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Pour Obama, il y a des enfants qu’il est légitime de tuer
mardi 16 avril 2013 - Ralph Nader
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Des villageois afghans veillent les corps des enfants tués lors d’un raid aérien américain dans la province de Kunar - 7 avril 2013 - Photo : Reuters via RT

Il a probablement pris cette décision lors de ce que ses collaborateurs décrivent comme la routine hebdomadaire du « Mardi de la Terreur » à la Maison Blanche. Ce jour-là, Obama reçoit des conseils sur les « militants » qui doivent être tués ou non par des drones ou des avions à des milliers de là. Même si des zones d’habitation éloignées des zones de guerre sont souvent détruites, en violation flagrante des lois de la guerre, le président n’est nullement découragé.

Ces frappes aériennes décidées par Obama sont lancées en sachant très bien que très souvent il y a des « dommages collatéraux » [expression profondément méprisante et déshumanisante à l’égard des malheureuses victimes - NdT], qui est une forme de « terrorisme désolé. » Comment le président peut-il justifier le massacre d’une douzaine de jeunes garçons afghans qui ramassaient du bois pour leurs familles, sur une colline ? Les espions locaux doivent avoir perdu la tête à la perspective de tous ces billets de 100 $ touchés en récompense.

Imaginez un frappe aérienne directe tuant et blessant des dizaines de personnes dans un cortège funèbre à la suite d’une précédente attaque mortelle qui est justement à l’origine de cette procession endeuillée. Souvenez-vous de l’attaque décidée par Obama en décembre 2009 contre un prétendu camp d’entraînement d’Al-Qaïda au Yémen, en utilisant des missiles tomahawk et - notez-le bien - des bombes à fragmentation, qui ont tué 14 femmes et 21 enfants. Encore et encore du terrorisme « tellement désolé », ravageant des familles entières loin des champs de bataille.

S’il s’agit d’une guerre, pourquoi le Congrès n’a-t-il pas déclaré la guerre en vertu de l’article 1, Sec. 8 de la Constitution américaine ? L’autorisation du Congrès en 2001 d’utiliser la force militaire n’est pas une autorisation ouverte pour le président. Elle a été limitée à cibler uniquement les nations, organismes ou personnes qui auraient clairement été impliqués dans les massacres du 11 septembre, ou qui protégeraient des organisations ou des personnes complices.

Depuis plusieurs années, la Maison-Blanche, y compris le général à la retraite James Jones, ont déclaré qu’il n’y a pas de véritable structure opérationnelle d’Al-Qaïda en Afghanistan. Les talibans pakistanais sont en conflit avec le gouvernement pakistanais. Les talibans afghans sont engagés dans un conflit violent avec le gouvernement afghan et veulent expulser les forces américaines considérées comme des forces occupantes, tout comme leurs prédécesseurs ont expulsé les envahisseurs soviétiques. Les talibans ne représentent pas de menace imminente pour les États-Unis

L’ambassadeur d’Obama au Pakistan, Cameron P. Munter, se plaignait devant ses collègues à propos des attaques par drones de la CIA, disant « qu’il n’avait pas compris que sa tâche principale consistait à tuer des gens ». Il savait comment de telles attaques par drones qui tournent 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 sur des millions de gens apeurés et leurs enfants terrifiés, produisent de graves retours de bâton qui ne font qu’envenimer les choses et pour de nombreuses années.

Même un loyaliste comme William M. Daley, le responsable de l’équipe autour d’Obama en 2011, a fait observer que les listes des meurtres commandités par Obama présentaient de moins en moins de signification. « Un gars est mis hors circuit, et le chauffeur particulier du gars en question, qui était n ° 21, devient alors le numéro 20 ? » demande Daley, décrivant le débat interne. « À quel point êtes-vous simplement en train de remplir le seau avec des chiffres ? »

Pourtant, ces massacres totalement illégaux par un Obama apparemment obsédé, se poursuivent et incluent toute personne dans le voisinage d’un « suspect » dont le nom n’est pas encore connu (qui sont appelés « les signatures des frappes »), ou sont des erreurs flagrantes, comme les récents assassinats par attaques aériennes de nombreux soldats pakistanais et de quatre policiers afghans - considérés pourtant comme nos alliés. La liste des meurtres par drones interposés s’allonge encore et encore - le nombre officiel de tués est de plus de 3000, sans compter les blessés.

Dans quelques semaines, le magazine The Nation publiera un important rapport sur les victimes civiles des forces américaines en Afghanistan, qui devrait nous livrer de nouvelles informations.

