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Une « précision chirurgicale » qui vise les civils à Gaza
mercredi 5 décembre 2012 - Lydia de Leeuw
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La voiture visée lundi après-midi - Gaza Ville – 19 novembre 2012

Hier une collègue a subi une frappe de missile sur son immeuble où elle habite avec son époux et leurs deux petits garçons. Nous avions aussi entendu le bombardement. Les habitations sont totalement détruites, heureusement notre collègue et sa famillle sont indemnes.

Notre propre habitation, qui se trouve tout près du port de pêche, commence aussi à présenter des signes de destruction. Le port de pêche a été bombardé à 4 reprises jusqu’à maintenant, ce qui commence à laisser des traces sur notre immeuble, avec quelques vitres explosées et des châssis tordus.

Aujourd’hui j’étais en route avec des collègues pour collecter les preuves des continuelles infractions au droit international et pour interviewer des témoins.

Aujourd’hui nous sommes d’abord allés à Jabaliya, dans le nord de la bande de Gaza. Notre objectif était de rendre visite à la famille Nasser dont le mère et un fils de 8 ans ont été tués hier soir lors d’une attaque aérienne.

Jalal Mohammed Saleh Nasser, 42 ans, est monté sur le toit à 10 heures avec son fils de 8 ans, Hussein, parce qu’il y avait un problème avec les canalisations du réservoir d’eau qui se trouve sur le toit. Pendant qu’ils étaient en train de réparer, un missile a été tiré sur eux à partir d’un drone. Jalal et Hussein sont morts sur le coup. Le missile a transpercé le toit de la maison, heureusement dans une partie de la maison où personne n’était présent. La maison est fortement endommagée.

Nous avons rencontré aujourd’hui l’épouse de Jalal, la mère d’Hussein, et d’autres femmes en deuil. J’ai essayé de parler avec elle, mais elle pouvait à peine prononcer un mot. Les gens sont des témoins prostrés qui peuvent aussi décrire ce qui leur est arrivé. Quelques minutes après notre arrivée nous étions sur le toit ou le père et le fils ont été tués. Les traces de sang sont encore visibles. Soudain il y a une explosion tout près de nous. Après avoir conversé avec la famille nous avons repris la route par où nous étions venus et nous avons vu que le missile était tombé à l’endroit même où nous roulions peu de temps auparavant. Le missile avait touché une voiture qu’il avait changée en un tas de décombres en feu. Une autre voiture qui roulait à proximité a été gravement endommagée. L’attaque a fait un mort et 4 blessés.

Autre exemple des crimes qui sont commis en ce moment : l’attaque ciblée contre le père et le fils Hamada. Suhail Ashour Mohammed Hamada, un homme de 42ans, est porteur d’eau professionnel. Comme 95 % de l’eau de Gaza est imbuvable et que beaucoup d’habitants n’ont pas de canalisations d’eau, il fait sa tournée avec de l’eau purifiée dans de grands réservoirs. C’est ce qu’il faisait hier avec Ashour, son fils de 10 ans, assis près de lui sur le camion. Il passait près d’un certain nombre d’habitations quand il fut attaqué depuis les airs. Père et fils Hamada sont décédés.

Notre visite suivante nous mène dans la famille Abou Foul, qui nous fait le récit suivant : ils habitent avec 6 ménages de la famille étendue dans un immeubles à appartements de Beit Lahiya. Dans la nuit du 17 au 18 novembre, la nuit d’hier donc, ils ont reçu un coup de fil à 2 heures du matin. On les avertissait d’avoir à quitter la maison aussi vite que possible car elle allait être bombardée. La famille a immédiatement évacué tout l’immeuble, et 10 minutes après une grosse bombe est tombée sur le bâtiment. Celui-ci est totalement rasé, et les 7 maisons adjacentes sont fortement endommagées. Il y a eu 17 blessés, dont 5 enfants. La famille Abou Foul a tout perdu en un instant.

J’ai déjà écrit que la nuit précédente, les 2 tours des médias à Gaza ont été la cible de plusieurs missiles, blessant 10 journalistes. Hier midi les autorités israéliennes ont envoyé un courriel à des journalistes étrangers les avertissant qu’une des deux tours devait être évacuée immédiatement. Leurs collègues palestiniens dans le même immeuble n’ont pas reçu un tel avertissement.

Cet-après-midi une des tours, la tour Shourouq, a de nouveau été la cible d’une attaque aérienne qui a fait 2 morts et 5 blessés.

Et puis il y a l’épouvantable récit de la famille Al Dalou. Dix membres de cette famille sont morts hier quand leur maison a été attaquée par un F16. Une mère et ses 4 enfants, une grand-mère et 2 tantes sont morts dans la frappe de leur maison par un tir de missile. Deux voisins ont également été tués. Le père de famille était allé au magasin avec un de ses petits garçons. Quand il est rentré à la maison, il a trouvé sa famille ensevelie sous les ruines.

Mes impressions d’ensemble après une autre journée à Gaza

Les attaques de missiles depuis les F16, les drones et les navires de guerre sont exécutées de manière de plus en plus ciblée sur et autour des habitations. Les civils sont également visés alors qu’ils circulent en voiture. Des gens ordinaires sont visés par des bombardements précis.

La vie quotidienne est insupportable pour la plupart des gens, on n’arrive pas à dormir à cause des bombardements incessants depuis les airs et la mer. En plus il faut se dire que depuis le début de cette opération militaire on entend constamment, 24 heures sur 24, le bourdonnement lancinant de ces drones, tout en sachant qu’à tout moment ils peuvent larguer quelque chose, ce qui fait très peur aux gens. Les gens ordinaires, homme ou femme à Gaza, savent par expérience que peu importe où vous vous trouvez, qui vous êtes : vous pouvez toujours devenir la cible d’une nouvelle attaque de missiles.

Je fais mes courses dans un petit magasin près de ma maison. Souvent quand j’y arrive, il y a là deux fillettes, les nièces du propriétaire, qui ont l’habitude d’y faire toutes sortes de bêtises et de se trémousser en riant comme des petites folles, comme toutes les petites filles de quatre ans environ. Maintenant quand je les croise, elle ont une mine épouvantable. Elles sont grises, silencieuses, ne rient plus, ne font plus de sottises : ces deux enfants sont totalement métamorphosées, il ne reste pas grand-chose des deux gamines pleines de vie.

Une des choses les plus pénibles à voir c’est le chagrin et l’angoisse de ces enfants, jamais ils ne devaient vivre tout cela.

Il y a aussi le chagrin et l’angoisse dans les visages et les voix des adultes, ou les larmes de ces grand gaillards qui en pourtant ont vu d’autres, mais qui ne peuvent contrôler leurs émotions quand ils voient tous ces morts et ces blessés et la misère des familles qui ont tout perdu.

Depuis mercredi après-midi il y a eu :

- 104 personnes tuées
- 866 personnes blessées
- 1643 frappes de missiles sur Gaza
- 822 bâtiments, dont des habitations, des écoles, des mosquées etc ont été détruits et endommagés

* Lydia de Leeuw est une criminologue néerlandaise spécialisée en droits humains, crimes internationaux et crimes d’État. Elle travaille actuellement à Gaza.

Lire également :

- Un témoignage oculaire de Gaza (du 14 au 18 novembre) - 2 décembre 2012

20 novembre 2012 - Vous pouvez consulter cet article à :
http://asecondglance.wordpress.com/...
Traduction : Info-Palestine.eu - Marie Meert