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Une carte du ministère du Tourisme israélien annexe plus de 60 % de la Cisjordanie
mardi 1er janvier 2013 - Jonathan Cook
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Sur la carte, établie par le ministère du Tourisme, on voit à la fois Israël et les territoires occupés. Obligeamment, elle reprend l’interprétation d’Israël sur les démarcations territoriales stipulées par les Accords d’Oslo au milieu des années quatre-vingt-dix.

Oslo a divisé la Cisjordanie en trois parties à titre temporaire - pour une période de cinq années -, Israël et les Palestiniens étant censés négocier un accord pour un statut final qui, ce qui était largement admis, conduirait à la création d’un État palestinien en Cisjordanie, Gaza et Jérusalem-Est.

La Zone A, la plus petite partie de la Cisjordanie, limitée pour l’essentiel aux grandes villes palestiniennes, a été placée sous le contrôle total de l’Autorité palestinienne nouvellement instituée.

La Zone B, qui recouvre principalement les secteurs entourant les villes, se trouve sous le contrôle partagé de l’AP et d’Israël, Israël prenant en charge les questions de sécurité et les Palestiniens celles des affaires civiles.

Aujourd’hui, les Zones A et B, ensemble, recouvrent environ 39 % de la Cisjordanie.

Mais la plus grande partie, et de loin, de la Cisjordanie, la Zone C, a été livrée au contrôle total d’Israël. Il était admis par la plupart des observateurs que cette terre, 61 % de la Cisjordanie, deviendrait finalement la plus grande partie du territoire d’un futur État palestinien.

Mais au cours des deux décennies passées, Israël a usé de son emprise sur la Zone C – et de l’absence d’accord du fait de sa propre intransigeance – pour y consolider et y étendre les colonies.

Il y a actuellement près de 350 000 colons juifs installés dans plus de 250 colonies et avant-postes disséminés dans toute la Zone C (200 000 autres vivant à Jérusalem-Est). Ces colons, soutenus par les soldats israéliens et un réseau de bureaucrates civils et militaires, ont créé un climat de terreur qui a progressivement inciter les Palestiniens de la Zone C à migrer vers les villes, toujours, théoriquement, sous le contrôle de l’Autorité palestinienne.

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On comptait autrefois des centaines de milliers de Palestiniens en Zone C, la plupart gagnant leur vie avec l’agriculture. Aujourd’hui, selon certaines estimations, ils seraient descendus en dessous de 100 000, en tout cas, la population n’est certainement pas supérieure à 150 000. Et ils vivent dans la plus extrême pauvreté et insécurité :

  • leurs maisons sont susceptibles d’être démolies à tout moment ;
  • ils ne peuvent avoir de l’eau qu’à grand frais et par intermittence, et uniquement par camions-citernes ;
  • leurs moyens de subsistance en tant que communautés agricoles sont menacés en permanence de coupures d’eau, de confiscations de terres et par les murs et clôtures qu’Israël érige pour morceler leurs exploitations ;
  • et leur sécurité physique est elle aussi menacée par les attaques de colons toujours plus fanatiques qui se sont installés à proximité.

En outre, ce que les Accords d’Oslo admettaient n’être qu’un contrôle temporaire d’Israël sur la Zone C est devenu en réalité un contrôle permanent – un point que la Cour suprême israélienne a récemment reconnu comme une « occupation prolongée  » de la Cisjordanie.

Ce que tout cela signifie, c’est que la question de savoir si Israël va annexer la Zone C est largement théorique. L’annexion a déjà eu lieu, mais pas officiellement. L’avantage de cette méthode discrète d’annexion – ce que le général israélien Moshe Dayan qualifiait autrefois d’ « annexion rampante » - est qu’Israël ne subit aucune pression pour conférer la citoyenneté aux quelques Palestiniens restés en Zone C.

