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Il faut sauver la vie du prisonnier Samer Tariq Issawi
mercredi 6 février 2013 - Shahd Abusalama
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Samer Tariq Issaw lors de sa dernière comparution devant le juge israélien - Il ne pèse aujourd’hui plus que 47 kilos, ce qui n’a pas empêché ses geôliers de la maltraiter, lui ainsi que sa famille (Cf la vidéo)

La lecture de With My Own Eyes écrit par l’avocat israélien Felicia Langer fait découvrir des scènes pénibles, mais ma foi en l’humanité s’est en même temps approfondie. Alors que les sionistes crient « malheur aux vaincus », il y a des Juifs en Palestine, comme Langer, qui en leur for intérieur reconnaissent qu’il faut dire « Malheur au vainqueur ». Langer est une personne qui a combattu courageusement contre l’injuste système israélien tout au long de ses 23 ans de carrière. Elle a défendu mon père Ismael Abusalama devant les tribunaux israéliens. Il a toujours parlé d’elle avec admiration et respect, pour son humanité et sa fermeté.

Dans son livre, elle décrit comment elle a rencontré mon père le 6 avril 1972 à Kafaryouna, un centre d’interrogatoire israélien. « Ismael Abusalama, un jeune homme de 19 ans qui vit dans le camp de réfugiés de Jabalia, est un réfugié originaire de Beit-Jerja. » Elle mentionne aussi une cousine de mon père qui a été tuée par les forces d’occupation israéliennes après la guerre des Six-Jours en 1967.

Langer rapporte les paroles de mon père :

« J’ai vu comment des enfants été brutalement abattus dans les rues du camp par les gardes-frontières israéliens. J’ai été témoin de l’assassinat d’une petite fille qui venait de quitter son école quand un soldat israélien des gardes-frontières l’a tuée. Ils attaquent le camp avec leurs lourdes matraques et tabassent tous les êtres humains. Ils entrent dans les maisons habitées par des femmes sans frapper à leurs portes. Ils mélangent la farine avec de l’huile au cours de leurs inspections agressives, délibérément et sans aucune nécessité. » "

À la page 352, elle évoque une scène douloureuse pour mon père à laquelle elle a assisté. En la lisant, mon cœur s’est serré en imaginant mon père dans des conditions brutales. Elle écrit : « Après son arrestation dans le camp de Jabalya, le 1e janvier 1972, ils l’ont traîné au centre de police de Gaza tout en le frappant à coups de matraque tout le long du chemin. Ils l’ont aspergé avec de l’eau très froide alors que l’on était en hiver, tandis que les soldats continuaient à le frapper à coups de matraque sur tout le corps, et ils l’ont frappé tellement violemment qu’il en perdit son sens de l’ouïe. Cela a continué pendant 10 jours. » Elle continue à citer mon père : « Ils m’ont menacé d’être expulsé vers Amman et de m’assassiner là-bas si je ne disais pas ce qu’ils voulaient entendre. »

Israël érige l’injustice en système

Je ne doute pas qu’elle faisait son maximum pour faire savoir la réalité et prouver que mon père et d’autres détenus étaient innocents, mais l’injuste système judiciaire israélien était peut-être plus fort qu’elle à cette époque. Ses enquêtes sérieuses et sa défense de la vérité n’ont pas empêché Israël de condamner mon père à sept condamnations à perpétuité, plus 35 ans ! J’apprécie son livre, qui expose les injustices de l’occupation israélienne et le système judiciaire pourri en Israël. Elle a toujours répété que l’agresseur ne peut jamais l’emporter. Et je suis intimement persuadée qu’Israël ne gagnera jamais et que la Palestine un jour sera libre.

Étonnamment, c’est par son livre que j’ai appris cette histoire, et ne l’ai jamais entendue racontée par papa. Quand j’ai lu cette histoire et qu’il avait perdu son sens de l’ouïe, je lui ai posé la question, et il me l’a confirmé tout en ajoutant : « mais je n’ai jamais été envoyé à l’hôpital. »

« Les détenus souffrent de graves négligences dans les soins médicaux », m’a-t-il dit. « Les petits problèmes de santé peut devenir critiques à cause de cette constante négligence. J’ai heureusement survécu, mais beaucoup d’autres se sont retrouvés avec des incapacités permanentes ou des problèmes de santé qui ont conduit dans certains cas jusqu’à la mort. »

Il s’arrêta un instant et continua : « En fait, dans ces cas-là, peut-être que le mot ’décès’ n’est pas approprié. Assassinat sonne mieux. »

Négligence médicale

La négligence médicale, mise en évidence par Langer dans son livre, est l’une des principales et brutales politiques du Service pénitentiaire israélien (IPS), pratiquée intentionnellement contre les prisonniers politiques palestiniens.