Changement de lieu et de décor à présent. Lundi dernier, le Président Obama s’est rendu pour la seconde fois à Newtown, au Connecticut. C’est ce même président qui, en sa qualité de procureur, de juge, de jury et de bourreau ayant donné la directive à ses drones secrets de tuer plusieurs enfants dans différents endroits du monde, s’est rendu auprès des parents et des proches des 20 enfants et six adultes assassinés par un tueur déséquilibré. Cette fois-ci, il est devenu le président compatissant qui distribue des mots apaisants et des étreintes.

Reste à savoir ce qui doit passer dans l’esprit du président lorsqu’il feuillète le New York Times de ce jour en y voyant la photo d’une rangée de dix petits enfants afghans et de leurs parents déchiquetés. Comment pourra-t-il justifier l’occupation militaire continue dans ce qui est une guerre civile ? Il n’est donc pas étonnant que la majorité du peuple américain veuille un retrait d’Afghanistan, même sans une connaissance approfondie des pratiques horribles et macabres accomplies en notre nom et qui alimentent la haine rageuse de la guerre d’Obama.

Ce dernier qui, à partir de 2016 commencera à écrire son autobiographie lucrative, ne consacrera que peu de pages où il aura à expliquer comment il a pu pu endurer et gérer sa double vie. D’une part, il ordonnait ce qu’on appelle des attaques avec une extrême précision qui bien évidemment tueront de nombreux enfants innocents ainsi que leurs parents. D’autre part, il pleurait et déplorait les tueries et assassinats domestiques que connait son pays tout en prônant le contrôle sur les armes.

En sa qualité de donneur de leçons en droit constitutionnel, il peut se demander pourquoi il n’y a pas eu de « contrôle des armes » sous son mandant anarchique et hors de contrôle et ses attaques injustifiables qui n’ont fait qu’étendre et élargir les ramifications d’Al-Qaida, lesquelles continuent de causer des ravages en Irak, au Yémen, en Somalie, au Mali, en Afrique du Nord et partout ailleurs.

Al-Qaida en Irak s’est alliée avec un réseau en Syrie appelé « al-Nusra », ce qui va sans doute permettre à Obama de poursuivre ses exercices inutiles des « Mardis de la Terreur ». La CIA appelle la réaction à ce type d’opérations un « retour de bâton » car les conséquences imprévues portent atteinte à notre sécurité nationale sur le long terme.

Mais Obama est différent si l’on le compare à l’ancien Vice-Président Dick Cheney, un criminel récidiviste qui ne manque pas une seule occasion de rappeler qu’il n’a ni remords, ni regrets. Obama, lui, s’inquiète même lorsqu’il donne l’ordre pour une large escalade des attaques aériennes commencées par son prédécesseur George W. Bush. Dans son discours sur l’état de la Nation (State of Union speech), Obama avait appelé à un « cadre juridique et politique » devant guider « nos opérations d’anti-terrorisme », afin que « personne ne puisse juste nous croire sur nos bonnes paroles. » Certes, il se sert d’un bon prétexte pour se défendre de ses erreurs et ses bavures, mais cela prouve sans doute qu’il a besoin d’une certaine retenue. L’an dernier, il a confié à CNN que c’était « quelque chose avec lequel il fallait composer. »

Et même si le président parvient à soumettre le cadre légal proposé, ce n’est pas notre congrès dépourvu du moindre courage qui pourrait le soutenir dans sa démarche, ni prendre les mesures nécessaires pour mettre un terme aux lois secrètes, aux critères secrets de ciblage, à l’emprisonnement secret, à l’absence des procédures même pour les citoyens américains, aux camouflages secrets des sous-traitances illégales avec les entreprises, et pour promulguer d’autres réformes préventives.

Dans son interview accordée à la CNN, M. Obama a reconnu qu’il est « facile de glisser dans une situation qui vous mène à la transgression des lois, en pensant que la fin justifie toujours les moyens. Ce ne sont pas les valeurs de notre pays. »

Malheureusement, c’est ce qu’il a fait en tant que président.

Tant que que le peuple américain ne se rendra compte qu’un président doit être soumis à l’état de droit et à notre Constitution, à nos lois et à nos traités, chacun des successeurs [d’Obama] poussera davantage le déficit financier causé par le non-respect des lois jusqu’à l’inévitable jour fatidique. C’est le destin de tous les empires.

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* Ralph Nader est un avocat défenseur des consommateurs et juriste, il est l’auteur de « Only the Super-Rich Can Save Us » [non traduit en français].

Du même auteur :

- Le cauchemar des prisonniers de Gaza - 4 mai 2013

12 avril 2014 - The Palestine Chronicle - Vous pouvez consulter cet article à :
http://palestinechronicle.com/two-o...
Traduction : Info-Palestine.eu - CZ & Niha