le meilleur moyen de donner une chance aux discussions est de les garder « privées ». (Photo : WAFA)

Lors de sa sixième tournée de Secrétaire d’État dans la région, Kerry a fait une chose d’inhabituelle. Au lieu de visiter Israël, comme il le fait toujours, il l’a laissé hors de son itinéraire, décidant plutôt de tenir la plupart des discussions dans la capitale jordanienne Amman. Sur place, il a discuté avec le président palestinien Mahmoud Abbâs ainsi qu’avec les membres du FCAPI. Alors que les discussions avançaient, il est devenu clair que Kerry ne se focalisait plus sur Israël, le pays qui a torpillé toutes les recherches de paix précédentes, mais sur l’OLP. Son objectif était de faire que cette dernière offre plus de concessions que toutes celles acceptées dans le passé.

Pour y parvenir, Kerry a voulu que le FCAPI accepte ces concessions pour le compte des Palestiniens, une nouvelle tactique qui peut marcher - ou non - mais qui a réussi jusqu’à présent à causer des divisions et une consternation généralisée dans les cercles palestiniens. La tactique n’est pas totalement nouvelle, car elle rappelle la façon dont les diplomates US ont utilisé la Ligue Arabe dans le passé pour justifier une intervention étrangère pour des changements de régime dans des pays tels que l’Irak et la Libye.

Parlant après une rencontre avec Kerry à Amman, les diplomates du FCAPI exprimèrent leur « grand soutien » aux efforts de Kerry pour ressusciter les pourparlers. Leurs remarques furent considérées comme une « victoire » pour Kerry, d’après Associated Press. Ce fut un « succès » pour sa diplomatie, ajouta le New York Times. Kerry, de son côté, annonça que l’écart « se réduisait » entre les Palestiniens et les Israéliens, et qu’il suffisait maintenant « d’aplanir » quelques obstacles.

Mais pour les Palestiniens, aplanir ces obstacles va être un sacré boulot. On dit que le négociateur en chef de l’OLP Saeb Ereikat a eu une rencontre « orageuse » avec la direction de l’OLP à propos des propositions de Kerry. L’OLP, dos au mur, forme maintenant un groupe de travail pour décider de ce qu’il faut faire sur les pourparlers.

Tout ceci est sans précédent. Dans le passé, le FCAPI s’inspirait des Palestiniens. Quand les Palestiniens étaient face à des demandes de concessions qu’ils répugnaient à faire, ils disaient poliment qu’ils devaient consulter le FCAPI, qui rejetait courtoisement les propositions inacceptables. Maintenant le FCAPI les met dans le pétrin en acceptant des concessions avant même que les Palestiniens aient eu le temps de les discuter sérieusement.

Faute du soutien du FCAPI aux négociateurs de l’OLP, ces derniers n’ont pas eu d’autre choix que d’accompagner les propositions de Kerry. Vendredi, le secrétaire d’État US a exprimé sa satisfaction sur les plans actuels pour que les Palestiniens et les Israéliens discutent à nouveau d’un accord sur un « statut final ». Il a invité l’OLP et Israël à envoyer des négociateurs à Washington prochainement pour discuter des détails de l’accord. Des hauts responsables de l’OLP ont dit à l’AFP que Kerry est décidé à déclarer le redémarrage des discussions avant de quitter la région.

La porte-parole du département d’État US Jen Psaki avait dit aux journalistes que sauf si des progrès étaient faits lors de la sixième visite de Kerry dans la région, il ne ferait plus d’autres visites. Autant qu’on comprenne, ceci sonne comme une menace non voilée pour faire pression sur Abbas et son négociateur en chef et pour les forcer à coopérer.

Pendant ce cycle de discussions, Kerry n’a donné aucune chance à Abbas de jouer sur le temps. Au lieu d’attendre qu’Abbas aille discuter avec le FCAPI, Kerry a amené les diplomates de la Ligue Arabe à Amman et les a conduits à accepter ses propositions sans consultation préalable avec l’OLP.