La carte de la brochure nous donne une illustration utile de la pensée israélienne. Elle a été établie par le ministère du Tourisme en 2007, avant que l’actuel gouvernement de droite de Benjamin Netanyahu n’arrive au pouvoir avec dans sa plate-forme, le projet de déchirer les Accords d’Oslo. 2007 était le temps du gouvernement d’Ehud Olmert qui s’était engagé à arriver à un accord avec les Palestiniens sur la base d’une solution à deux États.

La carte nous indique clairement comment les prétendus artisans de la paix israéliens eux-mêmes envisageaient l’avenir des Palestiniens.

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Photo : Jonathan Cook

La carte ne parvient pas à délimiter un territoire identifiable en tant que Cisjordanie, préférant se référer pour celle-ci aux royaumes bibliques de Judée et Samarie. C’est aussi comme cela que les manuels scolaires israéliens présentent la Cisjordanie aux générations d’écoliers israéliens : comme une unité territoriale unique du Grand Israël, gouvernée par Israël. La Ligne verte a été effacée sur les cartes hébraïques dès le moment où l’occupation a commencé.

Mais la carte du tourisme a été dessinée non pour un public national mais pour un public étranger.

Ce qui est le plus surprenant, c’est que la carte reconnaît les Accords d’Oslo, quoique partiellement seulement. Elle indique les Zones A et B, les désignant respectivement par les couleurs rose et jaune.

Mais, où se trouve la Zone C sur la carte ? D’après la légende de la carte, il n’y a pas de Zone C. Elle a disparu. Elle n’est pas indiquée, elle est sur la carte sous la même couleur qu’ « d’Israël ».

Quand les responsables israéliens demandent aux touristes à l’aéroport international du pays ou aux frontières, s’ils ont l’intention de passer dans les territoires occupés, il apparaît bien qu’ils écartent en réalité la plus grande partie de la Cisjordanie : la Zone C.

La carte nous donne un aperçu éclairant sur la façon dont le camp de la paix lui-même envisage l’avenir le plus rose imaginable : les Palestiniens sont parqués dans un pseudo-État sur environ 9 % de la Palestine historique, répartis en deux cages, la Cisjordanie et la bande de Gaza, et sans Jérusalem-Est pour capitale. Telle est l’image qu’Israël présente, implicitement, aux millions de touristes.

Dans l’optique d’autres Israéliens purs et durs, bien sûr, il existe des scénarios pires encore – toutefois, pour autant qu’on puisse en juger, le ministère du Tourisme n’est pas encore prêt à les faire connaître.

Sur le sujet :

- Le plan israélien d’annexion - 20 juillet 2012 - Jonathan Cook - Counterpunch

- l’intervention de l’UJFP auprès de la revue National Geographic : Lettre ouverte à la direction de la revue « National Geographic »

Jonathan Cook a remporté le Prix Spécial de journalisme Martha Gellhorn. Ses derniers livres sont “Israel and the Clash of Civilisations : Iraq, Iran and the to Remake the Middle East” (Pluto Press) et “Disappearing Palestine : Israel’s Experiments in Human Despair” (Zed Books). Voici l’adresse de son site : http://www.jkcook.net.

Du même auteur :

- Les sapins de Noël terrorisent les Israéliens
- Pourquoi Obama ne va pas s’en prendre à Israël
- Israël éradique l’Histoire : disparition de mosquées
- La bunkérisation d’Israël en voie d’achèvement, sur fond de nettoyage ethnique permanent
- Il y a de la méthode dans la folie de Nétanyahou : Israël exclut la non-violence
- Le plan de paix de l’illusionniste Netanyahu
- Après les « documents palestiniens », l’Autorité palestinienne peut-elle continuer d’exister ?
- Israël a déclaré la guerre aux enfants de Jérusalem : 1200 arrestations en un an
- Wikileaks et le nouvel ordre mondial
- Le pot de vin d’Obama
- Les tactiques israéliennes sont en passe d’« unifier » les Palestiniens

2 novembre 2012 - Jonathan Cook - traduction : Info-Palestine/JPP