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Vies sous occupation : “Ma famille a été séparée”
mercredi 20 février 2013 - PCHR Gaza
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Au début de l’occupation de la Cisjordanie et de la Bande de Gaza en 1967, et qui se poursuit jusqu’à aujourd’hui, les autorités israéliennes avaient effectué un recensement dans le territoire Palestinien occupé qui a pu compter 954.898 Palestiniens. Ce recensement n’avait pas pris en considération les personnes absentes lors du processus car elles avaient été déplacées à cause de la guerre de 1967, ou bien en voyage à l’étranger pour les études, pour le travail ou pour d’autres raisons. Ces Palestiniens n’ont donc pas été inclus dans le registre de la population. Par ailleurs, des milliers de Palestiniens qui ont vécu pendant longtemps à l’étranger, soit de 1967 à 1994 avaient également été retirés du registre.

Mais pour jouir de certains droits et être en mesure d’être considéré, ainsi que ses enfants comme résidents légaux et obtenir des cartes d’identité et des passeports approuvés par Israël, ce dernier exige aux Palestiniens d’être inscrits dans le registre de la population. En tant que Puissance Occupante de la Bande de Gaza, c’est Israël qui décide ou non de l’octroi des pièces d’identité et des documents de voyage aux citoyens Palestiniens. D’après le Ministère de l’Intérieur de la Bande de Gaza, 4058 Palestiniens ne possèdent pas de documents de voyage qui leur permettraient de sortir de la Bande.

Parmi les familles qui ont dû payer pendant de longues années les frais de ces politiques sévères, la famille de Mona Khrais. La jeune de 27 ans relate qu’en 1948, son père Abdulfattah Hussein Khrais, 70 ans, avait été déplacé de force vers la Bande de Gaza pour y vivre pendant de nombreuses années en tant que réfugié. Durant le recensement de 1967, Abdulfattah était en Egypte pour faire ses études. A ce titre, Mona explique : « Ses études en Egypte terminées, mon père a décroché un travail en Libye. Il est resté 15 ans et là-bas, il a fait la connaissance de ma mère et se sont mariés. Ensuite, toute la famille est partie pour l’Arabie Saoudite. Une fois le contrat de travail de mon père arrivé à terme, nous sommes retournés à Gaza. »

Elle poursuit : « La voyage n’a pas été facile puisqu’il nous fallait obtenir des autorisations de visite que les autorités israéliennes devaient nous délivrer. Toutefois, depuis notre arrivée à Gaza, nous n’avons plus réussi à voyager en dehors de la Bande car Israël ne nous considère pas comme citoyens Palestiniens. Pour quitter Gaza, il nous faut des passeports que les autorités israéliennes devront approuver. Nous avons formulé des demandes de passeports depuis notre arrivée en 2000, mais à ce jour, aucune réponse ne nous a été communiquée. »

Prise au piège et enfermée dans la Bande de Gaza, la famille de Mona a traversé de rudes épreuves. Il suffit d’entendre la voix de Mona pour réaliser l’ampleur de la frustration qui la saisit : « Le gouvernement de Gaza nous reconnait en tant que citoyens Palestiniens, mais uniquement à l’intérieur du territoire. Au-delà des frontières, c’est Israël qui nous nit ce droit sous prétexte que nos noms ne figurent pas sur ses listes et que par conséquent, nous ne sommes pas autorisés à voyager en dehors de la Bande. Certes, le gouvernement de Gaza nous a délivré des pièces d’identité, mais sur les frontières, ces documents deviennent inutiles, voire dénoués de sens. »

En outre, Mona explique l’impact de ne pas disposer de documents de voyage et de pièces d’identité valides : « Nous avons rencontré énormément de problèmes. Je vous donne l’exemple de mon frère Hani. Vivant au Canada et possédant le passeport Canadien, mon frère s’est vu refuser l’accès à Gaza par les autorités Égyptiennes car, tout comme nous, il n’est pas enregistré par Israël. Au mois de juillet de l’an dernier, mon frère, son épouse et leurs trois enfants ont effectué le voyage du Canada pour venir nous rendre visite. Ils n’étaient pas autorisés à entrer à Gaza et ont dû rester une semaine entière en Egypte, où ils se rendaient chaque jour à Rafah dans l’espoir d’accéder à Gaza, mais en vain ; la raison étant toujours la même, c’est-à-dire l’absence de passeports approuvés par les Israéliens. Leur voyage est tombé à l’eau et ces restrictions font que c’est la douzième année que je n’ai pas vu mon frère, ni mes neveux que je ne connais pas encore. »

