« Leur seule préoccupation est de nous faire oublier notre maison et la terre de nos ancêtres... » - Photo : Marwan Bou Haydar

« Que veulent-ils de nous ? » demande avec colère une femme qui se nomme Abeer.

J’ai rencontré Abeer alors que je menais une étude sur une organisation de femmes dont l’objectif est de fournir gratuitement des services de traitement de la santé mentale dans les camps.

La fréquence de ce type de réactions soulève des questions quant à savoir si l’ensemble des ONG ont perdu leur crédibilité, ou si il y a encore des organisations qui ont su maintenir une confiance mutuelle pour fournir des services aux communautés palestiniennes.

À une occasion, lors d’une présentation détaillée que je faisais sur la question de la santé mentale, j’ai été interrompue par un participant qui se nommait Mohammad.

« Assez ! Que voulez-vous de nous ? Pourquoi voulez-vous résoudre nos problèmes psychologiques alors que vous en êtes la cause ? » me dit-il avec colère.

« Israël vous a envoyé vous et toutes ces organisations qui prétendent faire ?uvre de charité », a-t-il poursuivi. « Vous êtes tous des agents ... il ne faut pas essayer de contrôler nos esprits avec vos idées. »

La réaction de Mohammad est compréhensible, ses conditions de vie sont épouvantables et son point de vue est loin d’être isolé.

« Nous ne voulons pas de conseils sur la façon de nous adapter, et nous ne voulons pas nous accoutumer à cette situation », dit-il encore. « Nous ne voulons le droit au travail, le logement et l’éducation. Nous voulons notre patrie et vivre avec une identité, comme toutes les sociétés humaines. »

Aisha, qui attendait son tour à la clinique de l’UNRWA dans le camp, se méfiait également de nous, exprimant son inquiétude sur les risques « d’un accord », qu’elle considère, ainsi que les autres, comme une tentative de rendre les Palestiniens complaisants afin qu’ils renoncent à leur lutte pour rentrer chez eux.

Elle a insisté sur le fait que la plupart des ONG servent les intérêts israéliens.

« Leur seule préoccupation est de nous faire oublier notre patrie et la terre de nos ancêtres, » dit Aisha. « Ils ne veulent rien de ce qui nous rappelle notre cause et l’esprit révolutionnaire qui est en nous. »

« Ils essaient de nous laver le cerveau pour que nous abandonnions la cause [palestinienne] en échange d’une citoyenneté, d’une vie de luxe, de conseils gratuits, et d’un bien-être psychologique », poursuivit-elle.

Puis elle ajouta, qu’après avoir accordé aux Palestiniens un peu de confort, « il nous sera demandé, ’qu’est-ce tu veux de plus ?’ Eh bien, je suis un Palestinien et je dis que notre bien-être psychologique dépend de la résolution de la cause palestinienne. »

Khalid, un autre habitant du camp, s’est dit scandalisé par les ONG de médecins, qu’il accusait de donner aux Palestiniens « des restes ».

« La plupart des ONG disent qu’elles sont là pour servir les Palestiniens, mais elles nous donnent les équipements au meilleur marché et le strict minimum en termes de spécialisations, tout en ignorant les spécialités les plus importantes, telles que les maladies cardiovasculaires », explique Khalid.

Rana, une employée dans le domaine social pour le compte d’une organisation internationale, a une opinion un peu différente : il y a encore « des organisations humanitaires propres, libres, fidèles et indépendantes qui pratiquent une réelle philanthropie, ans rien attendre en retour. »

Ces organisations, dit-elle, lèvent des fonds privés pour fournir une assistance médicale, psychologique et sociale, en plus des activités de loisirs pour les communautés palestiniennes et aussi bien non palestiniennes.

"Dans le même temps, ces organisations tentent de servir les Palestiniens en leur donnant un travail, et de servir aussi la communauté locale en recrutant des personnes qui connaissent bien leur communauté », estime Rana.

Bien qu’il puisse être utile de procéder à une étude plus systématique et plus approfondie sur la façon dont les ONG sont perçues par les collectivités qu’elles desservent, ces anecdotes montrent bien que comment nombre de Palestiniens vivant en exil voient ces organisations. Ils sont déterminés à garder le contrôle de leur esprit et à rester fidèles à leurs principes jusqu’au retour dans leur patrie.