« L’IPS cherche volontairement à nuire à la santé physique et mentale des détenus palestiniens, et de toutes les manières possibles », a dit mon père à plusieurs reprises, et de nombreux prisonniers libérés ont acquiescé. Pour cette raison, l’accès aux soins médicaux a toujours été dans les premières revendications des détenus lorsqu’ils suivent une grève de la faim collective.

Akram Rikhawi, dont les 102 jours de grève de la faim se sont terminés le 22 juillet 2012, a choisi d’assumer la défense de centaines de prisonniers politiques handicapés et malades qui souffrent tous les jours derrière les barreaux israéliens et doivent supporter l’absence de soins médicaux. Depuis son premier jour de détention en 2004, il est resté détenu à l’hôpital de la prison de Ramleh, décrit par lui et de nombreux prisonniers comme « un abattoir, et pas un hôpital... avec des geôliers portant des tenues de médecins. »

Akram a terminé sa grève de la faim en échange d’un accord avec Israël pour sa libération anticipée. Dans le cadre de l’accord, Akram devait être libéré le 25 janvier 2013. Mais cela fait plus d’une semaine que cette date est dépassée, et nous n’avons rien entendu au sujet de sa libération. C’est une fois de plus la preuve qu’Israël ne tient jamais les promesses ou accords.

Ramleh est comme un cauchemar pour beaucoup de détenus en raison des procédures inhumaines infligées pour avoir accès à un examen médical, tels que les longues heures d’attente en étant enchaîné des mains aux pieds, violenté pendant le transfert de la prison à l’hôpital, et traité comme des inférieure par des médecins racistes. Beaucoup d’anciens détenus que j’ai interviewés à plusieurs reprises décrivent cette procédure comme « un tourment ». L’un dit : « Ce n’est que lorsque la douleur devient intolérable que de nombreux prisonniers appellent l’IPS afin qu’on leur autorise une visite à l’hôpital de la prison de Ramleh. Ils craignent l’humiliation et la torture une fois que leur appel est entendu après une longue attente. »

Comme Addameer, le groupe de défense des prisonniers palestiniens, l’a récemment indiqué : « Depuis 1967, plus de 200 prisonniers sont morts en captivité, 51 d’entre eux à cause de négligence médicale. De façon alarmante, il y a une tendance récente à une augmentation du nombre de prisonniers qui sont morts peu après leur sortie, suite à des problèmes médicaux non traitées pendant leur détention. »

L’agression filmée de Samer al-Issawi et de sa famille au sein du tribunal
le mardi 18 décembre 2012

« Mort lente et douloureuse »

Le 22 janvier, je suis rentrée de mon dernier examen du semestre très heureuse et soulagée que je puisse enfin dormir sans me soucier de la charge représentée par les études. Je me suis mise au lit et ai décidé de vérifier mon compte Facebook avant que je ne ferme les yeux. J’ai vu alors une vidéo partagée par mon ami Loai Odeh qui a transformé mon bonheur en tristesse et mon grand soulagement en détresse. Mon envie de dormir s’est enfuie.

Le titre en arabe de la vidéo disait : « Les derniers mots du martyr Abu Ashraf Dhra » prononcés avant qu’il ne tombe dans le coma. Je n’avais aucune idée de qui était alors Achraf. On voyait dans la vidéo un jeune homme dans un triste état physique, couché sur un lit d’hôpital. Tout en luttant pour parler d’une voix aussi forte et claire que possible, il disait : « Quand je suis tombé malade, ils ne m’ont pas prescrit de paradicamol et m’ont libéré. Quand je suis allé à l’hôpital, les médecins ont découvert que j’avais une grave inflammation. Dieu merci, ma foi soulage ma peine. »

J’ai ensuite fait une recherche sur son nom et les pronoms, et j’ai fini par apprendre que Ashraf, âgé de 29 ans et originaire de Hébron, avait été libéré récemment après une détention de six ans et demi à l’hôpital-prison de Ramleh. C’est alors seulement que je me rendis compte que le pronom « ils » se référait à l’IPS.

