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Vies sous occupation : mourir en attendant une nouvelle maison
samedi 24 novembre 2012 - PCHR Gaza
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Ahmad Abdallah Youssef al Afifi avec ses enfants

PCHR Gaza s’est intéressé au cas d’Ahmad Abdallah Youssef al Afifi, 32 ans, devenu un sans-abri en 2003 lorsque les forces de l’occupation ont détruit sa maison de Rafah, au sud de la Bande de Gaza.

Il raconte : « J’ai habité la maison avec ma mère et mon frère pendant quatre mois. Toutefois, nous étions contraints de quitter la zone devenue dangereuse à cause des tirs et bombardement répétés. »

Il poursuit : « Une fois, les israéliens avaient ciblé notre maison vers 3h du matin. Fort heureusement, les bombardements n’avaient blessé personne, et nous avions réussi à nous échapper. Peu de temps après, l’UNRWA a reconstruit les parties endommagées, sauf que nous ne pouvions pas y habiter car les attaques ont repris de plus belle. Les bombardements étaient tellement intenses que nous options la plupart du temps pour la maison de ma s ?ur pour y trouver refuge. Ces derniers mois ont été particulièrement éprouvants : les fenêtres étaient brisées, les réservoirs d’eau attaqués. Même le toit en amiante a été détruit. »

Ahmad ajoute : « Nous avons passé quatre mois dans ces conditions, jusqu’au jour où j’ai été blessé. En effet, l’armée israélienne avait un jour fait une incursion dans notre quartier. Craignant pour ma mère je l’ai emmenée chez des voisins pour qu’elle soit en sécurité. En sortant de chez eux, je suis tombé nez à nez avec un char israélien. J’ai alors sauté par-dessus le mur d’une école proche. Le char a foncé dans le mur de l’école qui s’est effondré sur moi, me blessant au bassin. Cela m’a valu trois mois de convalescence chez mon frère où je ne pouvais pas marcher. Et c’est cet incident qui a motivé notre départ. »

Déplacée, la famille d’Ahmad a loué un appartement qui n’était pas loin de leur quartier, avec l’intention de retourner un jour dans leur maison. Pendant ce temps, Ahmad s’est marié et a eu son premier enfant, la petite Halaa.

Mais un beau jour, Ahmad reçoit un appel téléphonique l’informant que sa maison, ainsi que celle appartenant à la famille Abu Shamallah ont été démolies. « Il y a eu une nouvelle incursion des forces israéliennes dans notre quartier. A leur sortie, ils ont fait sauter la maison avec des charges explosives » précise-t-il.

Par son statut de réfugié enregistré auprès de l’UNRWA, la famille a reçu la visite des membres de l’agence. Ahmad raconte : « L’UNRWA a d’abord procédé par l’évaluation de notre situation, puis a décidé de nous octroyer $100 par mois pour le loyer ; une somme qui, malheureusement, n’est pas suffisante pour nous payer un appartement. Nous devrions déménager vers une nouvelle maison située dans le projet Saoudien de Tel al Sultan. »

Ahmad, son épouse et leurs quatre enfants vivent aujourd’hui dans le camp de réfugiés de Rafah où ils attendent toujours une nouvelle maison qu’ils appelleront enfin leur chez-soi. Le père de famille avoue que « la nouvelle maison leur a été promise durant l’année qui a suivi la démolition ; autrement dit, la famille attend depuis 8 ans. En réalité, le projet n’a commencé que l’an dernier car avant cette date, il était impossible d’effectuer des travaux à cause du blocus sur Gaza. La date de réception est prévue pour le mois de décembre de cette année. Il faut dire que la nouvelle maison est très loin d’ici. C’est pourquoi, les enfants devront être inscrits dans une nouvelle école construite au c ?ur du projet d’habitation. »

Malgré l’attente de leur transfert vers la nouvelle demeure, les membres de la famille s’attendent quand même à d’éventuels ennuis concernant leur nouvelle maison « Bien sûre que nous sommes très heureux de pouvoir enfin retrouver le toit que nous avons attendu depuis des années. Cependant, il y a un petit souci. L’appartement est trop petit. En fait, lorsque l’UNRWA était venue pour le recensement, nous n’étions que trois, alors que maintenant, nous avons trois enfants de plus. Nous n’aurons que deux chambres, ce qui veut dire peu d’espace et une vie privée étouffée.