À Amman, les membres du FCAPI ont publié une déclaration disant que les idées de Kerry pour le redémarrage des pourparlers formaient une « fondation appropriée » pour de futures négociations. Le sceau d’approbation du FCAPI a mis l’OLP dans une position difficile. Abbas, incapable de se libérer de ce calvaire diplomatique, est resté silencieux. Mais son silence, selon le dicton arabe, a été perçu comme un « signe d’approbation ».

Pourtant, la situation va certainement déclencher du dépit au retour, où la plupart des leaders de l’OLP sont opposés aux propositions de Kerry. Cependant, ils savent qu’un franc rejet de ces propositions peut déclencher une réaction déplaisante des USA, voire des sanctions.

Abbas attend de donner sa réponse après des consultations avec la direction de l’OLP. Selon toute vraisemblance, cette dernière devra accepter, malgré ses profondes réserves sur les propositions de Kerry.

Au final, le FCAPI a laissé tomber les Palestiniens, et ce n’est pas la première fois que ceci a lieu. Le 29 avril, une délégation du FCAPI à direction Qatarie a offert à Kerry l’équivalent d’un consentement à un échange de terres [palestiniennes] lors d’une rencontre à Washington. Les critiques du FCAPI notèrent correctement que ce pas était extraordinaire, car le FCAPI n’est pas autorisé à faire de telles concessions. Seul le sommet arabe, qui a publié l’Initiative de paix arabe, est habilité à faire des amendements à cette initiative. Simple Comité de suivi, le FCAPI avait outrepassé son mandat.

Israël, bien sûr, est satisfait de voir le FCAPI faire des concessions que les Palestiniens ne semblent pas vouloir faire. Tzipi Livni, à l’époque Ministre israélienne des affaires étrangères, décrivit la déclaration du FCAPI comme de « bonnes nouvelles ».

L’analyste libanais Ziad Al-Sayegh a écrit récemment qu’« après l’échec de l’internationalisation des pourparlers [via le Quartet], nous nous dirigeons vers une régionalisation des pourparlers [via la Ligue Arabe] ». Un symptôme de cette régionalisation est que l’échange de terres, très largement rejeté par les Palestiniens, obtient maintenant le sceau d’approbation de la Ligue Arabe.

Jeudi dernier, l’agence de presse jordanienne Petra a cité le chef de la Ligue Arabe, Nabil Al-Arabi, disant que « le plan américain concernant le processus de paix est basé sur trois axes : politique, économique et sécuritaire ». Le journal israélien Yediot Ahronot a offert ensuite une interprétation intéressante de cette déclaration. L’axe politique, disait-il, était le retour des pourparlers. L’axe sécuritaire allait être laissé à la discrétion des hauts dirigeants US. Et l’axe économique signifierait beaucoup plus d’aide à l’Autorité palestinienne.

Au cours de sa dernière tournée dans la région, Kerry n’a rien dit des colonies israéliennes. Il n’a pas non plus objecté quand Israël a déclaré des plans pour construire 732 unités de colonisation dans la colonie de Modi’in Illit à Jérusalem Ouest. Pour lui, ce n’était même pas une ondulation valant la peine d’être aplanie. Pire, le FCAPI n’a pas semblé concerné par le programme actif de constructions israéliennes et il n’a même pas mentionné que de futurs pourparlers devraient être focalisés sur un accord pour deux Etats basés sur les frontières de 1967.

Vendredi dernier, Kerry a dit que le meilleur moyen de donner des chances aux pourparlers était de les maintenir « privés ». Si bien qu’il a refusé de révéler les détails de son plan, et le FCAPI n’a rien eu à dire. Pour le moment, la direction de l’OLP garde aussi ses cartes dans sa poche.

* Nicola Nasser est un journaliste arabe qualifié basé à Bir Zeit, Cisjordanie, Territoires Palestiniens Occupés. Contact : nassernicola@ymail.com. Cet article a été d’abord publié et traduit de l’arabe par Al-Ahram Weekly.

26 juillet 2013 - The Palestine Chronicle - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.palestinechronicle.com/k... - Traduction : JPB - CCIPPP