Ashraf a été libéré le 15 Novembre 2012. Il a passé dix jours en dehors de l’hôpital-prison de Ramleh à la maison, entouré de sa famille bien-aimée. Mais ces dix jours ont vu la persistance de la douleur qu’il a subie durant son emprisonnement. Puis il est tombé dans le coma, jusqu’à décéder le 21 janvier 2013, ce qui aurait pu être évité s’il avait eu accès à des soins normaux. Israël doit être tenu pour coupable de l’assassinat d’Achraf.

Comme Addameer l’a ajouté dans son rapport :

Ashraf a une longue histoire de problèmes médicaux antérieurs à son arrestation. Atteint de dystrophie musculaire, il est devenu handicapé et obligé d’utiliser un fauteuil roulant en 2008, durant son emprisonnement. Pendant sa détention, il a contracté plusieurs maladies, dont une insuffisance pulmonaire, une immunodéficience et un virus au cerveau qui ont fini par conduire à sa mort.

En raison du déni fréquent de traitement médical par le service pénitentiaire israélien, Ashraf a vécu une mort lente et douloureuse, exaspérée par la négligence et le refus de l’administration pénitentiaire de fournir le traitement requis. En 2008, Médecins pour les Droits de l’Homme - Israël (PHR-I) a déposé une requête devant le tribunal du district israélien, pour qu’Achraf reçoive une thérapie. Bien que le tribunal ait accordé à Achraf cette demande, la décision a été ignorée par la prison de Ramleh qui a refusé tout traitement, prétendant que c’était inutile. Ashraf a été retenu en captivité malgré sa santé défaillante, pour qu’il purge l’intégralité de sa peine, voyant très rarement un médecin indépendant.

L’absence d’un traitement médical approprié pour Achraf, durant six ans et demi, viole plusieurs lois internationales pour la défense des droits de l’homme, notamment l’article 56, 91 et 92 de la Quatrième Convention de Genève qui oblige la puissance occupante à accorder un « traitement approprié » pour chaque détenu et des soins médicaux « en aucun cas inférieure aux soins dispensés à la population en général. »

Apprendre l’assassinat dont a été victime Achraf Abu Dhra, double mon inquiétude à propos de Samer Issawi. La santé de Samer se détériore rapidement en raison de son refus, historique et héroïque, de refuser de s’alimenter volontairement depuis 194 jours pour protester contre sa nouvelle arrestation sans inculpation ni jugement. Sa faim consomme peu à peu son corps, mais comme il le disait plus tôt, « ma détermination ne faiblira jamais. »

Il a entamé son combat en faisant la promesse qu’il ira si nécessaire jusqu’au martyr. Samer a déjà goûté à l’amertume de l’emprisonnement durant 12 années. Mais après avoir été à nouveau arrêté en juillet 2012, sans inculpation ni procès, il a décidé de se rebeller pour envoyer un message à ses ravisseurs qu’ils ne pouvaient pas décider de son destin. Il ne fait pas cela par amour de la mort. Il aime la vie, mais dans la forme dont il a toujours rêvé... Une vie de liberté et de dignité.

De sérieuses initiatives sont nécessaires, car Samer est au bord de la mort. Il souffre de douleurs sur tout le corps, surtout dans l’abdomen et les reins. Il a une vision déréglée, des étourdissements et des fractures dans sa cage thoracique suite à une attaque brutale par des soldats israéliens alors qu’il était menotté à sa chaise roulante lors d’une audience. Cette blessure a causé des douleurs sévères et persistantes qui le laissent sans sommeil jour et nuit.

Nous ne devons pas rester les bras croisés et regarder Samer mourir lentement. Nous ne voulons pas compter encore plus de détenus palestiniens morts en martyrs. Si Samer meurt, ce sera une gloire pour lui, mais une honte pour nous. Notre silence permet à Israël de franchir toutes les lignes rouges. Empêchons que Samer soit, après Ashraf Abu Dhra, la prochaine victime de la négligence médicale. Agissons maintenant pour sauver les vies de Samer et de tous les grévistes de la faim.

* Shahd Abusalam est artiste, blogueuse et étudiante en littérature anglaise dans la bande de Gaza.
« Mes dessins ainsi que mes articles sont ma façon de transmettre un message, et le plus important pour moi est d’élever la conscience de la communauté internationale au sujet de la cause palestinienne. Je suis très intéressée à saisir les émotions des gens, les images de ma patrie, la force de mon peuple, de sa détermination, de sa lutte et de sa souffrance. »

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2 février 2013 - The Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article à :
http://electronicintifada.net/blogs...
Traduction : Info-Palestine.eu - Claude Zurbach