D’autre part, mon frère n’était pas présent le jour du recensement, et il n’a pas été pris en compte. A présent, il est marié. J’ai adressé une plainte officielle auprès de l’UNRWA parce qu’il sera impossible de nous loger tous dans la même maison. Nous sommes toujours dans l’attente d’une réponse. »

Ahmad poursuit : « Nous avons passé une décennie dans des appartements loués, espérant avoir un jour une nouvelle maison. Depuis la démolition de notre maison, nous avons élu domicile dans trois endroits différents en fonction de la location et de la disponibilité de l’appartement. L’attente est insoutenable, et il y a bien des personnes qui sont mortes pendant qu’elles attendaient une nouvelle maison. Ma mère en est une. Elle est décédée avant qu’elle ne soit relogée dans sa propre maison ; un toit qu’elle avait tant espéré. »

Le projet de logement Saoudien a finalement vu le jour après un blocage dû essentiellement au siège sur la Bande de Gaza, engendrant un manque de matériaux de construction. Le projet devait en effet être finalisé depuis des années lorsque l’Arabie Saoudite avait promis de le financer. »

Toutefois, Ahmed ne fonde pas de grands espoirs sur le système juridique israélien : « Je n’ai pas jugé important d’entreprendre une action judiciaire contre l’occupant qui a détruit ma maison car Israël a déjà détruit de nombreuses habitations de la zone frontalière sans que cela ne suscite la moindre réaction ni entraîne des conséquences juridiques. Je pense qu’il faut conjuguer de gros efforts collectifs pour prendre des mesures contre ces agissements. Et puis, même si je dépose une plainte, je sais pertinemment que je n’obtiendrai jamais gain de cause, ni je serai remboursé. Ceci dit, je souhaite vraiment que quelqu’un puisse entamer une procédure judiciaire commune contre Israël, et de soulever la question sur le plan international. »

Par ailleurs, Ahmad évoque l’autre facette du drame. En effet, voir sa maison détruite devant ses yeux ne peut qu’avoir des conséquences et séquelles irréversibles que même une nouvelle maison ne saura soulager ou compenser : « Bien des gens ont pu être relogés. Hélas, avoir une nouvelle maison ne pourra jamais replacer dans chacun de ses coins les vieux souvenirs vécus dans nos anciennes maisons. C’est tellement douloureux que je ne le souhaite à personne. »

Les démolitions en masse des maisons à travers toute la Bande de Gaza effectuées comme mesure de punition collective, ainsi que l’imposition unilatérale de ladite « zone tampon » le long des zones frontalières gazaouies constituent une violation du droit humanitaire international. En effet, il est clairement codifié dans les Articles 49 et 53 de la Quatrième Convention de Genève l’interdiction du transfert forcé des civils et la destruction injustifiée de leurs biens privés par la Puissance Occupante. La démolition des maisons entreprise par Israël constitue une forme de punition collective contre la population civile, une violation de l’Article 33 de la même Convention.

De plus, l’Article 11 (1) du Pacte International relatif aux Droits Economiques, Sociaux et Culturels reconnait de droit de chacun à un niveau de vie suffisant, notamment le droit à un logement adéquat. En sa qualité de Puissance Occupante et signataire du Pacte, Israël est obligé de « prendre des mesures appropriées pour assurer ce droit. » En outre, d’après l’Article 27 (3) de la Convention relative aux Droits de l’Enfant, Israël est tenu d’offrir aux parents une assistance matérielle et des programmes d’appui pour garantir des logements aux enfants.

Enfin, les démolitions illégales portent illégalement atteinte à la vie privée des personnes et à celle de leurs familles, ce qui constitue une violation aux Articles 17 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques, et 16 (1) de la Convention relative aux Droits des Enfants.

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7 novembre 2012 - PCHR Gaza - Vous pouvez consulter cet article à :
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Traduction : Info-Palestine.net - Niha