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A Gaza du 10 au 14 décembre 2012
samedi 22 décembre 2012 - Lydia de Leeuw
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Décembre 2011 - Jeunes danseurs de Dabka, à Gaza

Lundi 10 décembre

Notre bureau, faisant une nouvelle et optimiste tentative, a lancé aujourd’hui la campagne « La Palestine devant la CPI ». Nous plaidons ainsi pour que la Cour Pénale Internationale poursuive les délits de guerre et les crimes contre l’humanité qui ont été perpétrés en Palestine. Les attentes de mes collègues divergent : certains pensent que jamais justice ne sera faite, d’autres ont bon espoir que le Palestiniens pourront bientôt faire porter à l’armée d’occupation israélienne la responsabilité de ses crimes. J’appartiens toujours au camp des optimistes.

Mardi 11 décembre

Il y a trois jours, le Hamas, le parti politique au pouvoir dans la bande de Gaza, fêtait ses 25 ans d’existence. Ce fut une vraie fête populaire où les dirigeants politiques sont montés sur scène comme des stars de la pop, avec fumigènes et chorus, tout y était.

Au cours de la fête, j’ai été abordée par beaucoup de gens, et notamment par Shaima, âgée de 17 ans, une fille éveillée et curieuse de tout, qui a insisté pour que je rendre visite à sa famille.

Ce midi je suis invitée à aller dîner chez eux. Après un accueil chaleureux dans le petit séjour sombre, la mère de Shaima glisse dans le four des petites pizzas qu’elle a préparées elle-même. Nous mangeons à la lumière d’une bougie, il n’y a pas de courant ce soir. Après avoir dégusté des pizzas pendant trois quarts d’heure, je ne peux plus remuer. La mère de Shaima continue d’insister « encore une, coulie ! » dit-elle, ce qui veut dire « mange ». C’est toujours impoli ici de refuser de la nourriture, mais je n’en peux plus. Avec les deux jeunes frères de Shaima nous bavardons encore des heures à bâtons rompus : la guerre de 8 jours en novembre, les équipes de foot européennes, les restrictions de circulation pour les Palestiniens de Gaza, et la Jordanie, pays d’origine de la mère de Shaima.

Mercredi 12 décembre

De temps à autre, vous rencontrez des gens qui vous inspirent, dont vous ne pouvez qu’admirer la persévérance. Cela m’est arrivé aujourd’hui. J’étais dans la maison de famille de Yahia, 25 ans, à Jabaliya, dans le nord de la bande de Gaza. Il y a quatre ans, Yahia a perdu la jambe droite, le jour du Nouvel-An, quand un F-16 israélien a bombardé la mosquée où il était en train de prier.

J’interviewe Yahia pour avoir un récit personnel de son processus de revalidation. Dans la bande de Gaza, outre les défis évidents à surmonter, une convalescence s’accompagne aussi de difficultés supplémentaires, comme les carences médicales causées par la fermeture hermétique du territoire par Israël. Outre l’amputation de sa jambe droite, Yahia souffre d’une neuropathie dans le bras droit, suite aux éclats qui ont pénétré dans son cerveau et ont endommagé son système nerveux.

Yahia est maintenant cloué au lit, son fauteuil roulant habituel est irréparable et aucun fauteuil neuf n’est disponible. D’ailleurs, comme un seul de ses bras est vraiment valide, il ne pourrait pas s’en servir pour se mouvoir. Son fauteuil électrique nécessite des pièces de rechange qui ne peuvent entrer à Gaza à cause du blocus.

Malgré tout Yahia sourit toujours. Il raconte comment il voit son avenir : « Je veux mener une vie comme toute personne normale, me marier et fonder une famille ». Son premier désir est de retourner à l’université. Au moment où il a perdu sa jambe, il étudiait en première année pour devenir instituteur. En janvier il veut retourner suivre sa formation : « Pour commencer je veux avoir un diplôme en poche » dit-il « C’est important pour mon avenir. Je fais tout pour pouvoir retourner étudier ».

On remarque que Yahia a toujours des difficultés d’élocution. Mais ses paroles n’en sont pas moins fortes pour autant. « Ils peuvent agresser et briser nos corps, mais pas notre force ».

Jeudi 13 décembre

Pour Ahmed, un ami à moi, c’est un jour important : c’est le jour de ses fiançailles. L’année prochaine il va épouser sa collègue médecin Nadine. Hier il est venu apporter lui-même l’invitation, fier et rayonnant. Il s’était fiancé officiellement le 14 novembre, le premier jour de la guerre, et il n’y avait pas eu de raison pour faire la fête alors. Les bombardements intensifs des jours suivants, il les appelait avec sarcasme « le feu d’artifices de la fête » en l’honneur de leurs fiançailles.

Pendant la fête Ahmed et Nadine forment le centre de la fête en dansant l’un autour de l’autre, pleins de séduction, tandis que les femmes dans la salle battent le rythme et se risquent de temps en temps à danser elles-mêmes.

Vendredi 14 décembre

Une équipe indépendante d’experts internationaux arrive aujourd’hui à Gaza pour enquêter sur les crimes de guerre présumés commis par l’armée israélienne le mois dernier. Leur mission doit durer cinq jours et déboucher sur un rapport qui pourra être utilisé localement et internationalement pour les poursuites pénales des prévenus. Ces dernières semaines j’ai été très prise par les préparatifs et je vais collaborer à l’enquête avec l’équipe.

La seule vraie question est celle-ci : l’équipe d’enquêteurs pourra-t-elle entrer dans la bande de Gaza ? Ils ont quitté Le Caire tôt ce matin, en direction de la frontière avec Gaza. Les services du renseignement égyptiens, les douaniers et la bureaucratie peuvent leur mettre des bâtons dans les roues jusqu’au dernier moment. Nous devrons attendre la réponse pendant toute la journée.

Quoi qu’il en soit, comme le dit Raji, notre directeur : « Dans notre travail nous ne faisons que risquer des tentatives, souvent sans succès. Mais tôt ou tard nous réussirons et nous pourrons traîner les suspects devant la justice ».

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21 décembre 2012 – Vous pouvez consulter cet article à :
http://asecondglance.wordpress.com/...
Traduction : Info-Palestine.eu - Marie Meert