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Les médias sociaux dans la guerre : le potentiel et les limites
lundi 31 décembre 2012 - Yoel Cohen
The Jerusalem Post

L’Opération des FDI (Forces de défense israéliennes) Pilier de Défense, restera dans l’histoire du conflit israélo-arabe comme l’une des victoires inattendues dans les guerres de l’information. Au début, Pilier de Défense est apparue un peu différente des opérations militaires précédentes, comme l’opération Plomb durci de 2008 où les Palestiniens ont été vus comme les opprimés, et où la sympathie instinctive des médias occidentaux pour les opprimés avait écrit le scénario médiatique dès le premier coup de feu.

Pourtant, la campagne d’information dans Pilier de Défense s’est avérée efficace. Un sondage CNN dans le milieu de la guerre constate que 57 % des Américains estimaient l’opération israélienne justifiée.

D’avoir préparé le terrain au fil des années en exposant les correspondants étrangers à Sderot et aux attaques de missiles a porté ses fruits. Dans le contexte des critiques du Bureau du contrôleur de l’État sur sa gestion des évènements antérieurs, notamment la guerre du Liban en 2007 (ndt : la guerre d’Israël contre le Hezbollah a eu lieu en 2006, pas en 2007 !), Plomb durci (décembre 2008/janvier 2009) et l’incident du Mavi Marmara en 2010 (ndt : agression israélienne contre un navire humanitaire, dans les eaux internationales le 31 mai 2010, tuant 9 militants turcs), la division du Porte-parole des FDI avait connu plusieurs modifications.

Il a s’agit notamment de créer au sein du bureau du Porte-parole des FDI un centre de crise pour la réception et la diffusion des films des renseignements militaires opérationnels et de l’armée de l’air - donnant aux FDI l’avantage de l’information en tant que première impliquée dans la guerre pour donner sa version des évènements.

Les drones téléguidés utilisés par les FDI pour localiser les batteries et les lanceurs de missiles ont été capables de renvoyer des images. Quatre heures seulement après qu’Ahmed Jabari, le chef d’état-major du Hamas, ait été tué, la vidéo surveillance montrant sa voiture en train de foncer à travers les rues de Gaza et être touchée par un tir direct était diffusée sur YouTube. D’autres images ont été publiées montraient le soin que les FDI avaient apporté pour faire la distinction entre cibles militaires et population civile dans le territoire densément peuplé de Gaza.

LA FACON dont l’information a été répartie – plutôt que d’attendre une conférence de presse quotidienne comme lors des guerres précédentes – était une décision tactique. Si les plans militaires des FDI ont longtemps contenu une annexe pour le traitement de l’information – reconnaissant par là même que l’élément information doit être pris en compte au stade de la planification de la politique -, ils vont maintenant plus loin avec les principaux directeurs des branches du gouvernement impliquées dans la hasbara (diplomatie publique) qui se sont partagés, au préalable, le secret du complot de l’assassinat de Jabari. Et, si Israël avait lancé une opération terrestre, les soldats accompagnant les forces auraient été équipés de caméras pour filmer l’invasion.

La coordination interdépartementale a fait ses preuves – pas une mince affaire avec un cabinet du Premier ministre, un ministère des Affaires étrangères et un ministère de la Défense dirigés par des politiciens de trois partis différents. Le ministère de la Diplomatie publique et des Affaires de la Diaspora a créé sa propre salle d’opération, remplie de bénévoles twittant et facebookant en différentes langues.

Pourtant, et comme un récent rapport du contrôleur de l’État l’a remarqué, le monopole des FDI sur l’information militaire opérationnelle, associé aux appétits des médias pour cette information, a soulevé la question de savoir comment des organismes comme le ministère des Affaires étrangères pouvaient s’assurer que les objectifs et les messages diplomatiques plus larges étaient projetés dans la diplomatie publique.

DANS L’ÉTUDE des enseignements de Pilier de Défense, il sera apporté une grande attention, pour la première fois, à l’intervention des médias sociaux. Le rôle des médias sociaux dans une guerre soulève autant de questions que de réponses. L’impact de l’opinion publique et des médias de masse sur les évènements militaires a fait longtemps l’objet d’un débat chez les politologues et les stratèges. Dans le cas des médias sociaux, une distinction s’impose entre l’opinion publique active ou intéressée, d’une part, et une opinion publique passive, plus vaste, d’autre part.

Rien ne prouve que l’impact des médias sociaux se soit étendue à une opinion publique internationale plus large, dont le contact avec l’actualité internationale se fait principalement par les médias traditionnels tels que la télévision, la presse, où les grands sites Internet d’information. A moins que la pression publique se fasse si forte qu’elle recouvre jusqu’à épouser l’opinion publique plus large dans un pays, il est difficile d’attribuer une importance à l’opinion publique qui en ferait un facteur dans une guerre.

Le cas le plus notable fut celui du Vietnam – « la première guerre télévisée » - dans laquelle les images à la télévision du retour de corps de soldats américains a fait monter crescendo une opinion publique contre la poursuite de la guerre, ce qui a fait décider le Président Nixon à se retirer.

