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Oui, il existe une alternative !
lundi 12 novembre 2012 - Mustafa Barghouti
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Mustafa Barghouti, secrétaire général de l’Initiative Nationale Palestinienne

La plupart des observateurs au fait de la situation en Palestine, conviennent que l’expansion des colonies israéliennes a mis à mal toutes les perspectives pour l’établissement d’un État palestinien indépendant. En d’autres termes, cette expansion coloniale a effectivement enterré la solution de deux États.

Dans le même temps, peu de gens nieront qu’il y a une compréhension générale et profonde que le processus de négociation a échoué et que les Accords d’Oslo ont été désastreux pour la lutte nationale palestinienne. Ces accords avaient été essentiellement compris comme des accords intérimaires et ouvrant la voie vers une solution durable. Au lieu de cela, cette voie a mené les Palestiniens à une impasse, alors qu’ils rêvaient d’un État indépendant.

Le processus d’Oslo était parfaitement adapté aux objectifs des Israéliens. Les sionistes ont toujours considéré la question palestinienne comme une question démographique. Leur solution n’était jamais un État palestinien souverain, mais plutôt une entité autonome fragile et dépendante, chargée d’épauler les forces d’occupation et de soutenir son ordre socio-économique d’apartheid. Le processus d’Oslo a fourni à Israël tout le temps nécessaire pour étendre ses colonies, judaïser et annexer la majeure partie de la Cisjordanie. Il a également donné à Israël les moyens de contenir le mouvement palestinien de libération, et finalement de diviser profondément les forces nationales palestiniennes.

Du point de vue de l’intérêt des Palestiniens, Oslo est un échec patenté, et représente un énorme avantage pour les objectifs israéliens. Il est peu étonnant que Dov Weinglass l’ait considéré comme un coup de génie.

Les Palestiniens découvrirent avec consternation que l’objectif unique d’Oslo et du processus de négociation était de maintenir le statu quo et de préserver un déséquilibre des forces qui permettait à Israël de mettre en ?uvre la judaïsation sioniste de la Palestine. Utilisant Oslo comme une façade, Israël pouvait réaliser en Cisjordanie ce qu’il a fait dans les territoires de 1948, progressant lentement mais avec les nouvelles techniques disponibles.

Le danger auquel font face les Palestiniens est aujourd’hui de considérer - en étant poussés à cela par des représentants de divers gouvernements étrangers agissant au nom d’Israël - que puisqu’un État indépendant est maintenant impossible, la seule alternative réaliste serait d’accepter une nouvelle phase transitoire. Ceci devrait alors être emballé de façon à ressembler à un État avec des frontières provisoires, ou vendu avec un nouveau processus de négociation sans horizons définis.

Les Palestiniens « réalistes » qui sont tombés dans ce panneau manquent non seulement de foi dans la capacité du peuple palestinien à faire face à la tyrannie, mais ils sont également motivés par leurs intérêts personnels à courte vue qui s’accordent avec de tels projets. Bien qu’ils ne représentent qu’une petite fraction, c’est un groupe dont les intérêts exigent le maintien du status quo.

Le premier but de la politique israélienne est de s’assurer que les Palestiniens et ceux qui les soutiennent restent trop faibles pour arrêter l’expansion israélienne, stopper la judaïsation et empêcher l’annexion de fait des colonies, dans l’espoir que cela finira par chasser la plupart des Palestiniens.

Les responsables politiques israéliens ne craignent qu’une seule chose : une vraie alternative à un État palestinien indépendant, ou solution dite à deux États : je veux parler d’un seul État démocratique dans lequel tous les citoyens possèdent des droits et des devoirs identiques.

Quoi qu’en pensent quelques intellectuels rêveurs, cette alternative ne peut pas naître de rien ni se maintenir dans un vide. Elle exige une nouvelle vision stratégique et un plan de travail concret, qui réunissent des Palestiniens autour de leurs buts nationaux et mettent fin à la fragmentation qui empire de jour en jour.

Oui, il y a une alternative au processus désespérant et destructif d’Oslo, aux négociations futiles, à la préservation d’un statu quo explosif ou corrosif, au renforcement des ruptures et différents internes, à une Autorité qui en réalité n’a aucune autorité dans le contexte de l’occupation. L’alternative est une nouvelle stratégie palestinienne et nationale, dont le but central sera de basculer l’équilibre des forces en faveur du peuple palestinien. Cette stratégie repose sur quatre éléments clé :
- la résistance populaire non-violente,
- la promotion de la campagne pour le boycott, le désinvestissement et les sanctions (BDS) contre Israël ;
- l’établissement d’une direction nationale palestinienne unifiée
- le développement d’un programme économique qui se concentre sur la capacité du peuple palestinien à poursuivre la lutte et à rester sur sa terre.

C’est le type de stratégie requise pour libérer le mouvement de libération nationale palestinien des liens d’une Autorité enchaînés par les Accords d’Oslo. C’est une stratégie qui réunira tous les composantes du peuple palestinien et qui lui permettra de reconstruire ses relations avec les mouvements de solidarité dans le monde entier, y compris les mouvements juifs anti-sionistes. C’est une stratégie dont la bannière est « la liberté », c’est-à-dire :
- la fin de l’occupation,
- la fin de l’apartheid israélien,
- la disparition de toutes les formes de répression et d’enfermement.

Je ne doute pas que cette stratégie réussira à changer l’équilibre des forces et forcera la direction israélienne à revoir ses calculs, lorsqu’elle se sera rendue compte que ses plans pour établir un État exclusivement juif ont échoué.

Ce qui est par contre incertain, c’est si cela se produira suffisamment tôt pour permettre l’établissement d’un État palestinien indépendant. Je doute que ce soit le cas. J’estime plutôt que le moment du changement se produira après que la toute dernière possibilité pour la solution à deux États ait disparu. À ce moment là ne subsistera qu’une seule solution raisonnable, qui est un État démocratique unique pour tous ses citoyens, sans discrimination sur la base d’affiliations ethniques ou religieuses.

Nous comprenons que ce chemin implique un combat difficile contre la discrimination et l’apartheid. Mais n’est-ce pas une lutte dans laquelle la plupart des Palestiniens se sont déjà engagés ?

La cause palestinienne s’est réaffirmée l’an passé à l’Assemblée Générale des Nations Unies. Cette année elle a battu en retraite, au milieu de pressentiments sinistres d’un autre recul à venir.

Il est temps de jeter par-dessus bord les illusions du passé et de se concentrer sur la vraie alternative : une stratégie pour la libération du peuple palestinien.

* Le Dct Mustafa Barghouti est Secrétaire général de l’Initiative Nationale Palestinienne, président de la Société d’aide médicale palestinienne, et membre du Conseil Législatif Palestinien.

Du même auteur :

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15 octobre 2012 - PalestineMonitor - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.palestinemonitor.org/?p=7837
Traduction : Info-Palestine.net - Claude Zurbach