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Vies sous occupation : mon fils aspirait à une vie meilleure
jeudi 6 septembre 2012 - PCHR Gaza
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Bassam Abu Muelieq chez lui dans le village de Mossadar

L’incident s’est produit le mardi, 19 juin 2012 près du village Mossadar, situé à la frontière qui sépare la Bande de Gaza et Israël. Ce jour-là, les forces israéliennes avaient ouvert le feu sur Mohamed et ses amis Youssef Altelbani (19 ans) et Mahmoud Alodat (18 ans), au moment où ils tentaient de traverser la clôture de la frontière. Par cet acte, les adolescents voulaient aller chercher un travail en Israël. Seul Mahmoud Alodat a pu échapper à la mort, mais pas aux blessures par les éclats d’obus reçus à la jambe droite, ce qui l’a contraint à rester étendu au sol près de la frontière jusqu’à l’arrêt des tirs d’artillerie. Il a ensuite rampé pendant presque une heure vers une maison proche pour qu’il soit ensuite évacué en urgence vers l’hôpital.

Le père de Mohamed, Bassam (45 ans) raconte les évènements qui ont entouré la mort de son fils : « Le jour de sa disparition, mon fils et moi avons eu une dispute suite à laquelle il a quitté la maison prétendant aller visiter un ami. Quelques minutes après, un de ses copains est venu m’annoncer que Mohamed et deux de ses amis se dirigeaient vers la clôture pour traverser la frontière. »

La maison des Abu Muelieq est à 800 mètres de la frontière. Bassam poursuit : « Je me suis précipité vers l’extérieur de la maison en fixant la frontière. Les forces de défense israéliennes étaient en train de tirer et de bombarder. Toute la zone s’était soudainement transformée en une zone militaire avec les drones qui survolaient les lieux. Devant l’ampleur des tirs, je suis resté devant la maison, impuissant. Je savais pertinemment que si je devais m’aventurer dans la zone des tirs, j’aurais sans doute péri. Tout ce que je pouvais faire était de prier et d’espérer que mon fils soit au pire blessé, mais pas tué. »

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Mohamed Abu Muelieq (17 ans)

Les nouvelles ne sont arrivées que le lendemain. A 10h00, Bassam a appris que les véhicules de la Croix Rouges étaient à la recherche de corps près de la frontière : « Mon fils était méconnaissable lorsque je me suis tenu devant son corps. Il était complètement défiguré et de son visage je n’aperçus que des os. J’ai malheureusement pu l’identifier grâce aux paires de sandales que nous avons en commun. J’ai été bouleversé. Plus tard, j’ai appris que lorsque les tirs avaient commencé, les enfants s’étaient rendus et criaient dans l’espoir d’être épargnés, mais en vain : ils ont été tués. Pourtant, la zone est très bien éclairée par les projecteurs, et il y a des caméras partout, les soldats auraient sans doute constaté que les garçons n’étaient pas armés et qu’ils étaient inoffensifs. »

Le père de famille est au chômage. Son gagne-pain repose sur des emplois temporaires. C’est pourquoi, il reconnait que la décision qui a amené son fils à sauter par-dessus la clôture est due à leur pauvreté abjecte : « Nous vivons dans les conditions les plus misérables et déplorables. J’avais l’habitude de travailler à Israël, mais à Gaza, je suis sans emploi. Mon fils Mohamed n’avait d’autre choix que d’abandonner l’école pour essayer de trouver un travail. Il voulait tout simplement améliorer notre situation : il aspirait à une vie meilleure. Il disait tout le temps qu’il construirait une maison, fonderait un foyer et peut-être même achèterait une moto et de nouveaux habits. Il travaillait là où l’occasion se présentait pour lui ; dans les terres des autres ou sur des sites de construction, mais cela lui rapportait très peu, environ 20 shekels par semaine. Et c’est là qu’il a entendu que les conditions de travail étaient meilleures en Israël et a pensé qu’il serait très facile pour lui d’y trouver un emploi. Mon fils pensait que sauter par-dessus la clôture l’aiderait à en finir avec la pauvreté et à commencer une nouvelle et meilleure vie. »

Comme dans chaque famille endeuillée, la mort de Mohamed a laissé un vide et une affliction terribles chez les Abu Muelieq : « Mon fils était un garçon très bavard. Avec son départ, c’est toute la maison qui, en état de choc, plonge dans un silence affreux. Il manque terriblement à son petit frère et à sa petite s ?ur qui, même s’ils compensent un peu la perte de leur aîné, ils ne prendront jamais sa place ni pourront changer cette réalité amère. Il ne reviendra jamais. Mon épouse est devenue très calme, elle pense à lui tout le temps. Quelle sera alors l’utilité de l’argent si ce sont nos enfants qui paient le prix des mauvaises conditions de vie à Gaza. Nous ne voulons qu’une seule chose : la paix. Nous souhaitons avoir la chance et l’occasion de vivre en paix pour améliorer notre économie et pour construire un avenir meilleur pour les enfants de Gaza. »

Côté chiffres, les diverses attaques israéliennes perpétrées contre la Bande de Gaza durant le mois de juin 2012 font état de 16 enfants blessés et 2 autres assassinés, dont Mohamed. Pourtant, il est clairement codifié dans les Articles 8 (2) (a) (i) et 8 (2) (b) (i) du Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale que « le fait de diriger intentionnellement des attaques contre un enfant, un civil protégé » constitue un crime de guerre.

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1er août 2012 - PCHR Gaza - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.pchrgaza.org/portal/en/i...
Traduction : Info-Palestine.net - Niha