Dans la guerre du Liban, en 1982, la vaste réprobation dans l’opinion publique internationale après le massacre par les Phalangistes de Sabra et Shatilla a fait stopper la guerre. Et, un an plus tard, les nombreuses critiques dans l’opinion israélienne devant les 600 victimes militaires au Liban ont poussé le gouvernement Begin à se retirer du pays.

S’il les victimes civiles à Gaza dans Pilier de Défense avaient été plus nombreuses, ou si une punition collective avait été appliquée, l’opinion publique internationale se serait retournée rapidement contre Israël.

Dans Pilier de Défense, comme dans tant d’autres conflits antérieurs, ce sont les intérêts stratégiques géopolitiques nationaux qui ont déterminé le résultat, et les médias de masse et l’opinion publique ont été, au mieux, des facteurs secondaires déterminant l’environnement dans lequel les décideurs politiques ont fonctionné.

Dans ces intérêts nationaux il y a ceux d’Israël, avec un gouvernement Netanyahu soucieux d’éviter que la bataille aérienne ne s’étende à une opération terrestre dans une période préélectorale, étant donné les incertitudes et les probabilités de victimes israéliennes.

Les États-Unis, et l’Égypte sous forte pression de Washington, ont également cherché à éviter une guerre terrestre israélienne. Et le Hamas, nonobstant la destruction de son infrastructure militaire, s’est tourné vers un assouplissement des passages frontaliers, l’assimilant à un assouplissement du blocus de Gaza.

AU MIEUX, les facteurs internes tels l’opinion publique et les médias de masse limitent les options offertes aux décideurs. Plus généralement, ils ont une influence sur la façon de présenter la politique, notamment son calendrier.

Mais les médias sociaux, c’est nouveau, un terrain non testé dans les relations internationales.

Des médias sociaux comme Facebook et Twitter ont joué un rôle en connectant les publics intéressés, tels les militants israéliens et palestiniens. Ils ont donné, dans les guerres impliquant Israël, aux juifs de la Diaspora un rôle plus direct à jouer que dans la période pré-Internet.

Les juifs hors d’Israël ne sont plus dépendants de l’information déjà filtrée par les médias. Ils sont en mesure de recevoir une information non diluée venant des sources officielles israéliennes.

Au troisième jour de l’opération, la page Facebook du Porte-parole des FDI avait 28 000 amis, et son Twitter anglais, 97 500 suiveurs (dix fois plus nombreux que les suiveurs du Twitter du Hamas).

A la fin de l’opération, le nombre de suiveurs du Twitter des FDI avait doublé.

Depuis le développement d’Internet, en 1995, les juifs hors d’Israël ont su aussi surfer sur les médias israéliens en ligne. Par exemple, le nombre de visites sur le site d’Ha’aretz en anglais a quadruplé durant Pilier de Défense. Ce qui fait que les surfeurs juifs sur les médias israéliens ont bénéficié d’une couverture généralement plus complète et équilibrée que celle présentée par les médias étrangers.

Mais la mesure dans laquelle les contacts avec les médias sociaux parrainés par les FDI se sont étendus à une opinion publique internationale plus large reste plus discutable. Les stratèges en relations publiques n’ont pas réussi à élucider cette énigme, comment suivre de près et réagir aux centaines de milliers de sites web sur la toile mondiale. Même à l’ère des médias interactifs, les études semblent indiquer que de nombreux surfeurs sont satisfaits de l’utilisation des nouveaux sites d’information. Si tel est le cas, les responsables israéliens se doivent d’être capables d’identifier les nouveaux sites clés.

EN REVANCHE, la nouvelle dimension des médias sociaux permet, pour la première fois, aux opinions publiques de chaque partie dans un conflit, de l’engager entre elles.

L’opération Pilier de Défense a montré comment le Hamas et Israël avaient échangé des coups via Twitter. Quand les FDI ont twitté que, « aucun membre du Hamas ne devra montrer sa tête au-dessus du sol dans les jours à venir  », le Hamas a répondu, en twittant : « Nos mains bénies atteindront vos dirigeants et soldats où qu’ils soient. Vous avez ouvert les portes de l’enfer sur vous-mêmes ».

Certains se demandent si Israël, en tant qu’État souverain, doit s’abaisser à s’invectiver avec un groupe terroriste. Mais ce dialogue reflète aussi le contexte du Porte-parole de FDI. Un général arabisant, Yoav Mordechai, a été officiellement le Coordinateur des FDI pour les activités dans les territoires, et commandant des services de renseignements. Il était favorable à une posture plus combative des médias sociaux pour maintenir l’avantage de la qualité de dissuasion d’Israël envers les Palestiniens.

Une prise de conscience des objectifs de l’autre attribue à l’opinion publique interne un nouveau rôle à l’ère des médias sociaux, pour faire entendre sa voix au sein du gouvernement national. Ceci est particulièrement important étant donné le rôle renforcé de l’opinion publique dans le monde arabe depuis le Printemps arabe.

Mais est perdu l’objectif initial des médias sociaux, encourager le dialogue – ou « l’interconnexion ».

24 décembre 2012 - The Jerusalem Post - traduction : Info-Palestine/JPP