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Les Israéliens torturent des enfants palestiniens
dimanche 15 avril 2007 - Nora Barrows-Friedman

Camp de réfugiés de Dheisheh, Cisjordanie occupée, 10 avril 2007 : Mohammed Mahsiri, un habitant du camp de réfugiés de Dheisheh en Cisjordanie occupée, est assis dans un café bondé, un keffieh rouge autour du cou et un portrait icone de Che Guevara sur son t-shirt noir.

Il raconte à l’Agence Inter-Presse IPS qu’il y a environ 1 an et demi il marchait dans la rue avec son ami quand des jeeps militaires israéliennes les ont encerclés, les soldats leur criant en hébreu de s’arrêter puis les forçant à entrer dans une des jeeps.

« J’ai été emmené dans un centre de détention et interrogé » raconte Mohammed. « L’interrogatoire a commencé à 14 heures et s’est terminé après 23 heures. J’ai été battu durant tout le temps de l’interrogatoire en particulier quand les soldats n’obtenaient pas les réponses qu’ils attendaient ».

« J’ai été envoyé pour être battu par d’autres soldats et obligé de rester debout sous la pluie habillé seulement de vêtements légers. Ils essayaient de me convaincre que j’avais fait quelque chose (ce qui n’était pas le cas) afin d’obtenir les aveux qu’ils attendaient. J’ai été torturé dans le centre de détention pendant un mois, puis je suis resté en prison pendant 13 mois. »

Des photos choquantes de torture dans les bases militaires américaines et les centres de détention en Irak et en Afghanistan ont scandalisé le monde entier mais les Palestiniens disent qu’ils ont subi des traitements similaires dans des centres d’interrogatoire israéliens et ce, depuis l’occupation de Gaza et de la Cisjordanie en 1967.

Mais l’histoire de Mohammed Mahsiri diffère. Il a subi des tortures physiques et psychologiques considérables aux mains des interrogateurs israéliens et des gardiens de prison et ce, alors qu’il n’avait pas encore 17 ans.

Ce que l’on voit et qu’on rapporte sur ce qui se passe dans les centres de détention et les camps de prisonniers est largement répandu ; selon des rapports de groupes des droits humains et des observateurs juridiques, les jeunes Palestiniens de moins de 18 ans subissent des violations systématiques de la loi internationale y compris la torture, les interrogatoires, les coups, les conditions de vie déplorables et pas d’accès à un procès équitable.

Selon les ordres militaires israéliens à l’intérieur de la Cisjordanie occupée et de Gaza, tout Palestinien de plus de 16 ans est considéré comme un adulte alors qu’en Israël l’âge d’un adulte est de 18 ans et ce, malgré le fait qu’Israël soit signataire de la Convention internationale sur les Droits des enfants qui définit ?enfants’ comme ceux qui ont moins de 18 ans.

De plus, les enfants palestiniens de plus de 14 ans sont jugés en tant qu’adultes dans un tribunal militaire israélien et sont emprisonnés avec des adultes. Cela représente également une violation directe de la loi internationale. Selon les derniers chiffres obtenus par un groupe indépendant, il y a 398 enfants palestiniens actuellement emprisonnés dans des centres de détention et des prisons israéliens. Ayed Abuqtaish, le coordinateur de recherche pour les bureaux de « Defense for Children International » à Ramallah a dit à l’IPS que le plus jeune enfant détenu en prison a juste 14 ans.

« D’habitude les troupes israéliennes pénètrent dans la maison de l’enfant au milieu de la nuit dans le but de faire peur à l’enfant et à sa famille » raconte Abuqtaish à l’IPS. « Beaucoup de soldats israéliens et de véhicules encerclent la maison et d’autres soldats envahissent ou pénètrent de force dans la maison ».

« Ils intimident l’enfant pour le préparer à l’interrogatoire. Quand celui-ci arrive au centre de l’interrogatoire, ils utilisent différentes méthodes de torture ».

Il y a des rapports multiples qui parlent de coups dit Abuqtaish, « mais actuellement ils se concentrent principalement sur la torture psychologique telle que la privation de sommeil ou de nourriture et d’eau ou le fait de le mettre à l’isolement ou même de le menacer de démolir sa maison ou d’arrêter les autres membres de sa famille. Les enfants ont également rapporté que les interrogateurs israéliens les avaient menacés d’abus sexuels ».

Israël a continuellement défendu sa politique d’interrogatoire à l’intérieur des centres de détention et des prisons en disant que c’était un outil nécessaire dans la guerre contre le terrorisme. En 1987, selon la Commission d’enquête israélienne Landau concernant la politique d’interrogatoire, l’Etat a déterminé « qu’un certain degré modéré de pression, dont la pression physique, afin d’obtenir des informations cruciales est inévitable dans certaines circonstances ».

« Israël est un Etat contractant de la Convention internationale contre la torture » dit Abuqtaish. « Dans ses rapports au comité, Israël dit toujours que leur utilisation modérée de pression physique est cohérente avec les obligations du traité mais, il est évident qu’une ?pression physique modérée’ est évidemment une torture en elle-même ». Les avocats impliqués disent que les enfants palestiniens dans le système pénitentiaire israélien ne bénéficient pas de défense juridique et que la plupart de leurs droits leur sont refusés.

Arne Malmgren, un avocat suédois, a travaillé en tant qu’observateur judiciaire dans les tribunaux militaires israéliens lors des procès d’enfants palestiniens. « Le système du tribunal israélien ne ressemble à aucun autre système de tribunal dans le monde » a raconté Malmgren à l’IPS. « Le personnel militaire israélien, le juge, le procureur et l’interprète sont tous en uniforme militaire. Il y a une quantité de soldats armés à l’intérieur du tribunal ».

« Les jeunes enfants entrent dans le tribunal menottés et enchaînés ; il peut y avoir jusqu’à sept enfants en même temps dans le tribunal. Un avocat a comparé cela à un marché de bétails. Le procès ressemble plus à un plaidoyer de marchandage : avant le début de la procédure, le procureur et l’avocat sont déjà arrivés à un accord en ce qui concerne la condamnation de l’enfant et ils demandent simplement au juge son approbation ce qu’il donne presque toujours ».

« Il n’y a pas de témoins, rien. Et le pire est à l’arrivée de l’enfant arrive au tribunal : quand ils interrogent ces jeunes garçons et filles pour leur faire signer des confessions concernant des choses qu’ils auraient pu ou ne pas pu commettre ».

Alors que des négociations entre les officiels israéliens et palestiniens progressent cette semaine concernant un éventuel échange de prisonniers qui pourrait inclure la libération de toutes les femmes et tous les enfants palestiniens contre un soldat israélien de l’occupation capturé à Gaza par un groupe palestinien en juin dernier, beaucoup de Palestiniens dont Mohammed Mahsiri, espèrent voir des parents, des amis et des êtres aimés rentrer à la maison.

« Quand j’ai été libéré de prison, c’était le jour le plus heureux de ma vie » dit Mahsiri à l’IPS. « Nous étions battus tous les jours. La nourriture était très mauvaise. C’était la chose la plus difficile à laquelle nous devions faire face. Aucun enfant ne devrait jamais avoir à subir une telle expérience ».

Inter-Press Service News Agency (IPS) - traduction : Ana Cléja