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Les agriculteurs palestiniens se tournent vers le commerce bio et équitable
samedi 10 novembre 2012 -
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Cueillette d’olives en Palestine.
Photo archives presse canadienne




Face à la demande croissante en produits biologiques et équitables, les Palestiniens ont peut-être trouvé un nouveau débouché lucratif pour l’exportation de leurs olives. Une solution qui permettrait aux agriculteurs de mieux vivre de leur terre, malgré la sécheresse et les contraintes imposées par Israël, qui maîtrise les voies commerciales de Cisjordanie.

Depuis les débuts de l’agriculture biologique en 2004 dans ce territoire palestinien, la Cisjordanie a exporté pour au moins 5 millions de dollars US d’huile d’olive bio par année, soit environ la moitié des exportations d’huile d’olive commerciale palestinienne, souligne Nasser Abou Farha, de l’Association Canaan pour le commerce équitable, l’une des entreprises qui vend l’huile d’olive haut de gamme à des distributeurs étrangers. Cette société de Cisjordanie achète l’huile biologique à des prix supérieurs à ceux du marché et paie « une prime sociale », un supplément pour les coopératives agricoles, afin d’améliorer le quotidien de leurs membres.

« L’avenir des Palestiniens est dans la terre », assure Khader Khader, 31 ans, au milieu de son oliveraie biologique située à Nus Jubail, un village du nord de la Cisjordanie.

Environ 930 agriculteurs ont franchi le pas et obtenu la certification bio et équitable, alors que 140 autres sont en pleine conversion de leurs terres, un processus qui prend de un à deux ans. Ce délai permet d’arrêter l’utilisation d’engrais chimiques et d’insecticides. Les membres de Canaan et de l’Association palestinienne pour le commerce équitable forment les agriculteurs et vérifient le niveau de produits chimiques dans les sols.

Des centaines d’autres agriculteurs palestiniens ont obtenu la certification commerce équitable, qui leur permet de percevoir des revenus décents pour leur travail et leur production. Certains agriculteurs ont décidé de produire du maftoul, une sorte de blé séché, des amandes et un mélange d’épices biologiques, le zaatar.

Cette conversion est supervisée par l’Institut pour l’écologie de marché (IMO), un organisme suisse accrédité pour certifier les produits biologiques destinés aux États-Unis, à l’Union européenne et au Japon.

La production annuelle d’huile d’olive en Cisjordanie représente en moyenne 17 000 tonnes, fruit du travail de milliers d’agriculteurs, selon l’organisation Oxfam. Seulement un millier de tonnes d’huile d’olive palestinienne sont exportées chaque année, le reste étant consommé localement, précise Abou Farha, même si cette quantité est sans doute plus importante avec la vente informelle à des proches vivant à l’étranger.

Si les ventes restent faibles comparativement aux plus grands pays producteurs que sont l’Espagne, l’Italie et la Grèce, elles peuvent s’avérer significatives pour les Palestiniens. La récolte des olives reste une tradition très ancrée dans les familles palestiniennes, et les agriculteurs bio espèrent que le choix d’une exportation haut de gamme leur permettra de garder leurs terres.


En effet, la Cisjordanie, bien qu’en partie autonome, vit sous le contrôle d’Israël, qui a supprimé près de 10% des terres arables palestiniennes avec la construction d’une barrière de sécurité, sans compter les 120 colonies juives habitées par 500 000 personnes morcelant davantage le territoire de 2,5 millions d’habitants.

Les autorités israéliennes contrôlent par ailleurs plus de 80% de l’eau en Cisjordanie, dans le cadre d’accords biaisés, estime Ribhi al-Sheik, un responsable palestinien de l’eau. Beaucoup d’agriculteurs dépendent de la pluie et des puits illégaux pour irriguer leurs cultures.

Autre obstacle : l’exportation de produits comestibles est soumise au bon vouloir des points de contrôle israéliens, ce qui peut entraîner une dégradation des produits, laissés au soleil et transportés dans de mauvaises conditions.

Des critiques réfutées par le porte-parole de l’armée israélienne, Guy Inbar. Selon lui, la lenteur du passage au contrôle n’est motivée que par des raisons de sécurité, et « pas pour altérer » les produits. Il rappelle que les Palestiniens exportent chaque année plus de 100 000 tonnes de produits frais. Le porte-parole a également noté que les Palestiniens utilisaient plus d’eau que prévu dans les accords, et que les agriculteurs possédaient des permis les autorisant à accéder à leurs terres de l’autre côté de la barrière de séparation.

Le bio mieux rémunéré

« C’est l’avenir des exportations palestiniennes. L’avenir est dans la valeur ajoutée, à travers la responsabilité environnementale et sociale », souligne Abou Farha, de Canaan. « Les gens veulent savoir d’où vient cette huile. Quelle vie change-t-elle ?  »

Les changements sont déjà visibles à Nus Jubail, village d’oliviers et de pins qui compte 400 habitants, avec ses maisons aux portes bleues et aux tonnelles de vigne. En 2004, des militants de l’Association palestinienne du commerce équitable ont convaincu Khader de lancer une coopérative biologique de cinq agriculteurs, pour qu’ils pressent leurs olives en commun et vendent mieux leur huile.

Au cours du processus de conversion qui a pris trois ans, Khader et ses collègues ont appris à cultiver les oliviers sans produits chimiques, en taillant et en labourant plutôt que d’utiliser des herbicides. Ils ont également eu recours à du fumier de mouton à la place d’engrais chimiques. Une fois certifiée, l’huile d’olive de Khader et de ses collègues a été vendue au-dessus du prix du marché, attirant de nouvelles recrues. Aujourd’hui, 18 des 30 agriculteurs du village se sont convertis au bio.

Cette année, leur huile d’olive biologique a été achetée à 5,40$ US le litre, soit un dollar de plus que le prix habituel, précise Abou Farha, dont l’association achète la majeure partie de la production. D’autres agriculteurs indépendants vendent directement leur huile au consommateur à 9$ US le litre.

Et le pari semble en partie gagné. La chaîne d’épiceries d’aliments naturels Whole Foods de New York et du New Jersey vend désormais de l’huile d’olive palestinienne sous l’appellation « Alter Eco », se félicite Abou Farha.

9 novembre 2012 - La Presse.ca