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Gaza : des boulots peu courants pour une jeunesse en manque d’emplois
jeudi 13 décembre 2012 - Tim Whewell
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Muhammad, 18 ans, risque tous les jours sa vie, depuis 4 ans, dans les tunnels entre la bande de Gaza et l’Égypte

11 décembre 2012 - L’aube est à peine levée à Rafah, à l’extrémité sud de la bande de Gaza, et déjà Busaina Ismail se penche sur son fils Muhammad endormi et tente avec peine de l’éveiller.

C’est une tâche qu’elle appréhende, car aujourd’hui encore elle l’envoie travailler dans un lieu où bien des jeunes ont été ensevelis – le réseau des tunnels de contrebande qui court sous la frontière entre Gaza et l’Egypte.

Après deux cigarettes et un verre de thé, il est tout juste réveillé. Mais pas très emballé à l’idée d’y aller... : "Ce travail, c’est criminel. Personne ne devrait faire ça. Est-ce que vous avez jamais vu quelqu’un creuser sa propre tombe ? Pendant que vous creusez, le tunnel peut s’effondrer. Il peut s’écrouler à tout moment et vous tuer".

Muhammad vient d’avoir 18 ans, mais il travaille déjà à temps plein dans les tunnels, creusant et transportant de lourdes charges, depuis 4 ans.

Il déteste ce travail, mais il a peu de choix. Son père souffre du dos, Mohammed est donc le principal gagne-pain d’une famille de huit personnes. Avec un taux de chômage qui atteint 28 %, la contrebande est l’une des rares occupations qui fournissent un revenu valable.

Pendant ce temps, à l’autre bout de la bande de Gaza, à 35 km de là, dans le port de Gaza Ville, une autre jeune de 18 ans se prépare également à une dure journée pour essayer de nourrir sa famille.

Madeline Kullab est la seule pêcheuse de Gaza. Elle aussi a un père invalide. Elle est sortie en mer quasi tous les jours depuis l’âge de 14 ans, malgré les tentatives de la police de Gaza, régie par le mouvement islamiste du Hamas qui gouverne Gaza, de l’empêcher de travailler dans un secteur totalement masculin.

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« Tout ce que je sais c’est que nous sommes nés en guerre, que nous vivons en guerre et que nous mourrons en guerre », dit Madeline.

Contrairement à Mohammad, Madeline aime son boulot. Mais leurs deux histoires montrent les difficultés de grandir dans une petite bande de terre surpeuplée qui subit le blocus de ses voisins, Israël et l’Égypte, et était encore en guerre avec Israël il y peu.

Les tunnels de contrebande se sont développés depuis qu’Israël a imposé son blocus, assisté de l’Égypte, en 2007, après que le Hamas eut remporté le pouvoir a Gaza.

Bien que les restrictions au passage de Rafah aient été allégées en 2011, l’approvisionnement en marchandises reste bloqué. Tous les matériaux de construction doivent être introduits en contrebande, puisque Israël a peur que le Hamas s’en serve pour des infrastructures militaires.

La nourriture et les biens de consommation ont été autorisés légalement depuis Israël depuis 2 ans. Mais ils sont meilleur marché quand ils viennent d’Égypte par le sous-sol.

Muhammad travaille douze heures par jour, avec seulement une demi-heure de pause. Le travail est tellement astreignant qu’il s’est mis à prendre, comme beaucoup d’autres ouvriers des tunnels, de l’antalgique Tramadol. Mais il dit que c’est rapidement devenu une addiction.

« J’ai cessé de manger. J’ai cessé de boire » dit-il. « Tout ce que je voulais, c’était prendre mon Tramadol et bosser comme un âne. Mais après un moment ça n’agissait plus et j’ai augmenté la dose. Alors un jour je me suis évanoui dans le tunnel. Je portais un grand sac de farine. J’ai eu une attaque, j’ai perdu conscience. Alors, j’ai décidé d’arrêter ».

Muhammad dit que pendant les deux mois suivants il n’a pratiquement pas dormi ni parlé à qui que ce soit. Il dit qu’il a même tenté de s’étrangler. Maintenant il se dit guéri, mais il préférerait faire n’importe quel autre travail. Il espère que la promesse faite dans l’accord de cessez-le-feu du mois dernier – rouvrir les passages et faciliter la liberté de mouvement – sera tenue.

Ce n’est toujours pas le cas aujourd’hui. Mais le cessez-le-feu a au moins rapporté un petit bénéfice à Madeline. Auparavant Israël – qui craignait les trafics d’armes – n’autorisait pas les bateaux de pêche à dépasser 5,5 km de la côte. A présent, la limite a été étendue à 11 km.

Cela n’impressionne guère Madeline : « Quand ils nous ont donné 5 km de plus, les prises ont été meilleures. Mais dans une ou deux semaines, tout le poisson sera pris. Le gros des poissons se trouvent au-delà de la nouvelle limite.

Dans sa maison familiale en moellons au camp de réfugiés de Jabalya, elle se préoccupe des réparations que nécessite le toit en amiante qui a été endommagé par les ondes de choc des attaques de missiles israéliens le mois dernier.

« Nous sommes très proches des cibles militaires, donc il y a eu beaucoup d’attaques par ici » dit-elle.

Comme Muhammad, elle est née en 1994, l’année après les Accords de paix d’Oslo entre Israël et les Palestiniens.

Mais la paix lui semble plus éloignée qu’elle ne l’était pour la génération de son père. Il se souvient comment, il y a des années, il travaillait côte à côte avec les pêcheurs israéliens, partageant la même maison. Mais Madeline, tout comme Muhammad, n’a jamais parlé à un Israélien.

« Tout ce que je sais c’est que nous sommes nés en guerre, que nous vivons en guerre et que nous mourrons en guerre » dit-elle.

Muhammad n’est guère plus optimiste. « J’espère que les tunnels fermeront » dit-il. « Et qu’il y aura des emplois, pour que nous puissions quitter ce genre de boulot. Mais comme vous le voyez, rien n’a changé.Ce n’est pas encore gagné ».

11 décembre 2012 - BBC online - Vous pouvez consulter cet article à
http://www.bbc.co.uk/news/world-mid...
Traduction : Info-Palestine.net - Marie Meert