D’autres membres de la famille de Mona vivant en dehors de Gaza ont également été affectés par ces mesures arbitraires. Elle poursuit : « Mon oncle maternel qui vit en Suède ne peut pas faire le voyage jusqu’à Gaza parce qu’il est cardiaque et son état de santé ne lui permet pas le déplacement. De l’autre côté, il y a ma mère qui n’est pas autorisée à sortir de la Bande pour voir son frère. Les deux ne se sont pas vus depuis très longtemps. Pour sa part, mon père ne peut pas voir son frère qui est en Gambie et qui ne peut pas venir à Gaza. C’est une situation qui a séparé et a divisé toute la famille. »

Quant à Mona, l’absence de documents de voyage valides a eu des répercussions négatives sur ses ambitions et sur son évolution dans ses études et dans sa carrière. Elle souligne : « J’aspirais à étudier le Management dans une université à l’étranger, mais étant donné ma situation, j’ai renoncé aux inscriptions. D’autre part, je ne peux pas postuler pour plusieurs postes car la plupart requièrent des documents de voyage. Mon jeune frère (qui vit avec nous à Gaza) a réussi son examen final au lycée (baccalauréat) avec 96% mais tout comme moi, il est incapable de s’inscrire dans une université à l’étranger. Je pense qu’il est dans mon droit de tracer de mes propres mains le chemin de mes études, et il en va de même pour mon frère. »

Malgré toutes ces difficultés, Mona a quand même réussi à faire de son mieux et réussir au courant des 12 dernières années. Actuellement, elle travaille avec le PCHR à Gaza.

Mais l’esprit de Mona reste hanté par une seule idée : et si quelqu’un de la famille tombait malade alors qu’il ne peut pas quitter Gaza ? Préoccupée, Mona avoue : « La pire des situations que j’appréhende est qu’un membre de ma famille tombe gravement malade et dont le cas nécessite une prise en charge à l’étranger. Quelle sera la solution sachant qu’en l’absence d’un passeport, le déplacement devient interdit ? »

Abdulfattah, le père de Mona ajoute : « La logique dit que puisque nous sommes des citoyens Palestiniens, nous devons alors avoir des passeports Palestiniens. Tout comme nous, il y a un nombre considérable de Palestiniens qui souffrent de cette politique. »

La mère de Mona, Samira Ibrahim al-Najjar, lance quant à elle un appel aux autorités israéliennes leur demandant : « Je vous prie de me donner mon passeport. J’en ai besoin et je veux voir mon fils et mes petits-enfants. »

En vertu du droit international, l’Article 12 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques de 1966 garantit « La liberté de toute personne à quitter n’importe quel pays, y compris le sien et nul ne peut être arbitrairement privé du droit d’entrer dans son propre pays. »

De plus, d’après le Comité des Droits de l’Homme des Nations Unies [Observation Générale N°27], « La liberté de quitter le territoire d’un Etat ne peut être subordonnée à un but particulier ni à la durée que l’individu décide de passer en dehors du pays. […] Le droit d’une personne d’entrer dans son propre pays reconnait l’existence d’une relation spéciale de l’individu à l’égard du pays concerné. Ce droit a diverses facettes. Il implique le droit de rester dans son propre pays. » Le même Comité a également souligné que « Les Etats parties ne doivent pas, en privant une personne de sa nationalité ou en l’expulsant vers un autre pays, empêcher arbitrairement celle-ci de retourner dans son propre pays. »

Aussi, selon la Cour Internationale de Justice, les personnes qui ont un lien véritable et effectif à un pays, à l’instar d’une résidence habituelle, d’une identité culturelle et des liens familiaux ne peuvent être interdites de retourner dans ce pays.

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Traduction : Info-Palestine.eu - Niha